« Bacongo, Le Phare de Brazza »

Bacongo porte l’âme de cette Ville-Capital, siège des institutions et du pouvoir politique de notre pays.

Tout est né ou parti d’ici. C’est pour cela que Bacongo, par-delà les clichés, fascine l’imaginaire de toutes celles et tous ceux qui l’ont vu, connu, habité et exalté. Il est tout autant dépositaire de traditions, d’histoire, de mythes et de nobles aspirations.

Créer en 1880, selon le récit colonial, Brazzaville établie sa première Case construite par le sergent Malamine sur le versant Nord-Est de la Glacière à Bacongo. Depuis, il a connu successivement l’érection de la première fontaine réalisée sur l’actuelle place du marché Ta Nkéoua au bord de l’Avenue Matsoua, la première piste d’atterrissage qui s’étendait entre l’actuel Centre Sportif et la rue Moll, le premier marché « Ngoma Mouzembo » (Zandu dia Ta Ngoma) du nom du chef de quartier « Dahomey », la première chaine de télévision émettant de Brazzaville, le Siège du Gouverneur de l’AEF, qui deviendra en 1960, le premier Palais Présidentiel, à proximité de l’endroit où fut construite la maison du Sergent Malamine, et plus récemment, le plus bel ouvrage jamais réalisé dans notre pays, le Pont du 15 août 1960, qui surplombe la façade fluviale, à la jonction de l’historique Stèle dédiée au Général De Gaulle, située à quelques encablures de la Case portant le même nom qui fut la résidence du Général Français lors de son séjour à Brazzaville pendant la 2e Guerre Mondiale. Elle a depuis été transformé en résidence officielle de l’Ambassadeur de France au Congo-B. Le projet d’aménagement de la corniche qui lui fait suite devra modifier radicalement le visage des berges du fleuve Congo.

Bacongo abrite les églises Saint-Pierre-Claver et Notre Dame du Rosaire qui sont des chefs-d’œuvre de l’architecture franco-congolaise. Elles font partie de la mémoire urbaine de Brazzaville, mais marquent aussi l’empreinte de la domination occidentale.

Le Marché Total est le plus grand de la Ville de Brazzaville. Le Lycée central (Savorgnan De Brazza) est également le plus grand du pays. Bacongo, c’est aussi des lieux d’ambiance, de parade et de fêtes. Autrefois Lumi Congo, Macedo,, Pigalle et plus tard la Main Bleue. Un terrain mythique de la sphère du Mwana-foot dans la Capitale : Ugos ; une salle légendaire de Cinéma Rio, etc.

Ainsi, tout revient sinon converge vers ici, d’où tout est parti.

Bacongo est un patrimoine. Son destin a forgé celui de ses habitants, natifs ou adoptifs. Nul ne peut le représenter dignement s’il n’est le produit de cette alchimie prodigieuse qui a donné à la Nation des valeurs sûres, des personnages hors du commun tels le Patriarche et chef coutumier Nkéoua Joseph, le chef spirituel des Bula-Mananga, Fidèle Nzoungou qui a laissé son nom à la rue de son habitation, des politiques et des intellectuels de renom tels André Grenard Matsoua, Aubert Lounda, le juriste Lazare Matsokota (sans nul doute le plus brillant de sa génération). Des couturiers, faiseurs de mode et dont la réputation n’a jamais été démentie : Molinar, Plador ou encore Maître Calva, pour ne citer que ceux-là. Mais aussi des figures emblématiques comme l’inaltérable Nkodia François Salomon « Ya Francos » ou encore « Ya Nkodia », créateur de l’enseigne « Francos Uomo » une boutique de vêtements de marques, autrefois située sur l’avenue Matsoua, Ntari Calafar, David Dibansa dit « Kwapiti » Kiyindou Guy Edouard « Simplex », Grand Kibi, Maleba Gondet, Mavérick, Tabazo, Moukalou Galimar (Ya Galli), Michel Axel, mais aussi Zinga Sébastien « Akwiss », Siloutondi Jean dit Romario et plus récemment Norbat de Paris, etc.. Des promoteurs sportifs avec le vaillant Ngouari Raymond, alias Coré Wawa, ou le Supporter vedette des Diables noirs, Un Gado. Des joueurs de talents qui ont écrit les plus belles pages de l’histoire de notre football : le Pr Massengo Boniface (Fu Manshu), Lukoki « Kopa », Ndoudi Robert « Piantoni », Nzabana Jadot, Maxime Matsima, Bonazebi de l’Etoile du Congo « Mä Bôna »,… Des artistes exceptionnels tels le comédien Séholo Dia Mahoungou, les chanteurs auteurs-compositeurs Franklin Boukaka — que Jean Serge Essous (Trois S) regardais comme étant le meilleur de tous les temps de la musique congolaise moderne —, Pamélo Mbindi Mounka« Pablito », Alphonso, Rapha Boudzeki, Casimir Zao, etc… Et j’en passe.

Autant d’éléments tangibles du patrimoine, bâtisseurs de dénominateurs communs auxquels les habitants de Bacongo reconnaissent une valeur historique, esthétique, magico-religieuse, vitale, etc…

Bacongo mérite mieux que les clichés dans lesquels on voudrait l’enfermer. Des légendes qui peuplent notre imaginaire collectif s’y sont écrites. Ce sont des personnages divers et variés, des lieux de ralliement, des places fortes, des marchés, des bars dancing, des monuments historiques, des stèles, des bâtiments gorgés d’histoires qui, hélas, dépérissent, menacent de tomber en ruine et risquent de disparaitre avec l’âme de cette ville.¦

Wilfried KIVOUVOU