Affaire Mokoko : l'opposition congolaise dénonce des pressions du pouvoir

Au Congo-Brazzaville, le ministre de la Justice, Pierre Mabiala, a demandé, jeudi 9 juin, au procureur de la République « d’accélérer la procédure judiciaire » visant l’ex-candidat à la présidentielle. Selon la défense du général Mokoko, toute intervention politique serait malvenue. De son côté, l’opposant Guy-Romain Kinfoussia, porte-parole du Frocad et de l’IDC, dénonce des pressions de l’exécutif.

L’opposant Jean-Marie Michel Mokoko, ex-candidat à l’élection présidentielle remportée, au premier tour, par Denis Sassou-Nguesso, est visé par une procédure judiciaire pour son implication présumée dans un projet visant à chasser le président du pouvoir.

La déclaration du ministre congolais de la Justice, Pierre Mabiala, demandant au procureur de la République « d’accélérer la procédure judiciaire » n’inquiète pas la défense du général. Pour Maître Jean-Philippe Esseau, en effet, la procédure suit son cours normalement et toute intervention politique serait malvenue.

« La déclaration du ministre ne m’inquiète pas du tout parce que la procédure, à l’enquête préliminaire, se passe en toute sérénité. Je ne dirais pas que c’est une faute politique, mais une faute morale. C’est une déclaration qui rappelle les pratiques de l’ancienne République où le politique utilisait la justice pour régler les comptes politiques. Ravis, nous sommes dans une nouvelle République où on doit rompre avec les anti-valeurs. Une enquête préliminaire ne peut pas se dérouler sous la pression politique », a-t-il déclaré à RFI.

Maître Jean-Philippe Esseau a, par ailleurs, ajouté que depuis cette déclaration du ministre de la justice, il n’a pas eu de contact avec le procureur.

Pour l’opposant Guy-Romain Kinfoussia, porte-parole du Front républicain pour le respect de l’ordre constitutionnel et l’alternance démocratique (Frocad) et de l’Initiative pour la démocratie du Congo (IDC), cette intervention du ministre de la Justice est une preuve que le pouvoir politique fait pression sur le pouvoir judiciaire. Il y voit une injonction et une pression de l’exécutif dans le judiciaire, une montée en puissance du système répressif ainsi que l’embastillement de l’officier candidat à la dernière présidentielle : « Notre pays dispose d’institutions réputées indépendantes comme le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif, le pouvoir judiciaire et puis la presse. Vous venez d’observer, par la déclaration du ministre garde des Sceaux, que la justice, chez nous, n’est pas un pouvoir indépendant. »

Et l’opposant de conclure : « Nous pensions que le gouvernement allait prendre une mesure d’apaisement en élargissant le maximum de nos camarades qui sont embastillés et illégalement détenus. Il n’en est pas question. Au contraire, il montre une montée en puissance du système répressif qui veut embastiller un général qui a été, je vous l’assure, reconnu apte à se présenter pour être président de la République. La Cour constitutionnelle a estimé que Jean-Marie Mokoko était un citoyen capable d’être président de la République. [Et] aujourd’hui, on découvre qu’on doit le poursuivre en justice ? Cela n’a aucun sens. »

RFI.

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Analyse de Patrick Eric Mampouya

« On est pas à une bêtise près lorsqu’à la tête du ministère de la justice du gouvernement de fait on nomme un milti-recallé en licence de droit, amateur de la justice spectacle et médiatique, que peuvent espérer les congolais ?

La constitution de la nouvelle République consacre la séparation des pouvoirs entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire.

Qui peut nous expliquer pourquoi le pouvoir exécutif via Pierre Mabiala, ministre de fait, peut-il instruire en pleine conférence de presse, le procureur de la République, l’un des garants du pouvoir judiciaire pour qu’il incarcère un citoyen ?

Lorsqu’on vous dit que le triplement de Pierre Mabiala en Licence en droit ne lui a pas servi pour mieux comprendre les arcanes et les B-A-BA et les rudiments du droit, on est étonné par une telle légèreté.

Pierre Mabiala ne retiendra jamais la leçon de son passage aux côtés de Pascal Lissouba où il fut l’avocat de son gouvernement. L’excès de zèle n’a jamais fait des griots des personnes vertueuses à part être des tonneaux vides. Si après on dit que Mr 8% dirige des incompétents, beaucoup vont crier à la jalousie.

On est pas à une bêtise près lorsqu’à la tête du ministère de la justice du gouvernement de fait on nomme un milti-recallé en licence de droit, amateur de la justice spectacle et médiatique, que peuvent espérer les congolais ?

Pour les parents qui ont été privés de nombreux mois d’un des leurs parce que emprisonné dans des conditions exécrables c’est un soulagement. On va extorquer leurs remerciements sur la générosité du « bâtisseur fatigué « .

Aux prisonniers politiques qui ne supportent plus cette promiscuité de la Maison d’arrêt où ils croupissent sans motif apparent, retrouver la liberté est un droit. Il ne peut en être autrement. Que peuvent-ils faire ?

Drôle de pays. On incarcère avant et on fabrique les preuves après pour condamner. Et sans jugement seulement au bon vouloir d’une caste au pouvoir et d’un individu.

Allons seulement vous avez dit. Mais où ? En direction de la bêtise humaine. »

Patrick Eric Mampouya.