18/03/1977, chronique d’une mort programmée et commanditée par l’impérialisme français en complicité avec ses valets locaux. Assassinat du Commandant Marien NGOUABI
Par Magloire Motoki
Guy MAFIMBA MOTOKI
CONTENTIEUX HISTORIQUES : 18/03/1977, chronique d’une mort programmée et commanditée par l’impérialisme français en complicité avec ses valets locaux.
Pour mémoire, le Commandant Marien NGOUABI patriote et défenseur acharné des intérêts du Congo, un assassinat qui »pue le pétrole ».
LE REDRESSEMENT FISCAL DE 1975
Le 22 juillet 1975, le Congo procède à une vérification de la situation fiscale d’ELF Congo de 1971 à 1974. La première notification de redressement est adressée le 25 août de la même année à la société. Le vérificateur congolais conteste, en particulier, l’assistance générale de la Société ELF-R.E. et certains postes de rémunération des expatriés. Ce qui ressort des documents étudiés, c’est qu’ELF Congo, lors de sa constitution, avait signé un accord d’assistance technique le 10 mars 1969 avec la société ELF-R.E. dans le cadre des rachats qu’elle devait effectuer auprès de la SPAFE.
ELF-R.E. n’aurait-elle été qu’une société fictive ? Le procès-verbal du troisième Conseil d’administration précise bien qu’ELF-R.E. est une << société filiale de l’Entreprise de Recherches et d’Activités Pétrolières dont le rôle est d’assister les sociétés de recherche et d’exploitation d’ELF, en mettant à leur disposition les moyens en personnel et matériel, ou en leur fournissant les prestations dont celles-ci peuvent avoir besoin >>.
Quant aux émoluments des expatriés, qui sont au nombre de 80 sur 203 employés au 31 décembre 1974, avaient-ils connu des majorations exagérées ?
Ces arguments sont fortement contestés par les dirigeants d’ELF Congo mais les archives restent muettes. Il faudra interroger les documents congolais, si tant est qu’il en reste après tous les conflits que ce pays a connus depuis 1992. Les véritables causes de ce soudain redressement fiscal sembleraient tenir à la situation financière compromise et paradoxale du pays depuis qu’il était devenu producteur de pétrole.
L’euphorie de la rente pétrolière depuis 1973 et la brusque augmentation des cours du pétrole avaient conduit les hommes politiques congolais à prendre une série de coûteuses mesures économiques, fondées sur l’idée que les revenus iraient toujours en s’accroissant. Ils avaient augmenté de 70 % le SMIG , réduit les prix des médicaments à des niveaux dérisoires, subventionné l’importation de viande en provenance du Tchad et institué, pour soutenir l’économie, des plans triennaux entre 1973-1975 et 1975-1977. Mais ces mesures, en rapport avec les rentrées financières du pays, ne restent pour la plupart que de pieuses intentions, mises à l’épreuve des détournements spectaculaires de fonds perpétrés par les hommes politiques eux-mêmes.
La manne pétrolière avait travesti l’esprit révolutionnaire des premiers jours en propageant une corruption généralisée dans l’appareil de l’État. Les hommes politiques se livraient une bataille sans merci pour se maintenir au pouvoir et chercher à être le plus proche possible du chef de l’État, puisque cette position rapprochait du Trésor public. << L’enrichissement personnel des acteurs politiques soutenant le régime était maintenant légitimé et donc politiquement approuvé >>.
Ces responsables ne sont jamais frappés par la loi. La situation économique désastreuse se dégradait au vu et au su de tous. Les déclarations politiques du 12 décembre 1975 menaçant d’épuration de la fonction publique et des entreprises d’État tous les corrompus restent sans effet, tandis que les propos sur le réajustement, la radicalisation de la Révolution, le redressement salutaire pour la libération économique, etc., résonnent sans cesse à la radio ou à la télévision.
Toujours est-il que le redressement fiscal laisse en émoi les dirigeants d’ELF Congo qui, dès le 11 septembre 1975, adressent un mémoire de contestation à l’administration congolaise. Celle-ci avait déjà fixé la réclamation à 1,4 million de Fcfa pour les droits simples et les pénalités, et sommé ELF Congo de verser dans les plus brefs délais un premier montant d’un million de Fcfa. Or le percepteur oublie que le Code général des impôts congolais prévoit des avertissements préalables à la société pour rendre les impositions exigibles. ELF Congo adresse le 6 janvier 1976 une lettre en ce sens au ministre de tutelle en attendant la décision du Directeur général des impôts.
Le refus de verser la somme exigée entraîne la saisie, le 29 novembre 1976, des comptes bancaires d’ELF Congo. Ceux-ci sont rapidement débloqués le 6 décembre par l’intervention du ministre des Mines et de l’Énergie, et un dégrèvement partiel des années 1971 et 1972 est en même temps accordé.
Immédiatement après la mort de Ngouabi, les négociations engagées avec le CMP aboutissent à des accords.
ELF CONGO A L’EPREUVE DES RECOMMANDATIONS DE L’OPEP
La production pétrolière congolaise de la décennie 1970 ne croît pas. Émeraude n’atteint toujours pas 2 millions de tonnes et Pointe Indienne baisse à 8000 tonnes. Cela signifie des réductions importantes au budget de l’État. Le gouvernement prend alors la décision le 19 février 1976 d’aligner le paiement de la redevance et de l’impôt, pour les années 1975 et 1976, sur les dispositions arrêtées par l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole). Les pays de l’OPEP répliquent le 15 octobre 1973 à la politique américaine au Moyen-Orient en diminuant la production pétrolière de 5 %, et en augmentant de 17 % le prix du brut et de 70 % les taxes diverses exigées des sociétés pétrolières. Le pétrole devient une arme stratégique durant la guerre qui oppose les pays arabes à Israël.
Quand la Conférence de l’OPEP de Quito, tenue le 17 juin 1974, décide de porter de 12,45 à 14,50 $ le taux des redevances, le Congo saisit cette occasion pour entamer des négociations avec ELF Congo et AGIP Recherches Congo en vue de l’application de ces recommandations. Aussi, la nouvelle redevance minière est-elle adoptée, tandis que le prix de vente du baril est porté de 9,5 à 10,13 $ à compter du 1er janvier 1974. Le pétrole trop lourd d’Émeraude ne peut se vendre plus cher. Pour 1974, la redevance minière et l’impôt sur les sociétés représentent en tout 13,7 milliards de Fcfa qu’ELF Congo doit verser à l’État.
Le gouvernement congolais estime qu’ELF Congo ne fait pas suffisamment d’efforts pour l’aider à combler le déficit de ses finances en cette année 1975 où la Révolution vient de se radicaliser et où le deuxième plan triennal doit entrer en action. Le gouffre financier est énorme. Les espoirs que la manne pétrolière avait suscités s’amenuisent donc en même temps que la production pétrolière. C’est la faute du capitalisme, en l’occurrence français, et de ses « valets » locaux, aiment à le dire les responsables politiques.
Le 5 février, le ministre des Mines et de l’Énergie dénonce purement et simplement les conventions d’établissement des sociétés ELF-ERAP et AGIP et met fin, le 13 février 1976, aux contrats d’association conclus le 28 avril 1969 portant sur le croisement d’intérêts de leurs filiales congolaises respectives pour l’ensemble des permis qu’elles détiennent au Congo.
Les nombreuses réunions des mois de février et mars qui suivent ces décisions parviennent à mettre en place deux commissions, l’une financière et économique et l’autre technique, chargées de déterminer les raisons de la baisse de la production pétrolière et les décisions à prendre pour régler le différend fiscal.
Leurs résultats ne seront jamais publiés. Entre-temps, les sociétés mères, ELF-ERAP et AGIP, adressent une lettre au ministre des Mines et de l’Énergie lui rappelant les conditions dans lesquelles elles s’étaient engagées au Congo et condamnant la dénonciation qui mettait fin à la situation contractuelle existante.
Il convient de rappeler que les conventions d’établissement stabilisent, pour une période de 25 ans, les taux d’imposition et la redevance minière qui sont la garantie voulue par les organismes financiers qui accordent des prêts permettant d’assurer les activités d’exploration et de production des sociétés pétrolières. Suite aux décisions du gouvernement, le financement des opérations est donc arrêté. La situation peut devenir compliquée et très coûteuse par la suite s’il n’y a pas déblocage rapide. En attendant, pour garantir les échéances d’Émeraude, par exemple, ELF Congo doit recourir à la politique d’avances sur les chargements pétroliers auprès de l’acheteur du brut congolais.
Les négociations se poursuivent mais elles portent sur l’avenir des relations entre le Congo et les sociétés pétrolières. Elles sont axées essentiellement sur deux points. Le premier est un projet d’accord qui prévoit une cession réciproque d’intérêts devant conduire ELF Congo à s’associer à Hydro Congo sur l’ensemble de ses permis et concessions. Hydro Congo a été créée par ordonnance du 4 juin 1973 comme Société nationale chargée d’intervenir, pour le compte de l’État, directement ou en association avec des partenaires étrangers, dans toutes les activités de mise en valeur des richesses du sous-sol national congolais . Le second projet concerne une nouvelle convention qui s’appliquera à l’exploration et à l’exploitation des gisements à découvrir.
Mais, jusque-là, les investissements demeurent gelés, les dispositions juridiques qui permettent la poursuite de la coopération entre les différentes parties restant toujours suspendues. Le Congo ne cesse de voir s’assombrir son avenir, poussant le président Ngouabi à accuser ELF-ERAP d’être de mauvaise foi dans l’application des lois de l’État. Guillaumat loue les efforts déjà consentis par son groupe et reste sourd aux appels au secours du gouvernement congolais pour l’aider à respecter ses obligations budgétaires. En vue de rendre possible le versement des salaires des fonctionnaires, l’État français et d’Omar Bongo du Gabon auraient renfloué momentanément les finances congolaises.
Tâchant de dénouer tout de même la crise, les dirigeants d’ELF-ERAP obtiennent une audience avec le chef de l’État le 11 mars 1977 au cours de laquelle il est décidé de reprendre les négociations à Paris à partir du 15 mars. Pendant leurs travaux du 18 mars, les négociateurs congolais, dirigés par le ministre de Mines et de l’Énergie Rodolphe Adada et le ministre des Finances et du Commerce Henri Lopes, et ceux d’ELF-ERAP, sous la direction de Tarallo, apprennent l’assassinat de Ngouabi, le jour même.
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