Culture & Loisirs, DIASPORA, DROIT, Education, Société

Code de la famille congolaise, un recueil d’incongruités.

Code de la famille congolaise, un recueil d’incongruités.

 Texte d’ HERVE MAHICKA

Hervé MAHICKA

Voici un exemple:

L’article 5 du préambule de ce code stipule que : « La femme a les mêmes droits que l’homme dans les domaines de la vie privée, politique et sociale ».

Bieeen!

Article 121 dit: « La Loi reconnaît la polygamie et la monogamie.

La monogamie est le régime de droit commun. Une option de polygamie peut être déclarée par les époux dans les conditions fixées par l’article 136. »

Ah! Mais au bénéfice de qui?

***Remarque: La polygamie est un terme générique qui évoque le fait pour un homme de contracter plusieurs mariages avec femmes (polygynie) ou pour une femme de contracter plusieurs mariages avec des messieurs (polyandrie). Cet article ne met aucune distinction ou privilège exclusif de l’homme à être polygame. Comme ils sont égaux dans la vie privée également, juridiquement, les deux peuvent être polygames!

Et que dit l’article 136 dont il est question dans le 121?

Art 136: « La déclaration d’option de polygamie est souscrite par les futurs époux devant l’Officier de l’Etat-Civil au moment de la déclaration du mariage, et en cas de mariage à l’étranger, devant l’agent diplomatique ou consulaire territorialement compétent. »

L’égalité des droits entre les sexes reste donc le principe. L’article précédent, le 135, est de la même veine d’ailleurs dans son premier alinéa mais change au second.

Article 135: alinéa 1″En cas de monogamie, on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier. »

Alinéa 2 « Toutefois, en cas d’accord des deux époux, le mari peut contracter une nouvelle union. »

En somme, un mariage sous l’empire de la monogamie peut changer de statut avec l’accord de l’épouse. Mais cette clause ne s’applique pas à elle. Ou du moins, ce n’est pas précisé. L’interdiction n’est pas formalisée, mais c’est juste une partie qui voit ses conditions détaillées.

Très curieusement arrive un article qui va renforcer l’égalité notamment en matière de fidélité des époux:

Article 167: « Les époux se doivent mutuellement fidélité. Ils se doivent secours, aide et assistance réciproque pour la sauvegarde des intérêts moraux et matériels du ménage et des enfants. »

Cet article est copié mot à mot du code civil français (article 212), mais pose dans le cadre de la polygamie un réel problème de définition de la notion de fidélité: au moment ou il fait la cour à une autre femme, il est de fait en position d’infidélité. C’est la position française.

La loi congolaise ne donne aucune définition de l’infidélité. Selon Alexis Gabou qui est un des auteurs de ce code et qui l’a expliqué dans de nombreux articles, l’infidélité est comprise comme sexuelle. L’époux est tenu à être fidèle à toutes ses épouses. Il ne commet une infidélité que s’il va avoir des relations sexuelles avec d’autres personnes que ses épouses. Même si c’est pour contracter un nouveau mariage autorisé par la loi, il ne doit pas connaitre sexuellement celle qui n’est pas encore son épouse avant le pré-mariage (dot). Gabou était certainement de la vieille école ou peut-être les dots s’effectuaient sans consommation préalable, mais c’est un peu surréaliste. La disposition sur l’infidélité devient inapplicable alors que l’adultère qu’il induit a des conséquences juridiques qui restent en vigueur.

Une affaire de divorce avait défrayé la chronique dans les couloirs du palais de justice de Brazzaville. Dame Diangouaya, épouse sous le régime de la polygamie de sieur Milandou, après plusieurs départs du foyer et réconciliations, demandait finalement le divorce à cause des infidélités répétées de son mari et des violences que ce dernier lui infligeait quand elle s’en plaignait. Elle souhaitait obtenir le divorce aux torts exclusifs du mari reconnu adultère. Cela lui aurait fait bénéficier des avantages dans le partage des biens du couple rompu comme le veut la loi. Le juge suprême en prononçant le divorce, déclara que la jalousie de dame Diangouaya face aux escapades extraconjugales de son mari était excessive au regard de la nature polygamique du mariage qu’elle avait contracté. Pour ce juge, les relations sexuelles extraconjugales de l’époux pouvaient s’apparenter à la recherche d’une nouvelle épouse comme le lui autorisait la loi. Il ne cherchait donc qu’à concrétiser un avantage que lui confère la loi de plein droit, avantage dont il ne pourrait bénéficier sans consommer son potentiel nouvel engagement nuptial. A défaut de cette quête, la loi serait inapplicable pour le potentiel polygame contractant. L’homme de loi avait conclu par « on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, et c’est vous madame qui lui avez accordé le droit à ce repas en optant pour la polygamie ».

En somme, il a cassé des œufs pour voir ce qu’il y avait dedans, et décidé de faire l’omelette ou non! Le divorce fut prononcé aux torts partagés.

Très curieux argument parce que la loi congolaise aussi bien civile que pénale, interdit et sanctionne l’infidélité sans distinction de genre ou de format du mariage. Dans cette décision qui aurait pu faire jurisprudence, le juge a rattaché toute relation sexuelle extraconjugale commise par un homme marié sous le régime de la polygamie à la présomption de création d’un mariage futur, annulant donc pour ces derniers, toutes les dispositions relatives à l’infidélité et les peines rattachées à l’adultère, et du coup à l’égalité des droits dans la vie privée entre hommes et femmes, mais aussi à l’égalité des droits liés au mariage selon qu’il soit polygamique ou monogamique. Un monogame a moins de droits qu’un polygame. Pourtant l’article 167 décrète la fidélité pour tous, hommes comme femmes, dans une relation mono ou polygamique.

Toutes ces imperfections techniques (nombreuses dans ce code) apparaissent parce qu’une loi rationnelle a voulu intégrer des éléments de mœurs issus d’une société inégalitaire. Ca donne des citoyens aux droits différents – ce qui remet en cause le principe même de la république – des lois inapplicables dans leur plénitude, et des mœurs en décalage avec la réalité nouvelle qui provoquent de nombreux conflits sans recours aucun.

HERVE MAHICKA

 

Laisser un commentaire