Contexte du document de Norbert Dabira
1 – Chers Compatriotes, fidèle à l’engagement que j’avais pris au cours de mon interview parue dans le numéro 358 du 16 au 30 novembre 2012 d’Afrique Education, je mets à votre disposition des preuves écrites sur ce que j’avais évoqué avec gravité. Qu’avais-je dit ? Trois choses : la première : Sassou Nguesso est bel et bien l’assassin de Marien Ngouabi le 18 mars 1977. La deuxième : Sassou, originaire du Nord-Congo, a jeté son crime sur des hommes du Sud afin que tout le pays soit mentale-ment et politiquement déstabilisé. La troisième : ce climat de résurgence de toutes les haines, de tous les aveuglements leur a permis d’installer sa région d’origine (le Nord) au pouvoir, tout en y éliminant bien sûr ceux qui ne voulaient de ce programme de division nationale. Ainsi, sang du Sud (Assassinats de l’ancien président Massamba-Débat, de Saint Cardinal Emile Biayenda, de Kikadidi, de Jean-Pierre Ndoudi Nganga et ses 9 compagnons) et du Nord (sang de Pierre Anga et de son frère) a coulé abondamment.
2 – En 1991, une belle Conférence nationale rendue possible par l’écroulement du Mur de Berlin et le dis-cours du président François Mitterrand, à La Baule, a écarté ce tyran du pouvoir. Mais celui-ci n’a pas profité de l’air du temps nouveau pour changer de mœurs. Il est resté au fond de lui ce que vient d’écrire un journaliste d’un hebdomadaire parisien époux de sa nièce, une « panthère mbochie » (une panthère de la tribu de Sassou: les Mbochi). Il a aussitôt entrepris de ruiner tout ce qui avait été défini au cours de la belle Conférence de redressement de l’union nationale et de la démocratie dans le pays. Et il y est totalement parvenu au mois d’octobre 1997 quand grâce au soutien de plusieurs légions de mercenaires étrangers, il renversa son successeur, le président Lissouba.
3 – Quels temps le Congo allait-il vivre ? Quel Sassou allait-il vivre ? Le même ? Celui qui s’était couvert de crimes de sang entre 1977 et 1988 ou un autre, un nouveau, lavé du passé après tout ce qui s’était dit dans le monde sur les régimes de dictature après la fin du communisme et sur ce qu’avait déploré la Conférence nationale de 1991 sur le Sassou de cette époque-là ?
Le vainqueur d’octobre assassina immédiatement sans procès ni débat, la constitution du 15 mars 1992, issue des acquis de la Conférence de 1991.
Il organisa, au mois de janvier 1998, un Forum dit « national » pour la démocratie et l’unité nationale. Une manière de tenter de panser la grande blessure ouverte dans le pays, au niveau des institutions, par l’abrogation souveraine de la constitution du 15 mars.
A l’approche du 1er anniversaire de sa victoire du 15 octobre et de l’assassinat de la constitution de 1992, le régime fait savoir par gestes et paroles, qu’il croit que les vaincus n’ont tiré aucune leçon de leur défaite totale. Un général du pouvoir, Norbert Dabira, le dit, dans un livre publié aux éditions L’Harmattan: La guerre inachevée. Un titre qui vaut plus qu’un avertissement et un engagement. C’est un appel à la prise de conscience de tous les dangers du côté des vainqueurs. Il faut se lever et repartir au combat avant qu’il ne soit trop tard. C’est le général « Etudes et Stratégies » du régime. On l’écoute. Et la guerre reprend dans le pays. Mais contre quel ennemi, Lissouba et Kolelas vaincus « à plate couture » (sic), le 15 octobre 1997, sont hors du pays et leurs forces – les milices cocoyes et ninjas – ont été abandonnées à elles-mêmes dans leurs zones ethniques (Pool, Niari).
La guerre de parachèvement de la victoire consistera à tout massacrer dans ces zones. Ce sont les fameuses Opérations Mouébara par air et par terre. Ce sont aussi les Opérations « Nettoyage des quartiers Sud de Brazzaville maison par maison ». Ce sont les Raffles au Beach de Brazzaville de nombreux jeunes exilés attirés dans le filet du retour par une fausse promesse d’amnistie passée sur les antennes de la Radio nationale. Fausse malgré la voix qui la garantissait crédible : la voix du chef de l’Etat.
4 – Un tel parachèvement de la victoire du 15 octobre 1997 ne pouvait pas laisser l’opinion internationale indifférente. Des organisations inter-nationales de défense des droits humains se levèrent et Sassou fut accusé par elles de crimes de génocide. Leur voix fut si puissante que le criminel devint un grand indésirable dans la plupart des pays du monde. Alors, le général Norbert Dabira imagina un scenario afin de le sortir de cette situation. Un scenario certes pas très original mais très éloquent au niveau des faits ou de la situation. Oui, le général Dabira a fait un tableau des crimes à l’origine de la révolte de l’humanité et de l’isole-ment de son maître Sassou Nguesso. Un tableau aveu de tout : des crimes connus depuis le sacrifice (sic) de Marien Ngouabi aux massacres du Beach, au génocide dans le Pool et le Niari. Un tableau aussi sur les meurtres en préparation ou en projet sur la personne de quelques exilés comme Moungounga Nguila Kombo, Bernard Kolelas, de quelques opposants ou personnalités suspectes comme Bongou Camille, Benoît Moundele Ngolo, Ndolou, etc. Bref, la description des mœurs de sang d’un régime né dans le sang et qui n’entend se maintenir en place que par le sang, le crime, le vice. Le document Dabira est, à cet égard, un précieux document historique, une source de vérité sur tout ce que Sassou nie.
5 – A la fin, le lecteur se posera sans doute, la question suivante : « pour-quoi n’a-t-il pas agi comme le lui a suggéré son général en « Études de situations et Stratégies » ? C’est une question à laquelle nous pourrons examiner à un autre moment. Néanmoins, nous pouvons indiquer ici que le Document Dabira garde toute son actualité non pas parce qu’il contient toute la vérité sur tout mais aussi par-ce que Sassou Nguesso n’est pas au bout de son parcours. Demain, il peut se demander comment échapper à son destin par un chemin de renard : fuite à l’étranger ou massacre de tous ceux qui l’ont soutenu, avant de se suicider. Déjà, il ne reste que très peu de temps dans son pays. Déjà, il dort très peu de nuits à Brazzaville. Déjà, il a fait d’Edou et d’Oyo les seuls endroits de la République où il dort, jusqu’au chant du coq, sans cauchemar.
Puissent tous ceux qui pensent et enseignent que « Denis Sassou Nguesso n’a jamais tué personne », qu’il n’a sur les mains le sang ni de Marien Ngouabi, ni du Saint Cardinal Emile Biayenda, ni de l’ancien président Alphonse Massamba-Débat, ni d’aucun autre Congolais, lisent le document qui va suivre, signé du général de brigade Norbert Dabira.
6 – Mais qui est le général Norbert Dabira ? Dans le document, il se définit clairement comme un serviteur dévoué corps et âme de Denis Sassou Nguesso, prêt à donner sa vie pour lui. Il montre naturellement qu’il est plein de rage contre les adversaires de son maître. Adversaires qu’il est prêt à liquider physiquement sur un simple signe de celui-ci. Pour lui, le doigt de son maître est un juge-ment de justice. Un verdict absolu. Mais le lecteur verra aussi que ce général qui se veut un gladiateur sans pitié sait « trembler dans tous les sens » (sic). Notamment quand il pense que le régime de son maître finira bien un jour par s’effondrer, que ceux qui le soutiennent risquent de chercher « refuge dans les forêts » (sic) pour sur vivre si les autres se vengent.
Et comment ne pas rappeler ici que ce général émarge au fichier de la justice française depuis plus d’une décennie. Au lendemain de la victoire de son maître, le 15 octobre 1997, sur Lissouba et Kolelas, il est nommé inspecteur général de l’armée. Fonction qu’il cumule avec celle de directeur d’une « Cellule d’études et de Stratégies ». Mystérieux œil sur tout ce qui se passe dans le pays, qui veille jour et nuit sur la sécurité du régime. Œil sur tout qui soupçonne presque tout le monde. C’est ainsi qu’en 1998, le général Norbert Dabira alerte son maître et l’opinion publique en publiant un livre qu’il intitule bruyamment « La guerre inachevée ». Pour lui, la victoire du 15 octobre 1997 n’a pas été assez triomphante, n’a pas assis son maître sur son trône d’airain. Et pour-tant, ce maître avait, au mois de janvier 1998, organisé souverainement un Forum sur l’unité nationale, la démocratie, le développement, la marche paisible de tous vers le futur. Voici que le général Norbert Dabira sonne l’alerte : il faut relancer la guerre. La suite, on la connaît : mas-sacres d’exilés qui rentrent de Kinshasa, ayant pris au sérieux une pro-messe d’amnistie lancée à tous par Sassou Nguesso (Affaire du Beach), massacres des populations du Pool et du Niari (Opérations Mouébara, Opération Ntoumi ou fausse rébellion, etc…).
L’opinion internationale s’émeut. Le régime de Sassou Nguesso sent l’isolement. Il se sent abandonné par tous. Le général Norbert Dabira va alors proposer à son maître un scenario de salut : quitter le pouvoir avant qu’il ne soit trop tard. En clair, voyager, puis démissionner loin du pays ensanglanté et pris en pitié par tout le monde. Ce scenario parfaite-ment ficelé par le général Norbert Dabira n’a pas abouti puisque Sassou est toujours là (nous aborderons ultérieurement ce point). Bien entendu, le général Norbert Dabira croyait aussi être toujours là : puissant et redouté. C’était oublier que la roue tourne. Oui, deux jeunes miraculeusement rescapés du massacre du Beach évoqué plus haut, avaient erré comme deux bouteilles jetées à la mer et finalement atteint les rives de la France. En clair, usant de sa compétence universelle en matière de crimes contre l’humanité, ce pays accueillit leur plainte en 2001. Le général Norbert Dabira, propriétaire d’un appartement ou villa à Meaux, y fut interpellé et conduit devant le juge compétent. Il passa de longues heures devant le magistrat. Mais général sans dignité de lui-même ni de son rang, il choisit finalement de fausser grossièrement compagnie au juge. Et ceci avec la complicité de son maître qui fera ensuite de l’Affaire des massacres du Beach, une Affaire d’Etat. Il choisit même de la juger chez lui, devant ses tribunaux, lui qui avait officiellement déclaré que « personne n’avait disparu au Beach ». Parmi les dix généraux alignés à la barre de sa justice, le général Norbert Dabira qui, bien entendu, nia tout et fut acquitté purement et simplement comme ses 9 autres col-lègues.
Acquitté dans son pays, le général Norbert Dabira reste toujours devant la justice française, un personnage clé du massacre du Beach. Oui, depuis le 5 janvier 2004, il est toujours sous le coup d’un mandat inter-national pour les faits énumérés dans le mandat d’amener délivré contre lui par les juges d’instruction de Meaux le 16 septembre 2002, en ces termes : « crimes contre l’humanité, pratique massive et systématique d’enlèvements de personnes suivis de leur disparition pour des motifs idéologiques et en exécution d’un plan concerté contre un groupe de population civile d’avril 1999 à juillet 1999 ». Juillet 1999, le mois où ce général se rendit compte que son programme de parachèvement de la victoire du 15 octobre 1997 était un désastre et qu’il fallait chercher à s’enfuir du Congo, chercher sinon le salut du moins le répit bien loin de là.
Chers Compatriotes et Amis du Congo bonnes lecture et méditation. Bonne méditation surtout car si Sassou Nguesso n’a pas agi en 1999 comme conseillé par son général, il n’a pas, pour autant réussi à remettre le Congo sur le bon chemin. Le document Dabira est toujours d’actualité et pour Sassou, qui doit de moins en moins au Congo et pour les Congolais, qui doivent réfléchir à un Congo sans Sassou.
Me Aloïse Moudileno Massengo
(*) Ntsourou va-t-il profiter des Documents Dabira et Lékoundzou pour révéler à la justice de son pays et à l’opinion internationale ce qu’il sait du personnage Denis Sassou Nguesso ? A défaut de l’accusé lui-même, ses avocats peuvent-ils soulever la question de l’inquiétante personnalité de Denis Sassou Nguesso: toujours soupçonné dans chaque tragédie, jamais publiquement mis en cause, encore moins jugé. La preuve, il veut encore rester au pouvoir afin d’éviter de rendre des comptes dans le dossier des Biens mal acquis. Un homme qui fait l’objet de plusieurs dossiers de justice hors de son pays peut-il juger d’autres à l’intérieur de son pays ? Est-ce légitime ? Est-ce admissible ? Sassou Nguesso fuit la justice internationale (Affaire du Beach) et française (Biens mal acquis), mais veut que tout le monde croule sous la sienne (Affaire du 4 mars 2912).
© Afrique Education- Numéro 365-366
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Voici l’homme qui a fait pendant longtemps le pied de grue devant l’Elysée et qui sera enfin reçu par le président François Hollande. Cet homme – panthère mbochie (1) – , c’est Denis Sassou Nguesso, général d’armée, chef de l’Etat, président de la République, chef du gouvernement du Congo-Brazzaville. Illégitimement premier à tous les hauts niveaux dans son pays, il a été surpris et fâché que le nouveau président français, François Hollande, ne l’ait pas encore reçu à l’Elysée.
Enfin, il va l’être, après les autres, comme un dernier.
Certains, comme moi, auraient souhaité qu’il attende encore car il n’est pas un chef d’Etat, un président de la République à recevoir avec honneur et respect au nom de la France, pays des lois et du respect de la dignité humaine.
L’homme qui va être reçu à l’Elysée est un chef d’Etat, président de la République, chef de gouvernement qui s’est auto-proclamé comme tel. Sa constitution est une constitution imposée au peuple car non soumise à l’agrément de tous : la région du Pool a été arbitrairement écartée du vote. Preuve qu’il vient d’un pays sans unité, sans peuple dont émanent les lois.
L’homme qui va être reçu à l’Elysée est enfin quelqu’un qui a failli abandonner clandestinement son pays après y avoir commis tous les crimes. Un homme terrorisé, rattrapé sur « le chemin de la fuite » (sic). Oui, Sassou Nguesso a failli abandonner le Congo après les massacres immenses qu’il y a perpétrés en 1998-1999 et qui ont fait plus de 10.000 morts. En effet, un de ses généraux lui a sou-mis un scenario de fuite habilement confectionné. « Fuyons, nous avons dépassé les limites ». Son nom, c’est le général Norbert Dabira, particulièrement, connu de la justice française depuis une plainte déposée contre lui à Meaux en 2001 par des Congolais miraculeusement échappés de ses mains sanglantes en 1999 (Affaire des Massacres du Beach – Débarcadère de Brazzaville). Son document est historique à tout point de vue, notamment, sur l’homme Sassou Nguesso et le crime fondateur de son régime : l’assassinat de Marien Ngouabi le 18 mars 1977. A chaque ligne, le sang, la mort, l’élimination des citoyens, la rage de tuer. Il témoignera contre lui partout où il ira et sera… reçu. Un document « curriculum vitae » de Denis Sassou Nguesso Andzimba.Par tout où il entrera, il sonnera, avertira, criera : « Sassou Nguesso a tué de milliers de citoyens dans son pays ». « Sassou Nguesso a de nombreux Biens mal acquis ». « Sassou Nguesso détourne rentes et pensions, salaires et bourses ». « Sassou Nguesso a du sang sur les mains ».
Puisse le vent le faire entendre autour de lui quand il montera, prochainement, les marches du Palais de l’Elysée et quand il serrera la main du président français, quand les mots francophonie, développement, démocratie, respects des droits de l’homme, etc. seront prononcés, évoqués entre les deux hommes. Forcément, parce que la politique de Panthère d’une tribu qu’applique Sassou Nguesso au Congo-Brazzaville déshonore aussi la francophonie (1).
Me Aloïse Moudileno Massengo
(1) « La Panthère mbochie » (Sassou Nguesso dans une certaine presse complaisante)
Une panthère au sein de la francophonie et un document comme celui qui va suivre ne pourront pas laisser le Palais de l’Elysée indifférent. La francophonie est composée de peuples, de nations, d’Etats et non de TTM (Tribus et Tyrannie masquées). Et elle met en avant des valeurs de progrès. Un chef d’Etat qui s’inspire des mœurs des fauves dans le gouvernement de son pays, ne devrait pas mériter les honneurs d’une réception à l’Elysée, haut lieu de la francophonie et de la République française.
© Afrique Education- Numéro 365-366
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Note d’information sur l’évolution de la situation générale (période du 16 juin au 15 juillet 1999)
Le recoupement des renseignements de tous nos services intérieurs et extérieurs pour cette période confirme la pertinence des préoccupations exprimées dans nos deux dernières notes d’information. Le désengagement de nos appuis extérieurs sur notre action a pris une tendance irréversible et l’impopularité à l’intérieur du pays a atteint des proportions inquiétantes qui nous amènent à nous interroger sur la rationalité de notre démarche jusqu’au-boutiste suivie jusqu’à ce jour.
Même la récente remarquable offensive médiatique à travers le publi-reportage dans Jeune Afrique, l’article fleuve dans le magazine Continental, nos créneaux sur RFI après le Sommet de l’OUA, n’ont pas réussi à produire auprès de nos potentiels protecteurs l’effet de charme recherché. Seuls nos partisans y ont trouvé consolation. L’indiscrétion au sujet des sommes d’argent (60 millions et 70 mil-lions de francs cfa) versées aux deux organes de presse, cités plus haut ont provoqué un manque d’intérêt pour nos articles qui sentaient, d’après les lecteurs, la tricherie et la mascarade. La rencontre secrète avec B., N. et autres, à Libre-ville, transportés depuis Paris à bord d’un jet privé, a renforcé la conviction des étrangers sur notre attachement aux méthodes marxistes-léninistes de diversion. Pire, cette maladroite opération n’a eu pour résultat que le raffermissement de l’unité des sudistes qui se sont sentis tous, sans distinction, exclus. Notre intention n’est point de vous alarmer inutilement, mais de vous présenter la situation avec objectivité. N’en déplaise d’autres collaborateurs et d’autres parents, nous ne pouvons manquer au devoir historique de vous inviter à regarder courageusement les choses en face, loin des éphémères euphories et des fanatismes primaires. Il faut que vous preniez conscience que nous sommes lâchés par tout le monde afin de réfléchir profondément sur la conduite à tenir. Les informations sélectionnées pour cette 22e note corroborent cette conclusion.
Les milieux politiques et financiers français ne cachent plus leur antipathie à notre égard. En date du 9 juillet 1999, notre protecteur répondant au code S02, en parlant de nous, a lâché publiquement que « Ce montage a été un grand échec… Ce régi-me est une épine dans le pied qu’il faut extraire impérative-ment avant la rentrée prochaine ». Ce sentiment est conforté à nos yeux par l’étrange comportement d’un autre parrain, le S05. Il y a trois mois, ce dernier soutenait encore la logique jusqu’au-boutiste mais se montre tout à coup distant. Nos nombreux messages téléphoniques laissés à son attention restent sans suite.
Du côté de Elf, la situation n’est guère meilleure. Le divorce est consommé. Vos commentaires sur l’offre de Total-Fina n’ont provoqué que désagrément dans la maison Elf. On ne veut même plus entendre prononcer votre nom. Notre indicateur répondant au code P03 a signalé qu’il se retrouvait désormais en position inconfortable à la suite du passage de vos propos à RFI. Nous n’avons donc plus aucun infiltré fiable à Elf.
Les dernières révélations sur les violations des droits de l’homme par la FIDH ont retenu l’attention du TPI qui, d’après notre source de La Haye, s’excite beaucoup autour de ce dossier. Aucun de nos protecteurs, n’a encore, hélas, levé le petit doigt. C’est un très mauvais signe. Nous ne sommes pas à l’abri des pour-suites. Ce qui se passe actuelle-ment au Kosovo doit nous inter-peller. La presse étrangère détient des archives où nous reconnaissions plus d’un millier de morts en deux jours en décembre 98. C’est 100 fois plus que les moyennes des personnes tuées par jour au Kosovo. Il nous faut impérativement faire disparaître la moindre trace liée à cette tuerie en masse quel qu’en soit le prix. Nous suggérons, compte tenu de l’extrême importance que revêt cette mission d’effacement des traces sur les massacres des quartiers sud de Brazzaville que vous convoquiez personnellement François et mettiez à sa dispositions des moyens matériels et financiers suffisants pour enterrer à jamais ces preuves.
Même le président Bongo a commencé à prendre ses dis-tances vis-à-vis de nous. Il ne joue plus qu’à l’hypocrisie. Nous en jugeons par ces propos qu’il a confié au fumiste de Ange Patassé : « Qui cherche trouve. Denis a cherché. Il a trouvé. J’ai fait ce que j’ai pu pour l’aider en tant que parent, mais je ne suis pas Dieu. La sanction du ciel n’épargne personne. Moi, au moins, tout le monde sait, même mes ennemis, que je n’ai pas les mains tachées de sang humain ». Les comptes-rendus de tous nos éclaireurs auprès des instances angolaises sont concomitants sur l’imminence du retrait de leurs troupes et indiquent que Elf n’y est pas innocent. Notre technique de manipulation reposant sur la présence des hommes de l’Unita sur le sol congolais ne tient plus debout. Plus personne ne nous prend au sérieux. C’est lamentable que nos officiers n’aient pas été capables de fabriquer même un seul faux soldat de Savimbi durant ces 22 mois d’exercice de pouvoir. Tout le monde, y compris nos amis rigolent sur ce montage raté. Notre porte-parole devrait désormais s’abstenir de crier à l’Unita devant la moindre difficulté car cette minable machination, loin de motiver les Angolais, provoque à l’inverse leur irritation. Ils se sentent, comme le soulignent à juste titre les rapports de Ntsourou, désabusés. La mutinerie évitée de justesse le mois passé nous a épargné de leur colère. Mais le danger n’est pas encore définitivement écarté.
Seule une déstabilisation de l’intérieur de Dos Santos et de Pedro Sebastiano nous mettrait à l’abri d’un éventuel retourne-ment. Notre cellule de Luanda, conformément, à vos instructions du mois dernier, est en train d’abattre un véritable travail de fourmi. Ses hommes pro-mettent de nous surprendre agréablement dans les jours qui viennent. D’autre part, il est opportun d’approfondir les contacts pris par le général Morlendé avec la représentation de l’Unita, rue de Naples à Paris. N’hésitez pas à lui doter les moyens que vous lui avez promis lors de la première concertation pour l’ouverture de ce dossier. Cette démarche s’inscrit bien dans l’application de notre pro-gramme de noyautage des deux camps. Nous observons scrupuleusement votre consigne de privilégier la conservation du pou-voir même au prix du sacrifice d’un allié. Cet habile discerne-ment ne nous a-t-il pas permis de jouir de 13 ans de règne après le sacrifice de Marien? Nous avons utilisé Dos Santos pour atteindre notre objectif. Mais sa dévotion à Elf qui nous a tourné le dos aujourd’hui nous place dans une position fragile. Qui va-t-il préférer de Elf et de nous ? La prudence commande de nous inspirer de Machiavel. « L’ami de ton ennemi est ton ennemi ». Il faut agir vite. Napoléon ne disait-il pas : « On s’en-gage et on voit ».
Kabila, comme nous l’avions déjà souligné dans nos notes d’informations antérieures, n’a pas du tout renoncé à son double jeu. Nous devons regretter à présent de n’avoir pas mis à exécution le projet de l’élimination physique de cet arriviste et piètre dirigeant politique quand l’occasion s’y prêtait. Il serait urgent de renforcer le réseau F20 sur Kinshasa et de bien redéfinir ses missions, en réinsérant notamment le point 3. Le travail entreprit par le général Adoua avec les hommes de Mbuji-Mayi, est prometteur de succès. Exceptés quelques flottements à leur entrée par le Beach de Brazzaville, les choses, dans l’ensemble, se sont bien passées. La liaison par téléphone satellitaire a été établie depuis 3 semaines avec leur base. Nous attendons les résultats des négociations avec le bureau de l’Unita de Paris pour mettre en place la triple liaison. Quartier général de l’Unita de Lunda Norte-Mbuji-Mayi-Brazzaville-Oyo.
Quant à Paul Biya, hautain comme ce n’est pas permis, il garde une position ambiguë à notre égard. Il serait souhaitable de le secouer un peu, lui qui se croit au-dessus des autres. Votre pro-jet de soutenir financièrement Mongo Beti serait le bienvenu. Ce brillant intellectuel a tout, sauf l’argent. Aidé sur ce plan, il peut causer bien des ennuis au redoutable époux de Chantal. Lassana Conté est devenu très furieux à notre égard depuis que lui ont été apportées des preuves sur notre soutien financier à son principal opposant. Nos recherches ont montré que ce travail de basse besogne a été accompli par votre chef d’antenne répondant au code de D12 à qui pour tant, vous avez payé un somptueux pavillon dans une banlieue sud de Paris. Nous pro-poserions en guise de punition pour le D12 que ce pavillon, si les conditions d’achat le permettent, soit offert à un cadre de l’Unita basé à Paris pour leur montrer notre bonne volonté de parvenir à une collaboration réciproquement avantageuse. Pour le dossier de la Guinée, nous ne pouvons plus faire marche arrière. Il faut continuer à soutenir matériellement, financièrement et moralement l’opposant. Mes succès nous seront d’une grande utilité. O. peut y jouer efficacement un rôle d’estafette au lieu de continuer à engraisser des traîtres.
Au plan intérieur, notre tactique d’intensification du clientélisme politique et de la domestication de la presse avait certes donné des résultats encourageants au début, mais le rouleau compresseur de l’impopularité les a très vite annihilés. Nous avons même inconsciemment ouvert un grand boulevard à Moungounga Nkombo Nguila qui devient non seulement singulièrement populaire, mais en plus, est très courtisé par les milieux occidentaux, y compris par beaucoup de nos amis qui nous accusent de les avoir trompés. Dans certains milieux français, il est déjà reçu presque comme un chef d’Etat.
Le messionanisme de Kolelas s’est, contre toute attente, dangereusement renforcé. L’action de notre très fidèle Gérard ne produit que l’effet d’une goûte d’eau dans la mer. Certains ténors de la Likouala encouragent Patassé dans sa guerre froide contre nous. Ils promettent selon leurs propres termes de « nous mettre à notre place ». Faut-il voir là les signaux d’un début de révolution des chiens de chasse contre leur maître de toujours ? Vous en portez la responsabilité. Nous n’avons pas été très ferme envers ses pêcheurs mi-centrafricains mi-congolais. Il est inacceptable qu’un Motando n’ait pas été éliminé physiquement ou réduit à l’état d’inaptitude du premier degré. Thystère, versatile comme toujours, lors de sa récente descente à Lille, n’a ménagé aucun effort pour nous déstabiliser. Nzé passe son temps à nous discréditer au près des Camerounais. Ganao prend de la place autour de Omar qui s’obstine dans ses stupides idées du rassemblement des Batéké ignorant qu’un Mbochi ne peut jamais être commandé par un Batéké. Ngollo nous critique maintenant sans retenue dans les restaurants de l’Avenue des Champs Élysées.
Nous nous retrouvons plus que jamais dans l’isolement total. Même la diversion habilement pensée : l’organisation du FES-PAM ne parviendra pas à camoufler le glas qui place au-dessus de nous. Le danger d’un climat d’insécurité entretenu autour de cet événement devrait interpeller notre conscience sur l’opportunité de sa tenue. Notre indicateur de Washington affirme que Kolelas a transmis au Haut commissariat des réfugiés une liste de 200 militaires et civils tortionnaires et complices de notre régime. Toutes les personnes ayant leur nom sur cette liste sont fichées dans toutes les antennes du HCR des pays et sont d’office considérées comme des accusés pour crimes et torture. Mais ces listes sont tenues au grand secret. Nous avons proposé une somme assez consistante au chef du HCR de Kinshasa pour les obtenir, mais ce dernier, à notre grande surprise, a décliné l’offre.
Ces chefs d’accusation sont au-dessus du droit des Etats. Nous deviendrons non seulement des visiteurs indésirables pour des éventuels pays hôtes mais serons systématiquement recherchés par le TPI quel que soit le lieu de notre refuge si les choses venaient à changer par la méthode forte. Kolelas est prêt à tout pour venger les indécrottables Lari tués pendant le nettoyage que nous avions ordonné en décembre 98. Il a promis fermement de nous pendre (vous-même et neuf autres personnes) sur la place publique en présence des populations du Pool pour prouver son « attachement intrinsèque au destin des descendants de Mâ Mbima » selon ses propres termes.
Du côté de Moungounga Nkombo, une opération d’identification et de dénonciation des criminels et des tortionnaires ayant commis des exactions dans les pays du Niari et à Pointe Noire depuis le 15 octobre 1997 a été lancée. Ces noms seront probablement ajoutés à la liste de Kolelas.
Devant cette situation extrême-ment préoccupante, des mesures d’urgence devaient être impérativement prises. Dans l’immédiat, nous propose-rions le gel de tous les fonds de l’Etat. Ignorant notre destin même dans un proche avenir, il est imprudent de ne pas prendre de précautions au sujet du nerf de la guerre. Nous devons, hélas, même vis-à-vis des loyaux fonctionnaires qui ont volontiers répondu présent à notre appel mettre entre parenthèse la question des salaires et du fonctionnement de l’Etat. Toutes les recettes et les réserves liquides devraient dans les plus brefs délais être transférées à un endroit fiable comme par exemple votre domicile privé et mis dans des coffres adaptés au transport par hélicoptère. Le colonel Elenga gérerait une caisse plus ou moins modeste pour les affaires courantes.
Une réunion de coordination de toutes nos officines devrait être impérativement convoquée afin d’examiner toutes les hypothèses de la conduite à tenir. L’hypothèse d’une fuite clandestine à l’étranger souhaitée par une grande partie de nos hommes présente plusieurs difficultés. D’après les premières démarches de nos relais, aucun pays ne veut prendre le risque de nous accueillir sur son territoire. En France, dans les cou-lisses, l’on promet de nous faire subir le même sort que celui qui fut réservé à Mobutu. Avec le Maroc, il y a un peu d’espoir mais juste pour vous-même, votre épouse et deux enfants de bas âge. En plus, cette hypothèse a l’inconvénient d’abandonner les Mbochi d’Oyo et d’Olombo à la vindicte populaire. Avec le recul du temps, nous avons conscience que nous avons contraint ces pauvres à renoncer de vivre au Sud car ils ne pourront être épargnés des représailles pendant une période encore indéterminée.
A propos de l’avenir des populations mbochi, le sage C1 a cherché sans succès à vous rencontrer hier. Il a été chassé comme un malpropre par les Tchadiens aux allures d’animaux sauvages qui forment votre deuxième ceinture. Il nous a confié les informations qu’il voulait mettre à votre disposition. Il s’agit de bien sur veiller le trio Bongou-Moundélé Ngolo-Ndolou. Leur message, selon les dires du doyen, est très bien accueilli dans le milieu mbochi. « Les Mbochi, véhiculent-ils, ne doivent pas se borner à lier leur destin à celui de Denis. Il faut certes lui rendre un hommage mérité pour tout ce qu’il a fait pour les parents. Mais force est de constater qu’il est à présent fini. Il constitue désormais un danger pour la survie de la tribu. Si nous n’y prenons garde, l’écrasante majorité de nos parents sera condamnée à périr dans les forêts et ceux qui ont un peu de moyens mourront en exil. Nous ne pouvons pas aveuglément suivre Denis qui en toute vraisemblance, s’est embourbé dans des transactions compliquées auxquelles nous n’avons pas été associés. Il ne nous reste qu’une seule chose : nous en débarrasser avant que d’autres ne le fassent à notre place ».
Une autre source digne de fois rapporte que Moundélé Ngolo avait entretenu dans un domicile privé à Ouenzé un groupe des gens du coin, très actifs, et tenu les propos suivants. « Camaille, Jacques et moi-même sommes plus brillants que Denis. Nous nous connaissons. Denis est en réalité un flemmard que nous avons élevé au pouvoir. Sans le savoir-faire de Camille et de celui qui vous parle, il n’aurait jamais pris le pouvoir en 1979 contre Yhombi. Nous trois, mis en-semble, pouvons détendre la situation dans l’intérêt des Mbochi. Moi, je suis, c’est vrai, de temps en temps violent, mais les deux autres parents ont, eux, la réputation d’être des modérés. Alors ! Ne soyons pas idiots. Je vous invite dès à présent à commencer à vous préparer à endurer les épreuves qui s’imposeront ».
Quelle que soit la décision qui sera prise à la réunion de tous nos apparatchiks, il sera réaliste de ne retenir qu’un nombre inférieur à 50 hommes pour un éventuel départ concerté à l’étranger. Les autres devront se débrouiller. Il serait complètement fou de s’encombrer de tous nos 200 ou 300 pouilleux. Lissouba n’était parti de manière organisée qu’avec 12 collaborateurs. Il serait souhaitable que vous assigniez déjà à Dzon Mathias la mission de préparer les états de la répartition des fonds en tenant compte de la place de chacun dans la hiérarchie afin qu’ils soient discutés à la prochaine réunion.
Sur les informations relatives au complot mbochi en préparation, si vous le souhaitez, nous pouvons immédiatement mettre aux arrêts les trois hommes si cela en vaut la peine. Une instruction verbale de votre part suffirait.
Conformément à vos instructions, le groupe de réflexion poursuit en toute sérénité son travail. Il est sur le point de rendre ses conclusions. Le rap-porteur, Daniel, qui nous a rendu une visite de courtoisie hier, nous a confié que les faits sont têtus. L’Occident nous a bel et bien retiré sa confiance. Le nouveau chouchou est Nguila Moungounga Nkombo. La pire des choses pour nous est que ce dernier et Kolelas restent très unis. Nos efforts pour les diviser ont été vains. J.C.N. devra d’ailleurs nous rendre des comptes sur l’utilisation de la forte enveloppe dégagée pour cette mission. D’après le S03, Moungounga se montre volontiers coopératif vis-à-vis de Kolelas et souligne toujours dans tous ses contacts « qu’il lutte la main dans la main avec Kolelas, le vétéran du combat pour la liberté ». Nous détenons la preuve de l’existence des échanges téléphoniques fréquents entre les deux personnes. Au risque de vous décevoir, notre plus jeu-ne indicateur insiste qu’il existe même une profonde complicité entre eux confortée par les échanges de leurs hommes sur le terrain.
Lissouba et Yhombi selon le groupe, semblent affectés par l’usure. Les éclaireurs en charge des deux hommes confirment ce constat. A l’étranger, Lissouba est mal aimé à cause de son arrogance et de son allure auto-suffisante. Cependant, il reste encore très populaire à l’intérieur. La consigne de l’Occident étant « Tout sauf Lissouba », nous devons concentrer nos forces contre Moungounga. Ne nous y trompons pas. A défaut du premier, les populations du Niboland se rangent en bloc derrière le second, la théorie du soutien utile jouant. Maître Mbéri et Boussoukou-Mboumba ne sont que les fantômes de Paul Kaya.Il nous faut aussi regarder maintenant du côté de Tamba-Tamba, afin de l’aider financière-ment s’il le faut dans sa lutte contre les ambitions hégémoniques de Moungounga. Pour cette mission, le doyen Maurice peut être très efficace par le biais de Nesmi.
Par ailleurs, les informations fraîchement transmises par notre sage méritent d’être traitées avec beaucoup de sérieux. Notre intuition nous dit qu’il faut craindre un rapprochement Moungounga-Bongou-Ndolou et Kolelas. Ce serait une aubaine pour l’Occident pour nous nous mettre hors-jeu sans difficultés, ayant enfin sous la main l’atout qu’il a tant recherché. Le cordon ombilical avec l’Occident étant Moungounga, il faut très vite le faire disparaître physiquement. Il faut doubler la mise pour que nos hommes en mission commandée à Paris arrivent enfin à lui ôter la vie. Auquel cas, à en croire les propos du S03 , Kolelas et lui trinqueront le champagne au Palais des Congrès avant la rentrée scolaire.
Imaginez-vous un instant tous ces tcheks et ces niboleks en fête dans les rues de Brazzaville et de Pointe-Noire et partout dans le Sud peut-être devant nos cadavres ou ceux de nos hommes ? Allons-nous offrir un tel spectacle aux Mbochi et à tous ces milliers d’autres Congo-lais qui vous ont tant aimé ? Nous devons faire montre d’extrême intelligence pour éviter une aussi humiliante et tragique fin de notre règne. Le moment de sortir la dernière carte pour déjouer tout le monde, y compris l’Occident et tous ceux qui rêvent d’un changement sanglant pour se venger ou s’emparer du pouvoir est venu.
Il s’agit tout simplement d’organiser votre démission depuis un pays étranger en passant le témoin au président du Sénat. Vous prononcerez un discours magistral devant la presse inter-nationale et les représentants des organisations internationaux dans lequel vous exposerez les raisons qui vont ont amené en votre qualité de Petit Gobatchev congolais à mettre un terme à la dérive de Lissouba. Votre but ayant été uniquement de recréer les conditions nécessaires pour un nouveau départ vers la démocratie. La date proposée par nos services est le 15 août 1999. Le pays de préférence est le Maroc ou à défaut le Sénégal. Les pays de l’Union européenne sont totalement exclus à cause du terrorisme intellectuel de gauche particulièrement musclé aujourd’hui. Le cas Pinochet en Angle-terre et celui de l’officier mauritanien extrait d’une école de formation et écroué en France sont suffisants pour nous éclairer. Notre tableau de comparaison indique que, de toutes les variantes de la fin de notre règne, celle-ci est la plus rationnelle. Elle a l’avantage d’amortir le choc de la violence en évitant le changement sanglant. Bien plus nos experts soulignent que vos rapports avec Monsieur Poignet ne sont pas mauvais. C’est un honnête homme, d’un âge très mûr, sans ambition présidentielle, qui peut se maintenir au-dessus de la mêlée et calmer le jeu. Nos partisans trouve-raient en sa personne un protecteur fiable. Il pourrait en quelque sorte être pour nous ce que l’a été Mgr Kombo pendant la Conférence nationale. Aidé par les organisations internationales, le président du Sénat organiserait alors les élections dans un délai raisonnable mais auxquelles vous ne seriez bien entendu pas candidat. Les FDU, sous votre direction, choisiraient de manière démocratique le can-didat à présenter. De cette manière, nous aurions déjoué tous les complots qui se trament dans les antichambres de Paris et Washington et surtout, fait fi à l’émergence de deux premiers héros nationaux tout feu tout flamme de l’après-mono. Moungounga et Kolélas. En réalité, leur héroïsme ne tire sa substance vitale que sur le champ de nos fautes. Une fois le vide créé, leurs mythes vont se fondre comme neige au soleil. Vos serviteurs avaient, depuis janvier 1977, pris l’engagement de vous servir et d’aller jusqu’au sacrifice suprême s’il le faut. Seul Dieu et vous-même pouvez juger de notre attachement à votre personne. Mais nous avons conscience que nous avons tenu et continuons de tenir parole. En retour, vous avez toujours su nous rendre l’ascenseur. C’est ce qui vous grandit devant Dieu. Quoi de mieux ? 22 ans passés à vos côtés ont fait de nous des hommes célèbres de ce pays. Nos familles et nous-même vous en resterons à jamais reconnaissants.
Nous aimerions cependant vous faire part d’une préoccupation d’une autre nature. La mort ne nous fait point peur. Nous savions à peu près tous les cas de figure qui nous attendaient en s’engageant à mettre fin à l’aventure de Lissouba et de Yhombi par la force. Nous y sommes préparés et sommes prêts à assumer toutes les conséquences. Mais ce qui nous torture dans tous les sens, c’est l’avenir de nos enfants qui risquent de payer à notre place.
Cette haine a déjà ôté la vie à plusieurs de nos garçons pendant que nous sommes encore nous-mêmes de ce monde. Qu’en sera-t-il quand nous aurons rejoint l’au-delà ? Nous avons la chair de poule dès que nous y pensons. Nous vous invitons à méditer profondément sur le sort de nos innocents que sont nos enfants.
A la lumière des informations apportées dans cette note, vous avez le choix entre deux démarches.
La première consiste à poursuivre le programme actuel. Cet-te démarche nous amène droit à l’escalade de la violence et à l’affrontement ouvert avec Moungounga et Kolelas, qui bénéficient du soutien moral de 80% de la population et d’une grande partie de la communauté internationale. Il n’est pas exclu que les milieux influents français qui ont retourné leur veste ne leur fournissent la logistique nécessaire. Le parcours de notre lutte dans le passé nous oblige d’en tenir compte. Notre probabilité de réussite vacille de haut en bas selon l’évolution de nos rapports avec Elf et Luanda d’une part et la capacité de manœuvre de nos deux adversaires d’autre part.
Nos officiers affirment en privé que nous ne parviendrons jamais à pacifier le pays par la force mais qu’il faut entretenir cet espoir pour continuer à percevoir l’effort de guerre. Ntsourou nous a fait la confidence que deux compagnies bien équipées de nos adversaires suffiraient à nous plier. Nos hommes sont beau-coup plus préoccupés par les pillages que par le combat. Au premier coup de feu, ils battent en retraite. Quand aux nombreux militaires qui nous ont rejoint, personne d’entre eux n’est prêt à donner sa vie pour sauver notre cause. Ils ne sont là que pour percevoir leur salaire. C’est même un danger pour nous car le jour j, ils se transformeront en agresseurs.
Cette démarche est très périlleuse pour nous. L’appréciation de la situation tactique et opérationnelle actuelle ne nous permet pas de conclure sur un succès soutenu contre nos adversaires. Bien au contraire, nous restons exposés à leur coup de force qui prendrait, en cas de succès, la forme d’une révolution avec toutes les conséquences inhérentes à tout changement violent. Nous aurons alors servi sur un plateau en argent la Gloire à Moungounga et à Kolelas.
La deuxième démarche consiste à nous détacher de l’influence des intégristes à la vision limitée et préparer minutieusement une sortie honorable grâce au scénario de la démission expliqué plus haut.
En notre qualité de Cellule Études et Stratégies, il est de notre devoir de vous présenter objectivement les avantages et les inconvénients de chaque hypothèse ainsi que leurs conséquences à court, moyen et long terme. Mais, en soldats et fidèles serviteurs, nous nous inclinerons sur le choix que vous aurez fait et combattrons jusqu’à l’épuisement de nos forces et jusqu’à la mort s’il le faut pour le succès total de notre cause.
Vous renouvelant l’expression de notre très profonde gratitude, nous vous prions d’agréer, Mon-sieur le Président de la République, l’hommage de notre respectueux dévouement.
Fait à Brazzaville, le 16 juillet 1999
Pour la Cellule Etudes et Stratégies Général de Brigade Norbert Dabira.