Président du P.s.d.c et coordonnateur du Mouvement congolais pour le respect de l’ordre constitutionnel, Clément Miérassa est l’un des leaders de l’opposition ayant boycotté les consultations initiées par le président de la République sur la vie de la Nation et de l’Etat. Dans l’interview ci-après, il revient sur la décision du boycott prise par les partis réunis au sein du Frocad et en explique les raisons.
«C’était un piège qui était monté pour faire passer un maillon qui permettrait au président de la République de réaliser son coup d’état constitutionnel. Nous pensions que nous ne pouvions pas participer à ces consultations», a-t-il dit.
* Monsieur le président du P.s.d.c, vous avez boycotté les consultations présidentielles, pourquoi une telle décision?
** Notre pays traverse une période difficile et exceptionnelle. Assez souvent, les acteurs politiques font la langue de bois. Et, c’est parce qu’ils veulent faire la langue de bois qu’on veut encore plonger le pays dans une crise profonde. Je suis peiné, à la fin de ces consultations, de constater que par apport à la démarche du président de la République, la seule personnalité qui devrait être reçue, entendue ou consultée ne l’a pas été. Il s’agit du président de la Cour constitutionnelle. Toutes ces consultations n’auront servi à rien. Il suffisait, simplement, au Gouvernement, de prendre l’avis de la Cour constitutionnelle qui, si elle disait correctement le droit sans être complaisante, toute cette mascarade et démagogie seraient arrêtées nettes et on penserait faire autre chose.
La Constitution sur laquelle le président Denis Sassou-Nguesso a été élu est claire. Aucune démarche pour l’organisation d’un référendum ne peut être amorcée, sans recueillir l’avis favorable de la Cour suprême. Or, le changement de la Constitution n’est pas prévu par notre Constitution. C’est donc une démarche anti-constitutionnelle.
En 2002, lorsque nous avions envoyé une lettre au président de la République, pour lui rappeler que le pays n’allait pas bien, il traversait une crise multidimensionnelle et qu’il fallait aller vers les Etats généraux de la Nation, vous avez suivi les réponses: les institutions fonctionnent correctement et l’économie marche bien, etc. A l’époque, nous étions pour que le débat sur la Constitution soit inséré. Rien ne fut accepté.
A quelques jours de la fin du mandat du président de la République, par intérêt personnel, parce qu’il ne s’agit pas d’un problème d’intérêt national, comme beaucoup le pensent, on parle du changement de la Constitution. La preuve, on a parlé des consultations sur la vie de la Nation et de l’Etat, mais ça s’est résumé au débat sur le changement de la Constitution, c’est-à-dire au débat sur la conservation du pouvoir par le président Denis Sassou-Nguesso, pour aller à la monarchisation.
Le président Denis Sassou-Nguesso n’a pas besoin de nous recevoir, parce que notre fonds documentaire est tellement riche qu’il connaît notre point de vue là-dessus. Pour nous, c’était un piège qui était monté, pour faire passer un maillon qui lui permettrait de réaliser son coup d’Etat constitutionnel. Nous pensions que nous ne pouvions pas participer à ces consultations.
* Regrettez-vous aujourd’hui votre décision?
** Nous sommes plus que jamais convaincus du bien-fondé de notre décision. Nous pensons que le drame de ce pays, comme celui de la plupart des pays africains, c’est qu’actuellement, on a une génération de dirigeants qui foule aux pieds les lois fondamentales. Lorsque le président était parti au forum, en République Centrafricaine, il a demandé aux différents acteurs politiques et de la société civile de respecter les textes qui régissent la Transition, au risque de faire replonger le pays dans une crise grave. Mais, comment un médiateur international, qui donne aussi de bons conseils à un pays voisin, n’est pas capable, dans son propre pays, de se rendre compte que la paix que nous exigeons et réclamons, dépend, d’abord, du respect, par nos dirigeants, de la Constitution qui est un texte sacré qui s’impose à tous et que tous doivent respecter.
* Tenez-vous toujours, aujourd’hui, à votre appel au dialogue? En boycottant les consultations, n’est-ce pas là un rendez-vous manqué?
** Non! Notre point de vue là-dessus a toujours été clair: nous sommes pour un dialogue qui ne se penchera, essentiellement, que sur la question de la gouvernance électorale. Pourquoi avoir un dialogue sur cette question? Simplement, parce que depuis que le président Denis Sassou-Nguesso est revenu au pouvoir, en 1997, aucune élection libre, démocratique et transparente n’a été organisée, dans le pays. Nous avons eu, à plusieurs occasions, la dernière, c’est le meeting de Pointe-Noire, de démontrer, clairement, à tous les Congolais, que le président de la République a monté un système maffieux de fraude et de tricherie qu’il ne veut pas remettre en cause.
Propos recueillis par Cyr Armel YABBAT-NGO
Source La Semaine Africaine