Chronique littéraire de la poésie de Paul NZo Mono : Si patrie en était une !

En juin dernier, je me suis rendu à Lyon, invité par une importante association congolaise de cette ville à l’occasion de journées culturelles savamment préparées. En faisant la tournée de l’espace de la rencontre à mon arrivée, j’ai découvert un stand de livres copieusement fourni et animé par un homme qui semblait vraiment concerné par la chose. En m’entretenant avec ce dernier, il m’apprit qu’il était poète.

Paul Nzo Mono. Ce n’était pas la première fois que j’entendais ce nom… En effet, il y a quelques années, Alain Mabanckou avait écrit sur son blog un article sur un recueil de poésie de cet auteur. En mon for intérieur, j’étais quelque peu embarrassé de ne pas avoir été informé de la présence d’un tel poète dans la grande ville de Rhône-Alpes.

Je suis revenu à Paris avec un recueil de poésie de cet auteur paru en 2014. Si patrie en était une. Je n’ai jamais lu autant de poésie qu’en cette année 2016. Entre deux lectures, j’ai abordé ce recueil avec l’âme du supplicié. Encore de la poésie. Et chose étonnante, je suis entré tout de suite, dès les premiers vers, dans l’écriture de Paul N’Zo Mono. J’ai pu mesurer la qualité de la plume du congolais. Pompeuse au premier abord, mais le lecteur que je suis a très vite dépassé ce qui n’est qu’une impression.

C’est sans amour ni plaisir

violer son peuple

que gaver sa tête de frustrations,

prohibant tout envol à son génie

p.19 – Si patrie en était une. Editions L’Harmattan

Résonance. En lisant ce texte, j’ai tout de suite compris que je n’avais pas affaire à une gesticulation de plus ou une déclamation nombriliste supplémentaire. Les mots de Paul N’Zo Mono se montrent précis et décrivent assez bien la neutralisation du génie créatif congolais par un système politique oppressif. Résonance. Échos. Justesse. Je continue.

Alors je peste contre ces charognards

goulument abrutis sur nos terres faisandées

galère où joutent espoir et fatalité.

p.20 – Si patrie en était une. Editions L’Harmattan

Lui peste. Lui ose dire. Usant d’images et de symboles compréhensibles pour qui s’essaie à la pause et à l’écoute.

nos arbres gémissent aux vents du soir

n’ayant du cher pays ce qu’ils désirent

p.20 – Si patrie en était une. Editions L’Harmattan

Je révise ma position et mes tirades lassantes sur la poésie, genre en désuétude et inaudible aujourd’hui. C’est avant tout une question d’écho. Je comprends ce qu’il dit, je vois de quoi il parle. A ceux qui sont contraints à l’exil, il rappelle que la migration ne résout pas tout.

Natifs de la honte

ailleurs aller voit si vivre est un ami.

ailleurs aller croire en d’autres ombres?

ailleurs aller voir si nos faims s’assouvissent en mendiant l’exil?

d’’ailleurs aller voir si les chiens dévorent toujours nos cadavres?

p.25 – Si patrie en était une. Editions L’Harmattan

Poésie pénible, poésie congolaise. Nous parlons du fond du sujet. L’homme ne se réfugie dans des sujets annexes, il ne pose pas ses mots sur des faux fuyants. L’une des images pénibles de la décennie 90 au Congo Brazzaville, est celle de ces chiens se nourrissant des corps qui jonchaient les rues de Brazzaville. Mais la métaphore du poète va plus loin et elle semble renvoyer à une actualité terrifiante. Il ne se fait pas d’illusions sur l’issue de l’exil.

La poésie de Paul N’Zo Mono, dans ce recueil, évoque des thèmes autres que les conséquences de la guerre civile congolaise. Les îles et la rencontre de l’autre sont également constitue une source d’inspiration.

Mais je retiens de ce texte, la force des mots du poète congolais, son abord frontal de la situation congolaise contraignant à un exil forcé de nombreuses forces vives dans l’impossibilité de pouvoir apporter leurs savoirs.

Paul N’Zo Mono, Si patrie en était une.

Poésie du Congo

Edition L’Harmattan, 73 pages

Publié il y a 25th December 2016 par GANGOUEUS

Localisation : Brazzaville, République du Congo

Libellés: Auteur : NZo Mono Paul Littérature africaine