Assumons notre héritage.

Au Congo-Brazzaville, la mauvaise gouvernance en vogue depuis une vingtaine d’année dérive  actuellement sur des croyances totalement farfelues pour justifier une politique socio-économique en déroute.

Il s’installe aujourd’hui dans l’esprit de certains Congolais que le mal que traverse ce pays est le fruit d’une unité des ethnies incompatibles avec la notion de nation. Pour étayer cette argumentation  laminaire et totalement réductrice, l’on se rebaisse à mettre en avant le culte de la région et de l’appartenance à une ethnie comme gage d’un hypothétique  développement. Au delà de cette polémique totalement faillible devant une argumentation socio-économique, cette dernière met en lumière la partie émergée d’un mal plus profond : celui d’un peuple qui n’assume pas son identité et préfère la diluer dans une problématique de tribalité sécuritaire.

Cette notion de tribalité devenue la locomotive des partisans d’une réflexion sécessionniste  hautement nuisible pour une idée de construction d’une nation solidaire sert plus les projets d’une gouvernance très critiquable au service du clan Sassou. Ayons le courage de l’admettre que  le problème du Congo n’est ni tribal ni régional, mais la manifestation d’une cellule d’hommes qui trouve satisfaction dans l’exploitation de la fibre ethnique à des fins égoïstes.

Promouvoir la bonne gouvernance au Congo

La longue marche de l’histoire du Congo n’a pas démarré aujourd’hui pour prétendre remettre en cause une unité séculaire incarnée par des siècles de cohabitation des peuples qui façonne  la nation congolaise. Le Congo d’aujourd’hui est l’héritier des siècles d’échanges entre les peuples kongo, Mbochi, Téké,  Louango,  etc (…). Le Congo d’aujourd’hui puisse  sa source dans le respect des valeurs humanistes qui se sont construites à travers la mixité des rapports intrinsèques entre ses populations. Combien de familles congolaises peuvent attester aujourd’hui que leurs membres sont tous issus d’une seule lignée ethnique ?  Ou encore peut-on aujourd’hui affirmer que cette mixité sociologique, économique et parfois familiale a détruit l’équilibre de la nation congolaise au point d’en exiger aujourd’hui sa scission ?

Alors pourquoi cette focalisation sur la région et l’ethnie pour expliquer la mal gouvernance politico-économique, le développement biaisé, l’injustice sociale, le retard éducatif reflétant ainsi  un état corrompu ?  Ce sont à mon sens là des raccourcis pour éviter de se plonger dans une analyse beaucoup plus pragmatique et sociétale de notre mal quotidien. En réalité, l’ensemble des gouvernements de ces dernières décennies ont produit des catalogues de politique et des mesures  sans cesse renouvelées et qui se sont avérées finalement inefficaces. Nos gouvernants ont été ou sont des champions des recettes « Zombie ». Le Congo n’est jamais sorti des deux maux qui minent sa société, l’absence (à court, à moyen et à long terme) des schémas de développement industriel et économique, l’absence d’une politique de construction des infrastructures de base, l’injustice sociale et le chômage de masses. Ces gouvernements n’ont pas voulu regarder l’évolution accélérée du monde moderne. Ils s’en sont toujours remis à des solutions en retard faute d’une véritable analyse. Les causes de ces erreurs d’analyses sont relativement perceptibles pour celui qui pousse la réflexion plus loin. Par exemple : Pendant les périodes fastes du CFCO, sommes-nous demandés, pourquoi avant l’achat des nouvelles locomotives et des rames de train (Express, Soleil, Bleu), nous n’avions exigé à nos partenaires que celles-ci soient construites et montées au Congo ? Avions-nous préalablement exigé la formation des cadres et le transfert de technologie ?

La tribalité au Congo est un faux débat, une fuite en avant des pas perdus

Peut-on faire prévaloir la tribalité comme une solution à la mal gouvernance du Congo-Brazzaville ? Ces manquements résultent, sans aucun doute,  au mauvais choix des stratégies, à l’incompétence,  à une mauvaise politique de gouvernance, à la corruption… qui sont responsables du mal congolais. On peut donc y remédier par une politique de changement par des hommes de valeurs placés au sommet de l’Etat. Et ce sans distinction de région ou d’ethnie si l’on ne privilégie que la compétence et l’excellence pour  tous.

C’est dire que ces faits sont à l’opposé des points de cristallisation qui cimentent notre héritage collectif. Le premier moteur qui unit les Congolais n’est pas la recherche de puissance d’une région sur l’autre mais de promouvoir l’équilibre qui a toujours constitué le Congo depuis son origine. Consacrer ces efforts pour redonner vie aux racines qui entretiennent notre identité n’est pas  une tâche réservée aux seuls historiens. Elle engage aussi le politique qui doit s’atteler à montrer que le socle qui unit la nation congolaise est une entreprise  collective ancrée dans une histoire et dans des valeurs partagées. C’est justement sur ce patrimoine commun que doit se fixer notre conscience. Nous avons le devoir de mener un travail de ressourcement sur ce qui fédère notre identité congolaise, nos racines traditionnelles comme le ki-mutu.  Cela n’a rien d’une démarche passéiste ou immobiliste. Comment revivifier  ces racines enfouies en nous ? Le gouvernement a consacré (début du mois de mars)  dix jours pour commémorer l’anniversaire de la mort d’Edith Sassou, ce qui est juste et non répréhensible,  mais lorsque ce dernier oublie de le faire,  juste après,  pour les anciens présidents Marien Ngouabi et Alphonse Massamba Débat, cela devient étrange pour l’ensemble des Congolais. La mort et le lieu d’enterrement du président F. Youlou. Qui en fait une affaire de la république ?

C’est une entorse à notre tradition envers les morts quels qu’ils soient. Un mort n’a pas de région ou d’ethnie, c’est un esprit que nos ancêtres honorent sans partie pris. Ce seul exemple (parmi beaucoup d’autres)  montre comment nos gouvernants prostituent l’identité congolaise pour véhiculer un discours contraire à l’unité nationale. La nation congolaise est une âme, un principe spirituel indivisible.

Laisser s’étendre des propos sécessionnistes est tout simplement une fuite en avant sur les vraies questions qui minent le développement du Congo.  Par exemple pourquoi ne pas mettre en place dans nos programmes scolaires un manuel d’histoire qui expliquerait aux jeunes générations la « vision d’ensemble de notre unité dans la diversité » ? C’est à cette condition  que nous pourrons ranimer la fierté d’être congolais et redonner aux jeunes le désir de poursuivre l’aventure congolaise et d’inscrire dans l’avenir les valeurs qu’elle incarne. C’est pourquoi il est temps que chacun d’entre nous assume l’héritage de nos ancêtres avec respect et dignité. Vouloir faire admettre que l’ethnie ou la tribu sont la source des maux actuels de notre pays est un faux débat, une fuite en avant des pas perdus pour ceux qui  sont en mal de reconnaissance. Défendre cette soi-disant théorie est « une escroquerie intellectuelle ».

Jean-Claude BERI, www.dac-presse.com