Afrique : Célébrer la fête de l’indépendance, quelle nécessité ?
Par Gilbert GOMA
Gilbert GOMA
L‘homme vit de symboles pour se représenter ou représenter son environnement dans ses différentes expressions. Ainsi codifie-t-il le sens de son existence et des rapports sociaux. En ce sens célébrer la fête de l’indépendance pour un pays, n’est pas en soi une incongruité mais l’important réside dans le sens qu’on en donne. Dans le cas des pays africains anciennement colonisés, plus qu’une célébration, cet événement est un rapport à la mémoire qui doit s’inscrire dans une perspective historique et en être un déterminant tant dans sa définition que dans sa réalité.
61ans après la nuit coloniale, on ne peut continuer à s’énivrer de fêtes fastueuses, de discours et slogans d’autocongratulation surannés, alors que la dure réalité de la vie des Africains au quotidien en apporte un sévère démenti. Combien de temps faut-il pour continuer à vivre à la remorque d’une Histoire voire d’une indépendance de façade, loin de la réalité ? La jeunesse africaine actuelle est ouverte au monde. Elle sait ce qui est fondamental pour la construction de l’Afrique, et ne supporte plus le tumulte de ces prestidigitations, de ces feux d’artifice, qui ne leur ouvrent aucune perspective, hormis le labyrinthe du chômage, de l’oisiveté ou de l’exil économique ou politique. Comment parler d’indépendance face à la dépendance économique, politique et intellectuelle de la plupart des pays du continent ? Il s’agit-là d’une capitulation de l’élite dirigeante africaine quant à sa mission de transformer la société, de répondre aux besoins des populations.
L’indépendance c’est rompre d’avec la pathologie de la dépendance, c’est construire une nouvelle légitimité historique, c’est promouvoir une nouvelle vision du monde, c’est interroger les grands enjeux internationaux du moment et se projeter dans l’avenir. En d’autres termes, c’est être maître de son destin sans attendre l’onction de quiconque ou ne pas être à l’affût d’hypothétiques aides qui, en réalité, sont des leurres qui contribuent au « développement du sous-développement » de nos pays et de leur sempiternelle soumission.
L’indépendance c’est rationaliser et garantir sa souveraineté, c’est créer au sein de la population une dynamique de raccordement, unitaire et nationale, par-delà la diversité des opinions, c’est pacifier l’espace politique en magnifiant la tolérance comme mode de régulation des rapports sociaux et non bâillonner les voix discordantes ou être à la quête des parrains à l’extérieur pour se maintenir ou accéder au pouvoir. L’indépendance c’est se prêter à l’innovation, à la créativité, pour l’intérêt général. L’indépendance exècre la violence comme mode de règlement de conflits et l’accaparement du bien collectif par une entité quelconque.
L’indépendance c’est le droit des populations de choisir leurs dirigeants en toute liberté sans qu’ils ne les leur soient imposés, d’une manière ou d’une autre, par des élections de façade.
En somme célébrer l’indépendance pour un pays africain, c’est sortir du paradigme de la fête en privilégiant le bilan comme grille de lecture. Cette démarche est un impératif éthique minimal face à la souffrance des populations, au manque d’eau et d’électricité, à la famine, à la malnutrition, aux atermoiements du système éducatif, à la désarticulation des familles, au chômage des jeunes, aux épidémies, aux maladies de toutes sortes et leur hypothétique prise en charge par des structures sanitaires mal en point, qui souvent sont des mouroirs. Dans son livre » Les damnés de la terre », Frantz Fanon a fait observer que » Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir « . La jeunesse africaine actuelle, décomplexée, a choisi de remplir sa mission, celle d’écrire elle-même son Histoire. Elle est agacée et rejette vigoureusement ces fêtes fastueuses, budgétivores et inutiles, qui ne mènent nulle part.
De même on ne peut célébrer l’anniversaire d’un enfant qui n’est pas encore né, de même on ne peut continuer à célébrer une indépendance qui n’existe pas. Ne faut-il pas nommer autrement cet événement ?
L’Afrique, berceau de l’humanité, regorge de richesses nécessaires, matériels et immatériels, de son indépendance, la vraie. Mais cela suppose l’éclosion de grands esprits.
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