Antoine Moundanda et son « Likembé géant », une gloire impérissable

Les faiseurs de chansons sont plus forts que tous les faiseurs de lois…

Dans les propos de Thalès, le grand philosophe anatolien de l’Antiquité, nous pouvons aujourd’hui retenir ce qui suit quant à l’audience, la persuasion et la puissance des artistes musiciens : «Les faiseurs de chansons sont plus forts que tous les faiseurs de lois, les assoiffés de pouvoir, d’honneur et de domination». En effet, plusieurs raisons liées à la sociologie, à l’histoire, à la culture et surtout à l’anthropologie expliquent cette posture du philosophe Thalès de Milet.

En effet, né en 1928 à Kinkala dans le Pool, Antoine Moundanda a tiré sa révérence, depuis le 2 avril 2012, à Brazzaville. Mort à l’âge de 84 ans, il a été l’un des monuments vivants de la musique des deux rives du fleuve Congo pour avoir œuvré, des années durant, aux côtés de Paulo Kamba, Wendo Kolossoy, Bowané, Sylvère Tsamas, Massamba Lebel, Adou Elenga, Eboma, Emmanuel Dadet Damongo, Guy Léon Fylla et bien d’autres pionniers, dans l’éclosion, le perfectionnement et surtout le développement de la rumba congolaise.

«Qu’est-ce que c’est ? Ça c’est quoi ça ?»

Très proche  de la tradition populaire, Antoine Moundanda grâce à son instrument fétiche, «la Sanza»,  chansonnait les menus faits de la vie quotidienne. Ces millions d’admirateurs seront loin d’oublier l’un de ses refrains les plus célèbres à savoir : «Qu’est-ce que c’est ? ça c’est quoi ça ?»

Père d’une grande famille, Antoine Moundanda aura joué sa partition jusqu’au soir de sa vie, pleine, riche, sans histoire monumentale, sans démesure, sans tricherie et sans polémique inutile.

Le folklore aura été l’un des principaux inspirateurs de sa musique, très perfectionnée et mélodieuse. Très  doué, dès son jeune âge,  – comme nombre de jeunes artistes de son époque – Moundanda avait compris la nécessité d’innover, de perfectionner l’art musical en y associant et incorporant, intelligemment, des instruments de musique locaux. C’est pour avoir eu ce mérite qu’en 1955, Antoine Moundanda s’est vu décerné le Prix Osborn.

A ce titre, il aura une gloire impérissable qui, avouons-le, à la différence de la plupart des artistes  congolais baignés dans l’immoralité et les obscénités.

Chez Moundanda, la société toute entière apparaissait comme une fresque vivante

Assurément, l’œuvre musicale du doyen Antoine Moundanda résistera, absolument, à l’épreuve du temps et de l’espace. Chez Antoine Moundanda, la société toute entière apparaissait comme une fresque vivante dans la composition de laquelle se distinguent, jusqu’à ce jour,  tous les actes, les gestes de la vie de tous les jours.

Car, mêlant avec élégance, le sacré et le profane, le burlesque et l’insolite, Antoine Moundanda a été l’un des peintres privilégiés de notre histoire commune, disséquée et autopsiée à fond par les sons fantastiques de son Likembé.

Signalons que la Sanza ou le Likembé est un produit de la lutherie locale très connu de tous les Congolais et de tous les peuples Bantous, sous diverses appellations entre autres «Esanzo», «N’gonfi», «Sansi», «marimba», etc.

Dans le grand catalogue des instruments de musique locaux introduits dans la musique moderne des deux Congo, il y a le Bitsatsa, le Patengé, le Bongo, le Mkwaka, le Gong en forme de cloche double, le tam-tam principal à savoir le Ngudi (la mère), le plus petit (Mwana Ngoma).

Et, reprise en charge par de nouveaux défis liés à l’histoire sociétale, la musique traditionnelle voire traditionnelle des peuples du Congo, s’est vite adaptée aux attentes de nouveaux auditoires, aux nouvelles tendances qui, n’auront pas laissé indemnes, le contenu et surtout le rendu des œuvres musicales de notre époque.

Avec son groupe «Likembé géant», Moundanda nous a offert, tout au long de sa carrière musicale, un modèle de créativité et d’ingéniosité dont nous aurons tort de ne pas profiter.

Aujourd’hui, il revient plus que jamais aux jeunes artistes Congolais de  s’inspirer d’Antoine Moundanda afin d’éviter la monotonie, le plagiat, la facilité et toutes les maladies chroniques des artistes musiciens du Congo et de la RDC à savoir la mendicité, les danses obscènes, la désinvolture, le fanatisme politique et la pauvreté thématique et rythmique.

Artiste recherchiste et assagi, Moundanda a rempli sa mission au Congo et à l’étranger

C’est à Léopoldville, aujourd’hui, Kinshasa en République Démocratique du Congo, qu’il commence sa longue carrière musicale en produisant son tout son premier opus. Le succès est à son comble auprès des milliers de mélomanes et «Nguémbo» de Kinshasa et de Brazzaville qui adoptent les notes insolites de sa Sanza. Père d’une grande famille, Antoine Moundanda aura joué sa partition jusqu’au soir de sa vie, pleine, riche, sans histoire monumentale, sans démesure, sans tricherie et sans polémique inutile. Artiste complet et assagi, Moundanda a rempli sa mission. Il revient, aujourd’hui, à l’un de ses émules, à savoir «Papa Courant» de perpétuer l’œuvre du doyen Moundanda, invité au banquet du Seigneur.

Le dernier hommage rendu à Antoine Moundanda s’est déroulé, le 13 avril 2012, à son domicile à Ouenzé, en présence du ministre Matson Hellot Mampouya, M. Célestin Akoulafoua Mvoula, représentant le ministre de la Culture et des Arts, ainsi que de nombreux artistes et invités de marque C’est dans ce climat de tristesse que les Bantous de la Capitale, Clotaire Kimbolo, Zao, Jacquito Wa Pungu, la Chorale Ngunga, etc. ont exécuté, avec maestria, quelques refrains en mémoire du «Vieux Mound’»

Enfin, après la messe de requiem dite en l’église Jean Marie Vianney de Mouléké, le corps de l’illustre disparu a été conduit au cimetière de Wayako. Paix à son âme.

Jean Bruno AYEL’O

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