Le 04 novembre 2015, le Tribunal de Commerce a rendu un jugement portant liquidation de la brasserie « Boisson africaines de Brazzaville » (BAB). Au motif que cette unité de production était incapable d’apurer ses dettes vis-à-vis de travailleurs et vis-à-vis de l’Etat. « Complot, maffia ou règlement des comptes ? » se demandent de nombreux observateurs.
Pendant la guerre du 5 juin 1997 qui a sévi dans la capitale congolaise jusqu’au 15 octobre, la brasserie « Boissons Africaines de Brazzaville » (BAB), dont le PDG est le Congolais François Odzali, avait subi des destructions. Ce fut le cas pour toute personne morale, toute société, et toute personne physique ayant évolué au Congo à cette époque-là. Pour permettre aux entreprises endommagées de relancer leurs activités après les troubles, l’Etat congolais s’était engagé à les indemniser. Ce fut le cas de sociétés telles que Brasco (Brasseries du Congo) et la CFAO. Mais, la BAB « Nouvelle Formule » n’a pas été dédommagée. De là partirent donc toutes les difficultés de cette entreprise, ainsi que de ses travailleurs. En l’an 2000, c’est-à-dire trois ans plus tard, comme si cela ne suffisait pas, l’Etat a laissé BAB à la merci de sa consœur BRASCO, qui lui menait une concurrence déloyale ! Les procès intentés par la BAB contre l’Etat pour cette mission et contre sa concurrente pour cette concurrence déloyale étaient encore au Tribunal de Grande Instance de Brazzaville (TGI-B) Douze ans plus tard, plus précisément le 4 mars 2012, des explosions de bombe éclatèrent à Brazzaville. Notamment dans la zone industrielle de Mpila, où se trouve la BAB, et dans les quartiers de Ouenzé. Bien évidemment, la société du PDG Odzali n’a pas été, une fois de plus, épargnée par ces destructions. En conséquence, de ce qui précède, le Congo tout entier tournait au ralenti, y compris la BAB. Les retards de salaires étaient enregistrés. Mais, dans l’entre-temps et sans attendre l’aide de l’Etat. Le PDG Odzali a acquis du matériel flambant neuf pour le recyclage des bouteilles de jus de fruits en plastiques et pour fabriquer de la verrerie pour les autres bouteilles. Mais les arriérés de salaire n’étaient toujours pas jugulés. Les travailleurs ont fini par faire recours au Procureur de la République près le Tribunal de commerce du Tribunal de Grande instance de Brazzaville. Malheureusement, ce n’était pas là la bonne porte où il fallait frapper. Ils auraient pu s’adresser à la chambre sociale ou au Tribunal social habilité à trancher sur cette matière. Qu’à cela ne tienne, le Procureur du Tribunal de commerce de Brazzaville a convoqué le Directeur général de BAB (en l’absence du PDG qui se trouvait en voyage). Ce dernier s’est engagé à payer les arriérés de salaire au fur et à mesure que l’entreprise fonctionnerait, bon an mal an. Car, la situation était critique, a-t-il expliqué au Procureur. Cet engagement du Directeur général de BAB était consigné dans un concordat, comme le recommande la Loi, dans lequel il a défini les modalités et le rythme de paiement des arriérés de salaires estimés. Mais, contre toute attente, le Tribunal de Commerce a rendu un jugement qui a ordonné la liquidation de BAB.
« Une liquidation fallacieuse », selon les observateurs
Cette liquidation est, aux yeux de nombreux observateurs, est fallacieuse. Car, premièrement, les travailleurs sont allés se plaindre auprès du Tribunal de Commerce, en lieu et place du Tribunal social habilité.
Deuxièmement, les ¾ des travailleurs avaient déjà perçu leurs arriérés de salaires. Seuls ¼ d’entre eux avaient refusé de toucher leur dû. L’inspecteur général du travail a informé pour cela le groupe BAB qu’un délai d’un mois était accordé aux travailleurs qui avaient refusé de passer percevoir leurs salaires. Dépassé ce délai, l’Inspecteur général du Travail prendrait les mesures qui s’imposeraient. Naturellement, le PDG du Groupe BAB a interjeté appel de cette décision de liquidation auprès de la Cour d’appel du Tribunal de grande instance de Brazzaville. Et le verdit de cette Cour d’appel est attendu pour le 2 février 2016. Il est tout de même curieux de constater que la décision de liquidation a été rendue le 4 novembre 2015, et que le PDG Odzali a interjeté appel dès le lendemain, 5 novembre de la même année. Mais, 20 jours après le jugement portant liquidation, selon les termes mêmes du Procureur général du Tribunal de commerce, les syndics liquidateurs nommés ont réalisé une promesse de vente des actifs de la société BAB pour un montant de 10 milliards de FCFA.
Complot, maffia ou règlement de comptes contre le PDG Odzali ?
Le moins que l’on puisse dire, premièrement est qu’il s’agit d’un complot. Car, il n’est pas possible de réaliser une promesse de vente sans avoir établi l’inventaire du patrimoine d’une société. Sur quelles bases donc le Tribunal de Commerce de Brazzaville a-t-il estimé la promesse de vente autour de 10 milliards de FCFA ? L’on se rappellera que la société BAB avait débloqué de l’argent pour la paie des arriérés de salaires de tous ses agents. L’on se souviendra également que le délai accordé aux travailleurs qui avaient refusé de toucher leur argent n’avait pas encore expiré. Quelle mouche a pu donc piquer le tribunal de Commerce de Brazzaville pour décider de la dissolution de la brasserie BAB ? S’interrogent les spécialistes du Droit. Cette affaire de liquidation de BAB sent en outre l’odeur d’une maffia. Car le Procureur général du Tribunal de Commerce de Brazzaville qui avait initialement pris une décision en faveur du Groupe BAB s’est finalement rétracté ! Cette odeur de maffia est aussi ressentie ? dans la mesure où la Société « DCI-Sarl-Audit et Conseil » (appartenant à l’avocat Pena Pitra) a fait un bilan de la créance ou de la dette de la société BAB, créance qu’elle a revue à la hausse, de façon exagérée et imaginaire, à 9 milliards 200 millions de FCFA. Ce qui revient à dire que, même si BAB est revendue, pour ne pas dire bradée, à 10 milliards de FCFA, son propriétaire Odzali, ne gagnera rien à l’issue de la transaction. De 9 milliards à 10 milliards de FCFA, il n’y a qu’un milliard de différence. Que peut faire une grande société devenue pauvre après les saccages de la guerre ? Dans cette créance revue à la hausse exagérément, il y a beaucoup de charges surfacturées et fantaisistes. Tenez ! Au titre du bilan d’ouverture d’étape de la liquidation de la BAB au 31décembre 2015 ont été incorporées « les provisions d’avocats », « les provisions judiciaires », « les provisions de dettes » (estimées à 7 milliards)… que la BAB ne reconnaît pas. Parce que, le cabinet Bollet avait précédemment réalisé un audit qui avait donné lieu à un montant autre que celui avancé par « DIC-Sarl Audit et Conseil ». D’où cette question récurrente :
« Comment peut-on faire une promesse de vente d’une entreprise, avant d’avoir fait l’état de lieux du patrimoine de la société » ?
En effet, soutenons-nous que le Tribunal de Commerce de Brazzaville avait décidé de la liquidation de BAB le 4 novembre 2015. Et 20 jours après, c’est-à-dire le 24 novembre, les syndics liquidateurs ont réalisé la promesse de vente de BAB pour un coût de 10 milliards de FCFA. Cela s’appelle mettre la charrue devant les bœufs. Troisièmement, l’affaire « liquidation de BAB » a tout l’air d’être un règlement de comptes. Soutenons-nous que le PDG Odzali avait fait saisir en 2015 à Paris un avion de la compagnie aérienne nationale congolaise « ECAIR », dans le cadre du paiement par l’Etat congolaise de ce qu’il devait à la société BAB au lendemain de la guerre du 5 juin 1997 et après le drame du 4 mars 2012. Cette saisie d’appareil n’avait pas été perçue d’un bon œil par les autorités congolaises. Pourtant, tout le monde sait que le PDG Odzali était dans ses droits, puisque l’Etat congolais n’avait jamais tenu ses promesses d’accorder des facilités aux entrepreneurs locaux. Mais, à dire vrai le moment de régler des comptes à l’homme d’affaires Odzali par le pouvoir de Brazzaville est mal choisi aujourd’hui. Car, Denis Sassou-N’Guesso, la première autorité du pays, a fixé l’élection présidentielle au 20 mars 2016. Et il voudrait la gagner au cas où sa candidature viendrait à être confirmée. Mais, François Odzali qui serait originaire du Nord du pays et plus précisément du Département de la Cuvette comme Denis Sassou-N’Guesso, serait-il prêt à voter pour lui ? « Regarder quelqu’un qui voudrait briguer un 3e mandat, mais qui brime ses propres parents opérateurs économiques comme Odzali, en laissant la Justice de son pays liquider abusivement leurs sociétés » pourront rétorquer ces derniers.
Le Révérend Pasteur