Brazzaville: le Collectif des partis de l’Opposition répond à Sassou Nguesso

Déclaration du Collectif des partis de l’opposition Congolaise

A l’occasion de son deuxième anniversaire

Mesdames et messieurs les journalistes,

Le Collectif des Partis de l’Opposition Congolaise vous remercie de lui avoir fait l’amitié de répondre à l’invitation qui vous était faite de couvrir cette conférence de presse au cours de laquelle, il va, en tant qu’acteur de la démocratie, jeter son regard sur la situation nationale en 2014.  D’entrée de jeu, le Collectif vous rappelle qu’il a aujourd’hui deux ans et trois jours et qu’il célèbre ce jour, son deuxième anniversaire. A cette occasion, le Collectif se propose de vous entretenir sur certains aspects de l’actualité politique nationale, notamment:

  • Le débat sur la Constitution ;

  • La question électorale ;

  • Les graves et fausses accusations du journal « Le Patriote » contre l’opposition ;

  • Le bilan de l’action gouvernemental

  • Du débat sur la Constitution

Après avoir longtemps nié ce que tous les Congolais savaient, le président Denis SASSOU NGUESSO vient d’officialiser sa volonté de changer la Constitution de 2002, pour briguer un troisième mandat, alors que son deuxième et dernier mandat constitutionnel prend fin le 14 août 2016 à 14 heures, c’est-à-dire dans 774 jours.

Malgré l’officialisation de cette volonté par le chef de l’Etat lui-même à travers la conférence de presse qu’il a animée au National Presse Club, à Washington, le 1er août 2014 et l’interview qu’il a accordée à RFI, interview reproduite dans le n° 292 du 4 au 14 août 2014 du journal « Le Patriote », monsieur Pierre NGOLO, Secrétaire général du PCT (parti au pouvoir), a prétendu au cours de la conférence de presse qu’il a donnée à Brazzaville, le mardi 5 août, que le président de la République n’a pas encore pris position sur le débat portant changement de la Constitution. De qui se moque-t-il ?

Pour déconstruire les mensonges du Secrétaire général du PCT, lisons à haute voix les déclarations du président de la République au cours de l’Interview qu’il a accordée à RFI à Washington à propos du changement de la Constitution :

(…) Mais cela dépend de la volonté populaire. De toute façon, la Constitution, si elle doit être changée, elle ne peut l’être qu’à travers un référendum. Et s’il y a référendum populaire, je ne vois pas quelle est la force de la démocratie qui pourrait être au-dessus de la volonté du peuple exprimée par référendum (…).

Commentant une déclaration faite par le président américain, Barack Obama, déclaration dans laquelle le chef de l’exécutif américain disait : « L’intérêt des pays africains, c’est le renouvellement du sang neuf (…) Quand un homme ou une femme reste trop longtemps au pouvoir, il ou elle agit surtout pour durer et non pour le bien du pays », le président congolais a déclaré :

(…) En Allemagne, lorsque les Allemands ont voulu d’un troisième mandat pour madame MERKEL, à cause de l’efficacité de son travail, le peuple allemand lui a donné un troisième mandat et pourrait encore peut-être lui en donner un quatrième. Le Premier ministre du Luxembourg, Jean-Claude Juncker, est resté très longtemps à son poste ; c’est maintenant seulement qu’il va à la commission de l’Union Européenne. C’est la volonté des peuples. Il faut toujours l’interpréter comme çà et non pas le voir à travers quelques volontés de puissance(…)

A l’exception du Secrétaire général du PCT, le monde entier a perçu à travers la déclaration du président congolais, sa volonté de changer la Constitution pour se succéder à lui-même. Cela est si vrai qu’à Brazzaville, dans les milieux du pouvoir en général, les milieux du PCT en particulier, les gens ont sabré le champagne à l’audition de la position énoncée par le chef de l’Etat dans sa conférence de presse et son interview depuis Washington. Monsieur le Secrétaire général du PCT, comme l’a dit l’ancien président  américain Abraham LINCOLN : « on peut tromper un peuple ou une partie d’un peuple pendant un certain temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple pendant tout le temps. ». La stratégie de l’enfumage, caractéristique du monopartisme relève d’un passé à jamais révolu au Congo. Les mensonges du pouvoir congolais ne trompent plus que les  consciences insuffisamment  informées   de ses méthodes héritées du monopartisme. Le peuple congolais dans son ensemble n’est pas dupe.

D’ailleurs, à son retour des USA, le chef de l’Etat a réaffirmé dans sa conférence de presse de Maya-maya, ce qu’il a dit à Washington. Il a déclaré en effet ce qui suit : « La Constitution a été adoptée par le peuple. Si dans ses intérêts, le peuple pourrait décider d’en adopter une autre, où est le problème. Il n’y a aucun délit là-dedans. Il faut laisser les peuples faire leur histoire à leur rythme » sic. Dans la même veine, le président de la République a déclaré dans son discours sur l’état de la nation en 2014 :

(…) il n’y a de démocratie véritable que dans un Etat impartial, l’Etat de droit… C’est cet Etat que nous sommes en train de construire… C’est cette démocratie que nous sommes en train de bâtir. Démocratie que chacun de nous appelle de ses vœux : une démocratie apaisée, fraternelle, où chaque citoyen exprime librement ses opinions, où les grands débats qui déterminent la vie de la nation sont tranchés par le peuple (…)

Dans le même ordre d’idées, parlant de la « municipalisation accélérée », le chef de l’Etat a déclaré : « Dans cette matière, comme dans tant d’autres, la décision finale revient toujours au peuple ». Traduction de ces énoncés en français facile : « Le débat sur la Constitution sera tranché par le peuple au moyen d’un référendum ». On ne peut pas être plus clair.

Ainsi, comme à Washington, le président de la République a dévoilé son intention de changer de Constitution,  en prétendant toujours que ce faisant, il obéit à la volonté du peuple congolais. On l’aura remarqué, dans ses différentes déclarations, le chef de l’Etat a employé avec plusieurs occurrences les concepts de peuple et de volonté populaire pour motiver sa décision. Il s’est employé à faire croire que ce n’est pas lui qui veut s’accrocher au pouvoir, mais que c’est le peuple congolais qui lui demande de rempiler à cause de « l’efficacité de son travail », à l’instar des performances de madame MERCKEL et de monsieur Jean-Claude Juncker qui leur valent d’être reconduits Premiers ministres autant de fois que leurs peuples le souhaiteront.

Les propos du chef de l’Etat congolais sont démentis par les faits sur le terrain. La réalité quotidienne montre que ce n’est pas le peuple qui réclame le changement de la Constitution de 2002, mais plutôt le pouvoir qui manipule les consciences fragiles et qui suscite à coup de corruption massive, de ruse et d’intimidation, les quelques manifestations en faveur du changement de la Constitution que l’on observe ici et là dans les différents départements du Congo. A Dolisie, ce sont, messieurs Justin KOUMBA, président de l’Assemblée nationale et Pierre MABIALA, ministre des affaires foncières qui ont lancé la campagne en faveur du changement de la Constitution. A Pointe-Noire, c’est monsieur Isidore MVOUBA,  ancien Premier ministre et actuel ministre d’Etat, chargé de l’industrie, qui a lancé officiellement le débat sur le changement de la Constitution. Dans tous les autres départements du Congo (Cuvette, Cuvette-Ouest, Plateaux, Sangha, Likouala, Pool, Bouenza, Lékoumou, Kouilou), ce sont les dirigeants du PCT, ainsi que les préfets, maires, administrateurs-maires, sous-préfets, chefs de quartiers, chefs de villages (qui appartiennent tous à la mouvance présidentielle) qui sont à la manœuvre. Alors, de quel peuple, le président de la République parle-t-il ?

Comme chaque Congolais le sait, les « Comités des sages des départements » que le pouvoir instrumentalise et qui prétendent parler au nom des populations des départements, sont des associations mises en place par le pouvoir dans chaque département du Congo. Tous ces comités sont affiliés au PCT. Ils n’ont aucune légitimité constitutionnelle pour engager les populations des départements. Quant aux notables traditionnels et aux paysans innocents que le pouvoir achète à coup d’espèces sonnantes et  trébuchantes, ils sont pour la plupart analphabètes et ne savent même pas ce qu’est une Constitution. Du reste, n’ayant jamais lu une seule ligne de la Constitution, comment peuvent-ils exiger son changement ?

On reconnaît à travers l’instrumentalisation de ces pauvres paysans, la stratégie de l’unanimisme social pratiquée dans les pays totalitaires et qui consiste pour un pouvoir dictatorial, à obliger par la ruse, la corruption ou les intimidations, des populations à proclamer qu’elles soutiennent ce pouvoir, alors qu’il n’en est absolument rien. Par ailleurs, les militants du PCT résidant à Brazzaville que le pouvoir déplace moyennant de fortes indemnités par bus Coaster vers les chefs-lieux des districts de l’hinterland, pour faire nombre dans les réunions organisées par le PCT en vue de réclamer le changement de la Constitution, ne sont pas représentatifs des populations des districts où ils  émigrent.

Comme on le voit, contrairement aux déclarations du chef de l’Etat, ceux qui au Congo demandent le changement de Constitution sont les cadres, militants et sympathisants de la mouvance présidentielle en général, ceux du PCT en particulier, qui ne constituent qu’une fraction du peuple congolais. Or, l’article 3 de la Constitution en vigueur dispose : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce au moyen du suffrage universel par ses représentants élus ou par voie de référendum.

L’exercice de la souveraineté ne peut être l’œuvre, ni d’un citoyen, ni d’une fraction du peuple ».

D’ailleurs, les tenants du changement de la Constitution sont très minoritaires sur toute l’étendue du territoire congolais. En effet, le népotisme outrancier, la préférence ethno-régionale, l’appropriation personnelle des biens publics, le noyautage clanique des postes de responsabilité, les injustices et les inégalités sociales, l’insensibilité à l’humain, les complots imaginaires et les procès fabriqués ont nourri auprès des populations des ressentiments à l’égard du pouvoir et ont contribué à son rejet. Partout, du fait de la dégradation vertigineuse de leur situation sociale, faite d’extrême pauvreté, de cherté de la vie, d’insuffisance du pouvoir d’achat, des pénuries chroniques d’eau potable et d’électricité, d’impossibilité d’accéder aux soins de santé de qualité, les populations rejettent dans leur écrasante majorité le pouvoir actuel et appellent de leurs vœux une alternance pacifique.

Pour mémoire, lors de l’élection présidentielle de 2009, l’abstention avait atteint le chiffre record de 95%. A l’occasion des élections législatives de 2012, le taux d’abstention avoisinait les 90%. Plus près de nous, dans une majorité écrasante, le peuple congolais a boycotté le recensement administratif  spécial  organisé par le pouvoir en 2013. Par exemple, selon le rapport élaboré par l’opposition dite modérée qui a participé à la réalisation de ce recensement, à Brazzaville, le taux de participation varie entre 30 et 35%. C’est dire que près de 70% des brazzavillois ont boycotté le recensement, et ce, malgré les campagnes médiatiques tonitruantes organisées par le pouvoir. Ailleurs, on a observé la même tendance générale. Il y a une véritable désaffection du peuple vis-à-vis du pouvoir.

Il est donc absolument faux de prétendre que le peuple congolais soutient le pouvoir actuel et exige un changement de la Constitution et un troisième mandat pour l’actuel chef de l’Etat. A preuve, le pouvoir est obligé de recourir à la corruption massive des acteurs politiques, des Comités des sages, des notables traditionnels, des chefs de quartiers et de villages pour les contraindre à soutenir son funeste projet. De même, le pouvoir est obligé de recourir à la manipulation du corps électoral et au tripatouillage des listes électorales dans le noir dessein de gagner au simulacre de référendum constitutionnel qu’il a décidé d’organiser. En outre, le pouvoir accumule des armes de guerre de destruction massive, recrute à tour de bras des mercenaires de diverses nationalités et entretient de nombreuses milices privées. Tous ces faits indiquent qu’il ne bénéficie pas du soutien du peuple.

Nonobstant cette réalité qui crève les yeux, le chef de l’Etat congolais a officialisé son projet de changement de Constitution en envisageant d’organiser un référendum constitutionnel. Sur quelle base juridique va-t-il s’appuyer et selon quelle  procédure entend-t-il procéder au changement de Constitution ? Monsieur François SOUDAN, Directeur de publication du magazine « Jeune Afrique » et beau neveu  du président Denis SASSOU NGUESSO a apporté des réponses à ces interrogations dans l’interview qu’il a accordée à RFI, le dimanche 10 août 2014, interview  au cours de laquelle il a déclaré en substance :

« La messe est dite. Denis SASSOU NGUESSO sera candidat en 2016. La stratégie consiste à se déclarer le plus tard possible. Le texte d’une nouvelle Constitution sera soumis aux deux chambres  du parlement en vue d’un référendum constitutionnel ».

Nous rappelons à monsieur François SOUDAN que le Congo se veut  un État de droit et le président de la République l’a martelé avec insistance dans son discours sur l’état de la nation en 2014. On le sait, l’État de droit se caractérise d’abord et avant  tout par la primauté de la loi et en premier lieu, par le respect de la Constitution, des lois et règlements de la République. Actuellement, le Congo est régi par la Constitution du 20 janvier 2002. Lors de son entrée en fonction le 14 août 2009, le président Denis SASSOU NGUESSO avait prêté le serment solennel de respecter et de défendre cette Constitution. Cet engagement est consigné dans l’article 69 de la Constitution. Le Chef de l’État est lié par ce serment. S’il ne le respecte pas, il sera traduit devant la Haute Cour de justice pour haute trahison.

Par ailleurs, la Constitution de 2002, si elle contient en son titre 18 des dispositions relatives à sa révision, ne prévoit rien en matière de changement de Constitution. Dans ces conditions, quelle est la procédure légale à suivre pour changer de Constitution ? Si l’on veut promouvoir une nouvelle loi fondamentale, la première démarche consiste  à abroger la Constitution de 2002. Cette abrogation entraîne automatiquement la dissolution de toutes les institutions constitutionnelles : Présidence de la République, Assemblée nationale, Sénat, Cour constitutionnelle, Haute cour de justice, Conseil Économique et social, Conseil supérieur de la liberté de la communication, Commission nationale des droits de l’homme, Médiateur de la République et par ricochet, le gouvernement de la République.

Face à la situation ainsi créée, la jurisprudence  commande qu’il soit mis en place immédiatement  une Assemblée constituante composée de représentants  des partis politiques, de la société civile, de la diaspora congolaise à l’étranger. Cette Constituante sera chargée de :

  • Élaborer le projet de la nouvelle Constitution à soumettre au référendum ;

  • Mettre en place les conditions d’une organisation libre, transparente et juste du référendum constitutionnel,  à savoir :

    • L’organisation d’accord-parties d’un nouveau recensement administratif spécial pour déterminer un corps électoral fiable et crédible ;

    • La mise en place d’une nouvelle commission électorale véritablement indépendante et paritaire ;

    • L’élaboration d’une nouvelle loi électorale confiant  l’organisation de toutes les opérations préélectorales, électorales et postélectorales à une commission véritablement indépendante et paritaire ;

    • La réalisation d’un découpage électoral impartial et juste tenant compte de la démographie réelle de chaque localité et de l’organisation administrative du territoire ;

    • L’institution d’un mécanisme équitable de financement des campagnes électorales de tous les acteurs dont les candidatures ont été validées par la Cour Constitutionnelle ;

    • La mise en place d’un gouvernement de large union nationale pour assurer la gestion quotidienne du pays pendant la période de transition ;

    • L’organisation du référendum constitutionnel ;

    • L’organisation des élections locales, des élections sénatoriales et de l’élection présidentielle de 2016 ;

    • L’élaboration d’un Acte fondamental devant régir la période de transition.

Hors de cette procédure, il n’y a point de salut, à moins de perpétrer un coup d’Etat constitutionnel. Sur ce dernier point, la Constitution de 2002 est claire comme l’eau de source. En effet, l’article 86 de cette Constitution dispose : « Le président  de la République peut, après consultation des présidents des deux chambres du parlement, soumettre au référendum tout projet de loi  portant sur l’organisation des pouvoirs publics, les garanties des droits et des libertés fondamentaux, l’action économique et sociale de l’Etat ou tendant à autoriser la ratification d’un traité.

Avant  de soumettre le projet au référendum, le président de la République recueille l’avis de la Cour constitutionnelle sur sa conformité à la Constitution.

En cas de non-conformité à la Constitution, il ne peut être procédé au référendum ».

Dans le même esprit, l’article 150 dispose : « Une disposition, déclarée inconstitutionnelle, ne peut être, ni promulguée, ni mise en application ».

Il ressort de tout ce qui précède que sur le plan du droit, le président  de la République ne peut pas organiser un référendum sur le changement  de la Constitution, car, une telle disposition est inconstitutionnelle et ne peut être appliquée au regard des articles 86 et 150 de la Constitution du 20 janvier 2002. C’est infaisable juridiquement. En tout état de cause, même dans l’hypothèse où la Constitution venait à être changée, la nouvelle loi fondamentale ne peut pas être appliquée au président Denis SASSOU NGUESSO, car, l’article 2 du code civil congolais stipule : « La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ». La messe est dite. Le président de la République n’a plus qu’une issue : s’asseoir avec toutes les forces vives de la nation pour préparer les conditions d’une sortie honorable pour lui à la fin de son dernier mandat, le 14 août 2016. Il doit se convaincre qu’il doit passer la main au président qui sera élu à la faveur de l’élection présidentielle de juillet 2016.

  • De la question électorale.

Au-delà du débat sur la Constitution, le problème de fond qui se pose est celui de l’élection présidentielle de 2016. Pour espérer gagner cette élection majeure, le pouvoir veut non seulement  changer de Constitution et organiser un simulacre de référendum constitutionnel, mais aussi, maintenir en l’état le système électoral frauduleux qu’il a mis en place depuis 2002 et qui lui permet et permettra de gagner toutes sortes d’élections aussi longtemps que ce système restera en vigueur. L’opposition l’a déjà dit  et répété : ce système repose notamment  sur :

  • Une loi électorale inique qui confère l’organisation de toutes les opérations préélectorales, électorales et post-électorales au ministère de l’intérieur et à ses démembrements ;

  • Une commission partisane d’organisation des élections, composée presque exclusivement des cadres et des militants de la mouvance présidentielle et entièrement aux ordres du  pouvoir ;

  • Un corps électoral manipulé et frauduleux fabriqué à partir de l’enrôlement d’électeurs fictifs, d’enfants de moins de 18 ans, de personnes décédées, de nombreux étrangers, de la majoration des électeurs de la mouvance présidentielle et de la minorisation de ceux de l’opposition ;

  • Un découpage électoral partial et injuste qui ne tient pas compte de la population réelle de chaque localité ;

  • La caporalisation des médias publics et l’interdiction de l’accès à ces médias des partis de l’opposition réelle ;

  • La censure des médias indépendants ;

  • La politisation au profit  du pouvoir, de l’administration électorale, de la presse d’Etat et des éléments de la force publique commis à la sécurisation des élections ;

  • L’utilisation des Fonds publics et du matériel de l’Etat pour financer et couvrir les campagnes électorales des candidats du pouvoir ;

  • La corruption des acteurs électoraux et l’achat des consciences ;

  • Les entraves à la liberté d’aller et de venir des candidats de l’opposition ;

  • Les interdictions des réunions électorales des candidats de l’opposition réelle ;

  • Le refus du vote des Congolais de la diaspora, etc.

Pour promouvoir des élections libres, transparentes et justes, il est  urgent et impératif de remettre à plat tout le processus électoral à l’oeuvre dans notre pays à travers notamment :

  • La réalisation consensuelle d’un nouveau recensement  administratif spécial, celui de 2013 ayant été émaillé de fraudes massives ;

  • La refonte de la loi électorale actuelle ;

  • La dissolution de la Conel et la mise en place d’une nouvelle commission électorale véritablement indépendante et paritaire ;

  • La réalisation d’un nouveau découpage électoral impartial et plus juste ;

  • Le financement équitable des campagnes électorales, etc.

Ces réformes indispensables et incontournables ne peuvent  être réalisées qu’à la faveur d’un véritable dialogue national inclusif, rassemblant  toutes les forces vives de la nation. Or, le pouvoir s’obstine à vouloir passer en force, faisant courir  au pays des risques inutiles, alors que des voix ne cessent de s’élever pour le ramener à la raison et à la sagesse. Le degré  et la profondeur de la crise multidimensionnelle  qui plombe le Congo, l’accumulation des armes de guerre et l’entretien par le pouvoir des milices privées  et des mercenaires,  les complots imaginaires, les procès fabriqués, les intimidations et provocations permanentes, les haines, les injustices sociales et les frustrations, la peur de la revanche, tout cela fait du Congo aujourd’hui, une poudrière.

Cette situation exige de toutes les filles et de tous les fils du Congo, non seulement l’appropriation de la culture du dialogue, de l’écoute de l’autre, du pardon et de la vraie paix, mais aussi et surtout, un sens élevé du patriotisme pour éviter à notre pays de nouvelles tragédies. L’heure est donc à  l’unité de toutes les forces vives de la nation. C’est ensemble et unies que ces forces feront échec au coup d’état constitutionnel que le pouvoir se prépare à perpétrer.

Dans cet esprit, le Collectif des partis de l’opposition congolaise renouvelle son appel au président de la République, afin qu’il convoque dans les meilleurs délais, un vrai dialogue politique national  inclusif, seule et unique voie  pour sortir le Congo du blocage politique actuel. Nous le soulignons avec force : ce dialogue ne doit pas être un jeu de dupes, un nouveau piège, une nouvelle ruse destinée à rouler l’opposition dans la farine comme le pouvoir en a le secret. Il doit être totalement  différent des parodies de dialogues d’Ewo et de Dolisie. Il n’inscrira pas à son ordre du jour le changement de la Constitution, la finalité du dialogue étant de préparer les conditions d’une alternance apaisée en 2016.

Pour ce faire, il doit être préparé de façon consensuelle par un Comité préparatoire paritaire, composé de représentants de la mouvance présidentielle et de l’opposition, auxquels seront joints des délégués de la société civile et des Congolais de l’étranger. Ce Comité sera chargé de :

  • Définir l’objectif général, les objectifs spécifiques et les domaines de compétence du dialogue ;

  • Elaborer :

2.1 : le projet d’ordre du jour ;

2.2 : le projet de règlement intérieur ;

2.3 : le projet de calendrier de déroulement des travaux ;

3.1 : le nombre, le statut et la liste des participants ;

3.2 : le projet de composition du présidium ;

3.3 : la date de la tenue et la durée du dialogue ;

  • Élaborer un avant-projet d’accord-cadre et un  projet d’engagement solennel à respecter la parole donnée.

Dans la composition de ce Comité, la parité doit être de rigueur dans la représentation des acteurs politiques entre la mouvance présidentielle et l’opposition.

A ces différentes conditions, le dialogue national inclusif sera productif et salutaire pour la démocratie congolaise, la paix civile, l’unité et la concorde nationales. En appelant de ses vœux la convocation des Etats généraux de la nation, véritable dialogue national inclusif, l’objectif du Collectif des partis de l’opposition congolaise est d’éviter au Congo de nouveaux drames inutiles. En effet, les partis qui composent le Collectif sont des partis pacifiques. Ils sont résolument contre tout recours  à la violence comme moyen de conquête du pouvoir. Ils rejettent tout coup d’Etat visant à renverser par la force les institutions de la République. C’est pourquoi, le  Collectif élève une protestation indignée contre les allégations invraisemblables et imaginaires du journal « Le Patriote », visant à faire croire que l’opposition dite radicale prépare actuellement l’assassinat  du président de la République.

  • Les graves et fausses accusations du Journal « Le Patriote » contre l’opposition.

Dans un article intitulé « Le plan machiavélique de l’opposition », article signé sous le pseudonyme de Aimé Raymond NZANGO et publié dans son numéro 290 du 21 juillet 2014, le journal « Le Patriote » prétend que l’opposition dite radicale a mis en place un plan machiavélique visant l’assassinat du président  Denis SASSOU NGUESSO. A ce sujet, monsieur Aimé Raymond NZANGO écrit :

(…) il y a cette quête autant insensée qu’anachronique maintes fois serinée d’Etats généraux  de la nation, formule sortie droit de cet art de la sémantique qu’affectionne Mathias DZON et qui cache mal sa volonté de voir s’organiser une deuxième Conférence nationale plus souveraine que la précédente (…) Si les conditions de cette quatrième vitesse ne sont pas remplies, nos comploteurs envisagent dans ce cas contrariant de passer à la phase capitale de leur plan : la liquidation de l’actuel chef de l’Etat. Pour atteindre cet objectif vital pour cette rébellion qui ne dit pas son nom, rien n’a été laissé au hasard. Des entremetteurs en effet ont été mis en orbite et s’activent pour acquérir en urgence la panoplie d’armes nécessaires à l’exécution d’un coup de force éclair. Tous les responsables de l’opposition radicale se sont retroussés les poches, des amis installés en Europe ont été mis à contribution(…)

En inventant et en diffusant ces mensonges monstrueux, le journal « Le Patriote », ce média de la haine, à l’instar de la radio des mille collines qui a préparé le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, ce journal disions-nous, prépare l’opinion nationale et l’opinion internationale aux arrestations, voire aux assassinats des responsables de l’opposition réelle que certains clans du pouvoir veulent  opérer, en leur faisant porter la responsabilité d’éventuels troubles socio-politiques dans le pays, troubles provoqués au demeurant par ces clans eux-mêmes, eux qui ont battu le rappel des guerriers de 1997 (Cobras, Saspen, Cocoyes), à qui ils ont demandé de se tenir prêts. Prêts à quoi ? A verser le sang et les larmes des autres comme par le passé ?

Compte tenu de la gravité des accusations du journal « Le Patriote », le Collectif a décidé de porter l’affaire en justice pour fausses accusations, diffamation, mise en danger de la vie d’autrui, incitation à la haine et à la violence.

  • Du bilan de l’action gouvernementale

Comme à son habitude, le chef de l’Etat a dressé dans son discours sur l’état de la nation en 2014, un bilan très flatteur de l’action de son gouvernement. Selon lui, au cours de l’année 2014,  le Congo a réalisé de grandes avancées sur les plans politique, économique, social, culturel et diplomatique. Par exemple, le président de la République a affirmé que l’émergence n’était plus un rêve. Rappelons d’abord que le concept d’émergence appartient au champ lexical  de l’économie et désigne des pays qui sont sortis de façon accélérée de la pauvreté et sont entrés en transition rapide vers le développement, c’est-à-dire, des pays qui sont en cours d’industrialisation rapide, enregistrant des taux de croissance élevés et présentant des opportunités de placement. En règle générale, les critères pour accéder à l’émergence économique sont notamment :

  • La sortie accélérée du stade de la pauvreté ;

  • L’industrialisation rapide ;

  • Le degré de liquidité de l’économie ;

  • Le montant  des réserves en devises ;

  • La part des exportations et leur diversification sur les marchés des pays industrialisés, notamment pour les produits à haute technologie ;

  • Un taux de croissance de PIB/hab supérieur à la moyenne mondiale et à celle des pays les plus riches et voisin de 8% ;

  • Le caractère national des cent plus grandes entreprises qui ne sont pas des filiales des multinationales des pays développés et dont le chiffre d’affaires dépasse un milliard de dollars US dont au moins 10% à l’exportation ;

  • La croissance des agrégats macro-économiques, la taille du marché et de ses entreprises ;

  • La capitalisation boursière ;

  • Le poids de la classe moyenne ;

  • Un système d’enseignement performent ;

  • Un système de santé efficace, etc.

Le Congo est-il sorti de façon accélérée de la pauvreté ? Est-il en cours d’industrialisation rapide ? La réponse est évidemment non. Dire que l’émergence économique n’est plus un rêve au Congo relève de la propagande et de la fuite hors des réalités d’aujourd’hui. Le président de la République, prompt à discourir sur l’émergence et à se projeter dans un futur lointain, a tout bonnement omis de faire le bilan de la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD), que son gouvernement s’était engagé à atteindre à la date butoir de 2015, c’est-à-dire dans quelques mois. Or, le premier de ces huit objectifs est la réduction de moitié de la pauvreté.

Le gouvernement congolais a-t-il atteint ou va-t-il atteindre cet objectif en 2015 ? Assurément non. En effet, depuis 2003, le Congo connait une embellie financière sans précédent, avec un budget annuel de près de quatre mille milliards de francs CFA, douze mille milliards de FCFA, au titre des excédents budgétaires et plus de mille milliards de FCFA, au titre des ressources PPTE. Malgré ces sommes colossales et une  croissance moyenne de 5% pour une population d’à peine quatre millions d’habitants, l’indice de pauvreté humaine est aujourd’hui évalué à  70% de la population.

Dans ce cadre, 24% seulement des ménages à Brazzaville estiment que leur revenu actuel permet de couvrir leurs charges. Cette proportion est de 35% pour Pointe-Noire. De façon générale, dans les centres urbains, les ménages pauvres qui sont les plus nombreux, ne mangent qu’une seule fois par jour. Dans les campagnes, les conditions de vie des populations demeurent très précaires. Le taux de pauvreté en milieu rural est de 74% selon les chiffres du PNUD.  La croissance économique ne se répercute pas sur le niveau de vie des  populations. L’enrichissement de l’Etat peine à se traduire en une amélioration des conditions de vie et de travail des populations. La non atteinte de l’objectif no1 des OMD (la réduction de moitié de la pauvreté) est la preuve palpable de l’échec du pouvoir en matière sociale. C’est particulièrement sur la réalisation de cet objectif que le peuple congolais attendait le président de la République et non sur l’émergence en 2025 qui n’est rien d’autre qu’un slogan de plus, après 30 ans de pouvoir.

La situation de l’emploi est préoccupante. Pourtant, dans son programme « La Nouvelle Espérance » mis en chantier en 2003, le président de la République avait promis de créer 40 000 emplois par an. Cette promesse alléchante n’a pas été tenue. Pour rappel, selon les données de l’enquête congolaise auprès des ménages pour l’évaluation de la pauvreté (ECOM 2005), le taux de chômage est de 19,40% au niveau national. Il est de 32,6% à Brazzaville et 31,5% à Pointe-Noire. Ce taux est de 40% dans le groupe d’âge de 15-19 ans et varie entre 20 et 40% avant 30 ans.

Depuis cette enquête, de nombreux diplômés, sortis de l’université Marien Ngouabi et des écoles de formation professionnelle nationales ou étrangères, ainsi que de nombreux exclus du système scolaire et universitaire sont venus grossir le nombre déjà très élevé des sans-emplois. De façon surréaliste, le président de la République a indiqué que le chômage avait baissé et que son taux se situe aujourd’hui en dessous de 10%. Comment cela serait-il possible lorsque l’on sait que les quelques entreprises qui ont été créées en 2014, d’après les informations données par le chef de l’Etat dans son discours sur l’état de la nation, à savoir, la construction de trois fonderies et de la cimenterie de Dolisie, n’ont aucune capacité d’embauche de plus de 30 personnes par entreprise.

De même, comme le président de la République l’a dit lui-même, les autres projets industriels, y compris les projets des zones économiques spéciales, sont au stade des études. Ils ne peuvent donc pas avoir contribué à diminuer de façon significative les chiffres du chômage en 2014. Par ailleurs, il n’y a pas eu de mouvement massif de recrutement dans la Fonction Publique. Par quel miracle se serait opérée la baisse du chômage ? Sauf si, le chef de l’Etat intègre dans ses statistiques du chômage, les 730 jeunes qu’il a recrutés dans le cadre du renforcement de ses milices privées, actuellement en formation à Tsambitso et à Obouya.

Les populations ont par ailleurs, un très faible accès aux services sociaux de base de qualité. L’eau potable, élément essentiel à la vie est une denrée rarissime. Dans les centres urbains, les ménages sont fréquemment confrontés à des ruptures en eau potable. A Brazzaville, les populations des quartiers populaires parcourent de longues distances avec des bidons dans des brouettes à la recherche de sources d’eau potable. Dans la plupart des villages, les populations consomment l’eau impropre des puits, des marigots, des rivières, voire l’eau de pluie.

L’alimentation des ménages en énergie est très problématique. A Brazzaville, malgré le barrage d’Imboulou dont le pouvoir nous avait assuré qu’il résoudrait les pénuries récurrentes d’électricité, la fourniture des populations en énergie est tournante. De ce fait, les délestages sont monnaie courante dans les centres urbains. De plus, du fait que l’urbanisation incontrôlée des villes n’est pas accompagnée de politiques d’équipement en infrastructures de services sociaux de base, les quartiers périphériques  peuvent rester plusieurs jours, semaines, voire mois, sans eau potable ni électricité. Dans les campagnes, le niveau d’électrification demeure très faible. Les populations s’éclairent à la lampe tempête, au feu de bois ou à la bougie.

En matière de santé, on se rappelle qu’en 1982, dans le cadre du plan quinquennal 1982-1986, le président de la République avait promis aux Congolais « la Santé pour tous à l’horizon 2000 ». Aujourd’hui, le taux de morbidité est de 65,5% en moyenne nationale et de 70% pour les personnes   âgées de 60 ans et plus. Par manque de moyens financiers et en raison du coût très élevé des soins médicaux et de l’absence d’une assurance-maladie universelle, les ménages pauvres n’utilisent pas les services de santé et recourent aux services des guérisseurs traditionnels et à ceux des églises de réveil. Sur toute l’étendue du territoire national, les formations sanitaires publiques manquent de personnels qualifiés, de plateaux techniques modernes et de médicaments essentiels.

Le système national d’enseignement s’est fortement dégradé. Le niveau des apprenants est tragiquement bas. Les diplômes ne reflètent plus nécessairement le travail réel des élèves et des étudiants. Beaucoup de bacheliers qui accèdent à l’université n’ont pas le niveau requis. Les années 2013 et 2014 ont été déclarées « années de l’éducation », mais à part les travaux  de construction de l’université Denis Sassou Nguesso de Kintélé et ceux du lycée d’excellence d’Oyo, le village natal du chef de l’Etat, on ne voit pas ce qui a été fait de sérieux dans l’éducation au cours de ces deux années dites « années de l’éducation ». Dans l’ensemble, l’école publique congolaise continue de manquer d’enseignants (14000 dans l’enseignement général, 8000 dans l’enseignement technique et professionnel, plus de 2000 dans l’enseignement supérieur), de salles de cours, de salles de TD, de laboratoires de TP, de laboratoires de langues, de centres de documentation, de salles informatiques, de manuels et de matériel didactique, de matériel technique et scientifique.

L’envoi à Cuba de quelques jeunes pour des études de médecine a été comme dans tout ce que fait le pouvoir, de l’improvisation, une histoire de clan. Le choix de ces jeunes ne s’est pas fait selon les critères de compétence mais d’appartenance ethnique et régionale. Le Collectif émet le vœu que pour la vague de 2014, des critères objectifs soient retenus.

Par ailleurs, beaucoup d’écoles privées qui poussent comme des champignons dans nos villes, ne remplissent pas les normes de qualité édictées par les ministères des enseignements scolaire, technique, professionnel et supérieur. Elles ne disposent pas des infrastructures matérielles requises et dispensent dans bien des cas, un enseignement au rabais. La recherche de l’argent est leur seul mobile. Les ministres concernés se montrent laxistes à leur égard.

En matière de transport en commun, les populations des grandes villes continuent de vivre l’enfer des surcharges des véhicules et le poids financier exorbitant du coût des courses résultant du système des « demis-terrains » institué par des transporteurs véreux. Dans les départements, certaines localités comme Djambala, Lékana, Mbon sont très mal desservies et les populations éprouvent de grandes difficultés pour voyager, faute de sociétés de transport routier structurées. Les aéroports construits dans certains départements à la faveur de la « municipalisation accélérée », n’ont jamais accueilli un seul avion depuis la fin des festivités de l’indépendance que ces départements ont abritées. Quel gâchis ! Le transport fluvial est un véritable parcours du combattant pour les voyageurs, tant les bateaux sont surchargés, les voyageurs, les animaux et les marchandises se disputant la place. La sécurité des voyageurs n’est pas garantie.

En matière économique, depuis les années 1980 (plan quinquennal 1982-1986), l’agriculture a été proclamée priorité des priorités par le pouvoir. Aujourd’hui, 34 ans après, l’agriculture congolaise demeure archaïque et rudimentaire. La production est faible et couvre moins de 30% des besoins alimentaires du pays.   De ce fait, le Congo importe plus de 70% des produits agro-alimentaires qu’il consomme. L’offre en produits animaux sur le marché national provient en majorité des importations qui représentent plus de 75%. Cette proportion atteint 100% pour les produits laitiers. Chaque année, le pays dépense plus de 150 milliards de FCFA au titre des importations des produits agro-alimentaires.

Sur le plan industriel, malgré le slogan « prendre l’agriculture comme base et l’industrie comme facteur déterminant » lancé lors du plan quinquennal 1982-1986, le Congo continue jusqu’à ce jour d’importer l’essentiel des produits manufacturés qu’il consomme. Le manque d’énergie et les coûts élevés des facteurs limitent les initiatives de développement national et dissuadent les investisseurs potentiels. Les quelques entreprises industrielles créées sous le pouvoir dirigé par le président Alphonse Massamba Débat ont fait faillite du fait de leur gestion calamiteuse. Celles d’entre elles qui ont survécu,  telles la SNE, la SNDE, le CFCO, la Poste, les Télécommunications, les  voies navigables connaissent de grandes difficultés et appellent un traitement de cheval. A l’exception de la SNPC, aucune unité économique publique digne de ce nom n’a été créée. En vérité, le gouvernement n’a pas de véritable politique économique. Il navigue à vue.

A propos de la  « municipalisation accélérée » autour de laquelle le pouvoir fait beaucoup de battage médiatique, il convient de souligner qu’elle est non seulement une opération visant à vider la décentralisation de son contenu, un détournement des prérogatives des Conseils départementaux et des Conseils municipaux au profit de la Délégation Générale des Grands Travaux, mais aussi et surtout, un moyen inventé par la famille régnante pour s’auto-attribuer des marchés publics à des fins d’enrichissement personnel. En effet, les entreprises adjudicatrices des marchés de la « municipalisation accélérée » appartiennent peu ou prou aux membres du clan présidentiel ou à des proches du pouvoir.

A Pointe-Noire, Impfondo, Dolisie, Owando, Brazzaville, Ewo, Kinkala, Djambla, Sibiti, il s’agit presque toujours, soit des entreprises qui appartiennent à la famille présidentielle (SOCOFRAN ; BATI-CONGO ; S.O.M. ; Groupe Bouka ; Société générale d’électricité du Congo, en sigle, SOGECO ; Agriculture, Bâtiment, Services, en sigle ABC ; Société congolaise de production d’électricité, en sigle SCPE ; Africa Vision Compagnie, en sigle AVC ; SOGEA, etc.), soit des entreprises privées dans lesquelles, la famille régnante est actionnaire (Escom), soit des sociétés amies contrôlés par des autorités congolaises (Andrada et Gutierez). Il y a ici de grands conflits d’intérêt passibles de poursuites judiciaires.  Du fait de l’implication des détenteurs du pouvoir dans ces entreprises, malgré les éléphants blancs que plusieurs d’entre elles ont laissés ici et là, alors qu’elles ont perçu des acomptes substantiels ou même touché la totalité des montants des marchés, elles sont assurées d’une totale impunité.

Par ailleurs, dans chaque département touché par la « municipalisation accéléré », en dehors des palais présidentiels, des aéroports, des avenues sur lesquelles se déroulent les défilés et de quelques constructions de bâtiments administratifs, il n’a pas été posé les bases d’un développement intégré des départements bénéficiaires. Aucune activité liée aux secteurs de l’agriculture, de l’agroforesterie, de  la pêche et de l’élevage,  de la transformation agro-industrielle, des ressources hydrauliques et du tourisme n’est promue.

De même, des conditions d’implantation des services publics et privés indispensables au bon fonctionnement de l’économie locale ne sont pas créées, notamment sur le plan de la formation et de l’appui technique et financier. En outre, aucune amélioration des réseaux commerciaux n’est entreprise pour garantir l’écoulement de la production locale et l’approvisionnement régulier des populations.

Aucune amélioration significative des conditions de vie des populations en termes de pouvoir d’achat, d’éducation, de santé, de transport en commun et de qualité du cadre de vie n’a été apportée. La plupart des investissements réalisés n’ont pas d’impact sur la croissance et la réduction de la pauvreté.

Mesdames et messieurs les journalistes,

Chaque Congolais aspire légitimement à vivre mieux. Avec les moyens financiers colossaux dont dispose l’Etat, il est possible de répondre aux attentes des Congolais en matière d’accès à un emploi décent, à un pouvoir d’achat suffisant, à l’eau potable, à la disponibilité permanente de l’électricité, à une nourriture saine et nutritive, à des soins de santé de qualité, à une formation initiale et continue de bon niveau, à un logement décent, à des loisirs sains et à un cadre de vie agréable. Tout est affaire de volonté politique et de choix des priorités. Cette volonté politique, le pouvoir ne l’a pas manifestée suffisamment. Il n’a pas fait les bons choix. Le peuple congolais n’est pas le premier souci du pouvoir actuel, soucieux avant tout d’acquérir un confort matériel et de préserver ses propres avantages et privilèges.

Pendant qu’au sommet de l’Etat, les détenteurs du pouvoir et leur entourage immédiat (frères, épouses, enfants, neveux, maîtresses) s’ébrouent dans l’opulence et la jouissance, tout en bas, les populations vivent dans une extrême pauvreté. Le pouvoir est indifférent à la misère générale. Les nouveaux riches montrent une avidité et une indifférence aux autres, doublées d’un mépris écrasant pour les pauvres.

Le président Denis Sassou Nguesso a reconnu dans son discours sur l’état de la nation en 2014, que le sang et les larmes des autres ont trop coulé dans notre pays et a lancé l’appel pathétique suivant : « ça suffit, nous n’allons pas recommencer ».

Il s’est dit opposé à toute démocratie qui se nourrit du sang et des larmes des autres. Peut-il alors dire au peuple congolais, à quoi servent les milices privées qu’il a disséminées sur le territoire national ? Pourquoi des camps d’entraînement militaire non officiels installés à Lifoula, Tsambitso, Obouya ? Pourquoi ces achats massifs d’armes de guerre stockées en dehors des camps militaires légaux ? Ne s’agit-il pas là d’une véritable préparation d’effusion du sang et des larmes des autres ?

Le Collectif des partis de l’opposition congolaise est résolument contre « la démocratie du sang et des larmes des autres ». Nous ne voulons pas de sang. Nous voulons la démocratie véritable, l’Etat de droit, la paix réelle, la liberté, l’alternance pacifique.

Mesdames et messieurs les journalistes,

Le Collectif des Partis de l’Opposition Congolaise vous remercie pour votre aimable attention.

Fait à Brazzaville, le 20 août 2014

Pour le Collectif

Le Collège des présidents