Congo-Brazza: la diaspora la plus bête du monde?

La diaspora congolaise serait-elle la plus bête du monde ? C’est une question sans doute provocatrice mais elle a le mérite de se fonder sur une analyse minutieuse de l’état d’esprit de cette diaspora et de ses querelles intestines qui la freinent et ne lui donnent que peu de visibilité. Sans vouloir égrener un chapelet d’exemples, il est indéniable que de nombreux pays dans le monde se sont construits grâce à leurs diasporas. Ainsi, en instaurant la diaspora comme le 6e continent, la Banque Mondiale sait combien sa contribution est capitale pour le développement des pays dits du Tiers Monde. (1)

Le Congo aime t-il sa diaspora ?

On pourrait raisonnablement en douter car depuis toujours, la mère patrie a entretenu des relations tumultueuses avec sa diaspora notamment celle établie en France. Dès le lendemain des indépendances et jusqu’à aujourd’hui, la diaspora n’a jamais été vue d’un bon œil car elle a souvent été le moteur des bouleversements politiques. Le nouvel ordre politique favorisé par la Perestroïka au début des années 1990 a vu débouler à Brazzaville des membres de la diaspora emmenés par Pascal Lissouba. Nombreux ont été aux affaires avant de faire sombrer le pays dans une guerre civile dont on mesure encore aujourd’hui les conséquences. Une diaspora plus portée par les intrigues politiques que par l’investissement et la création d’emplois, voilà une caractéristique qu’on décrypte facilement dans les gênes de la diaspora congolaise. « Au pays, on ne veut pas de nous » clament souvent certains membres de la diaspora convaincus que leurs apports seront suspectés par le pouvoir en place. Effectivement, des propositions simples, pratiques faites par le biais de tribunes publiées sur la toile sont mal appréciées de Brazzaville.

Cependant, le désamour que le Congo porte à sa diaspora, lui est bien rendu, à juger par le peu d’intérêt que beaucoup de congolais de la diaspora éprouvent pour l’idée pourtant noble d’investir au pays. Alors que le gouvernement ne cesse de communiquer sur l’amélioration du climat des affaires au Congo, afin de rassurer les investisseurs étrangers;au sein de la diaspora on estime que le risque de faillite demeure très élevé. En effet, les exemples de ceux qui sont partis investir au pays et revenus en France la queue entre les jambes sont légions. Dès lors, décourager ceux qui veulent tenter leur chance au pays est devenu un sport « diasporique ».

De bonnes intentions mais…

« Nous critiquons notre pays parce que nous l’aimons » se plaisent à dire les Congolais de France. « C’est pour faire avancer les choses », « C’est notre contribution pour améliorer le système » clament ceux qui gardent encore la foi qu’un jour ce pays sortira du marasme économique et social dans lequel il est plongé. Au nom de ces bonnes intentions, de grand-messes sont organisées à Paris et des résolutions sont prises pour être présentées au pouvoir. Mais une fois les spots de télé Congo qu’on a fait venir à grands frais à Paris éteints, la réalité rattrape les organisateurs. Ce ne fut que du vent. Et du vent, la diaspora congolaise sait en brasser. La preuve, en décembre 2011, un grand colloque pour « améliorer le système de santé au Congo » fut organisé à Paris. Des délégations venues de toute la France, de l’Europe, du Maroc et de Brazzaville ont planché sur des résolutions dont on a jamais vu la moindre ligne publiée. Étrangement,  pourtant, des membres de la diaspora se sont rendus à Brazzaville présenter ces résolutions au président de la république. Seule une instance est née de ce colloque : la délégation spéciale des professionnels de santé de la diaspora (DSPSD). Cette organisation sensée organiser la contribution des professionnels de santé de la diaspora pour améliorer le système sanitaire congolais est aujourd’hui empêtrée dans des problèmes de management hasardeux couplés à une absence de vision prospective. Dépités, les professionnels de santé membres de la DSPSD ne cessent depuis quelques mois de s’invectiver sur internet, alors que des hommes et des femmes continuent de mourir pour des broutilles dans nos hôpitaux.

RICE, DCB, SDA, Urgence Congo Brazza…, ce sont des initiatives louables mais limitées.

Pourtant, malgré le sombre tableau que nous venons de peintre, il faut dire qu’il y a des tentatives d’organisation de la diaspora dont les plus abouties actuellement sont le Réseau international des Congolais de l’extérieur (RICE) et la Diaspora Congo Brazzaville (DCB). Le premier créé sous l’impulsion d’Henri Lopes ambassadeur du Congo en France et président d’honneur du RICE a pris de l’avance en organisant le Prix RICE qui récompense les initiatives associatives ou entrepreneuriales  et des parcours individuels des membres de la diaspora.
Pour sa part, Diaspora Congo Brazzaville fédère de nombreux congolais à travers le monde grâce à une intense activité sur Facebook, et une assistance concrète portée à ses membres. En 2012, DCB a mobilisé ses adhérents sur le net afin de contribuer aux frais de rapatriement au pays du corps d’un de ses membres décédé aux USA. Quant à SDA (Synergie et Développement de l’Afrique), cette association a été à l’origine du colloque sur la santé en 2011. Pourtant, elle est actuellement en léthargie, car son management étant centré sur la personne de son président, aucune initiative ne peut être prise en son absence.

Le drame des explosions de Mpila a été un électrochoc pour de nombreux congolais de la diaspora. Il a favorisé un élan de solidarité jamais vu dans son histoire. Ainsi, un collectif dénommé Urgence Congo Brazzaville a vu le jour autour de l’ambassadeur afin de coordonner l’aide de la diaspora aux sinistrés. Ce collectif a suscité tant soit peu l’ espoir de voir un jour les congolais de la diaspora travailler ensemble. Malheureusement , une fois les dons envoyés à Brazzaville, le soufflé est retombé. Chacun est reparti dans son association et aucun projet commun n’a vu le jour alors que l’argent collecté sommeille à la banque.

En outre, ces organisations dont les ambitions affichées sont louables demeurent suspectées du fait que leurs animateurs sont plus ou moins proches du pouvoir de Brazzaville.

Mobiliser la diaspora ?
Pressé par la banque mondiale la France et  l’Union Européenne, financements à l’appui, le gouvernement congolais par le biais du Ministère des Affaires Étrangères a mis en place une cellule de mobilisation de la diaspora qui n’est que l’ombre d’elle-même. Ses deux missions à Paris, Rome et Bruxelles en 2012 n’ont pas donné les résultats attendus. Cette cellule est très mal connue, elle ne communique pas ou trop peu. Ses réunions quasiment improvisées à Paris ne drainent pas les foules. La dernière qui s’est tenue à l’ambassade n’a réuni qu’une quinzaine de personnes dont la moitié faisait partie de la délégation venue de Brazzaville.  Comment fédérer une diaspora quand tous les membres qui composent la cellule de mobilisation sont des hauts fonctionnaires installés à Brazzaville ?  Devant ce gâchis d’énergies, et d’intelligences, n’est ce pas raisonnable de dire que la diaspora congolaise est la plus bête du monde ? (2)

Guy Roger MABONZO

(1) – Fédérer les congolais établis à l’étranger pour le développement du Congo