L’éducation des jeunes congolais devenue de plus en plus inégalitaire met en exergue la mauvaise politique du gouvernement congolais qui applique des saupoudrages de mesures qui tombent rapidement dans l’oubli et qui ont conduit à la fuite d’environ 8.000 enseignants de l’enseignement ces 16 dernières années.
Ce constat médiocre, voire mauvais, de cette politique mise en cause par l’UNICEF et d’autres organismes éducatifs, est le résultat d’une politique dangereuse et irresponsable menée depuis 1997. La grève observée par les enseignants et les élèves depuis le 25 février 2013 peut être interprétée comme un signal qui exige la reconstruction de l’école au Congo-Brazzaville et une reforme en profondeur de l’ensemble du système éducatif congolais. Les oppositions et revendications des syndicats de l’enseignement et des élèves reflètent probablement l’inquiétude générée par l’absence de perspectives lisibles et clairement exprimées par un gouvernement moribond dirigé depuis 16 ans par Denis Sassou Nguesso.
L’école est à reconstruire dans sa globalité
La reconstruction de l’école au sens large n’est pas seulement nécessaire, elle est indispensable si l’on veut que le dispositif d’enseignement puisse pleinement jouer son rôle tant dans la formation des jeunes générations que dans leur préparation à l’entrée dans la vie active.
Le monde éducatif congolais n’a donc pas tort de redouter le «scepticisme» ambiant qui plombe l’éducation paralysée par mille intérêts et injonctions contradictoires, lassée des pétitions de principe sans lendemain, minée par la lassitude de bon nombre de ses acteurs, l’éducation nationale congolaise semble, depuis longtemps, s’être déformée plus qu’elle ne s’est réformée. La fronde actuelle n’est pas seulement le résultat de la défaillance du système et action publique anarchique mais aussi une grave érosion du personnel éducatif, considéré, disons le sans prendre les gants, les laissés pour compte de la politique sociale et économique depuis une vingtaine d’année.
Une grève générale perturbe le déroulement des cours depuis le 25 février 2013 sur l’ensemble du territoire. Quelles sont les causes de cette grève générale? Quelles sont les pistes de solution pour régler l’ensemble des maux qui minent ce secteur ?
Comme nous avions coutume de le faire, nous n’agissons pas par pure volonté de critiquer mais bien dans l’esprit de susciter un réveil des consciences des politiques en place pour améliorer les conditions de vie de tout un peuple. L’éducation nationale a une grande part de responsabilité dans la décadence de notre société actuelle. Il faut aussi mettre fin à la culture de l’excuse qui disculpe d’office tout délinquant au nom du principe d’appartenance au clan.
Après 16 ans de règne sans partage, la politique éducative adoptée par les tenants de « la nouvelle espérance » et du « chemin d’avenir » est très disparate. C’est une malade continuellement sous perfusion et dont la santé se dégrade tous les jours. Par manque de volonté politique, aucun diagnostic global n’est proposé. Les maux que celle-ci souffre, en l’absence d’un diagnostic et d’un traitement de choc, à ce jour, cette septicémie est devenue cancéreuse et s’est propagée sur l’ensemble du territoire national. Seulement, les solutions prises sont biaisées et inadéquates. Cette situation conduit l’éducation nationale à s’enliser dans une descente vers sa destruction si l’on ne réagit pas. Nous sommes en présence d’une politique qui opère l’assassinat méticuleux de l’éducation nationale. Exiger les états généraux de l’éducation nationale serait un moindre mal devant l’ampleur de la décadence.
La question n’est plus d’épiloguer sur la léthargie de l’éducation nationale imposée par les choix contre-productifs de la politique aveugle du «chemin d’avenir».
D’année en année, discours après discours, on a tout entendu, on n’a tout promis « l’école pour tous », « l’éducation priorité nationale », « l’année de l’enseignement de base et de la formation professionnelle »… le constat est sans appel: la politique éducative est volontairement échaudée, comme d’ailleurs d’autres secteurs d’activité. Ne nous y trompons pas car ces annonces sont aussi vite oubliées à la même vitesse qu’elles ont été solennellement formulées.
Les flagrantes injustices condamnent les enseignants aux pires humiliations infligées par le cynisme d’un homme qui promet une chose en offrant son contraire. «Pour le gouvernement, il n’y a aucun doute que l’Homme est et demeure le noyau central de cette œuvre.» Denis Sassou Nguesso, discours à la nation du 31 décembre 2012.
Un discours au contenu vide qui manque de pertinence et d’ambition. Aurait-il oublié que l’homme au centre de cette action est l’enseignant qui a pour mission d’œuvrer l’instauration d’un climat favorable à l’apprentissage et à la réussite de chacun des élèves sur lesquels reposent l’avenir d’une société?
L’attachement profond des enseignants à leur mission de service public et de leur réelle volonté de s’investir pour que l’Ecole, le Collège, le Lycée et l’Université soient repensés dans leur fonctionnement, dans leurs structures et répondent ainsi aux attentes de nos concitoyens. Rien ne se fera au travers de seuls arrêtés ou circulaires, si au préalable n’est pas conduite une réflexion de fond impliquant tous les acteurs: enseignants, associations de parents d’élèves, collectivités territoriales, administration centrale ; car tous ces acteurs devront quoi qu’il en coûte s’engager. Une telle reconstruction ou réforme suppose que l’on remette l’essentiel à plat.
La réforme du système éducatif congolais, une nécessité impérative
Denis Sassou Nguesso et son gouvernement ont-ils omis sciemment d’initier une consultation sur la réforme de l’éducation nationale?
Se concerter, s’écouter, se comprendre sur la révision et l’évaluation de la réforme du système éducatif sur des grands axes seraient une avancée non négligeable: à savoir l’état des infrastructures, la surcharge des programmes d’enseignement obligatoire, la formation des formateurs, les conditions de scolarisation et l’égalité des chances de réussite, et la prise en charge de la modernisation de la gestion pédagogique et administrative des établissements scolaires, et enfin la revalorisation de la grille salariale des enseignants et des bourses d’études des étudiants en tenant compte des indices du niveau de vie de notre pays.
Cette volonté illégitime prônant à ne pas considérer la fonction d’enseignant entraîne des conséquences sociétales graves. Faut-il rappeler l’importance d’asseoir une politique relative aux enseignants ? Au moment où toutes les données dans la plupart des pays prônent à améliorer la qualité de leurs établissements scolaires pour mieux réagir aux attentes sociales et économiques de plus en plus élevées. Ceci en accordant une place de choix au corps enseignant, la ressource la plus significative et la plus précieuse au sein des établissements scolaires, est au centre des efforts visant à améliorer l’enseignement. L’amélioration de l’efficacité et de l’équité de l’enseignement passe en grande mesure par la capacité de faire en sorte que des individus compétents souhaitent enseigner, que leur enseignement soit de haute qualité et que tous les élèves aient accès à un enseignement de haute qualité.
Il est temps d’apporter des corrections à certains points et répondre à l’amélioration du niveau scolaire de l’élève et à la qualité de l’enseignement et au rendement scolaire.
La qualité de l’enseignement n’est pas uniquement déterminée par la «qualité» des enseignants, bien qu’elle constitue évidemment un facteur critique, mais aussi par l’environnement dans lequel ils travaillent. Les enseignants compétents ne réalisent pas nécessairement toutes leurs possibilités dans un environnement qui ne leur offre ni le soutien dont ils ont besoin, ni des défis stimulants et les récompenses appropriées. Les politiques destinées à attirer et retenir des enseignants compétents doivent permettre de recruter des individus de valeur dans la profession, mais aussi d’assurer le soutien et les incitants indispensables au perfectionnement professionnel et à l’obtention constante de bons résultats. Les initiatives politiques sont nécessaires à deux niveaux. Le premier niveau concerne la profession d’enseignant dans son ensemble et vise à améliorer son statut et sa compétitivité sur le marché du travail, ainsi que la formation de l’enseignant et les environnements d’apprentissage. Le second ensemble de stratégies est plus ciblé et s’occupe d’attirer et de retenir certaines catégories d’enseignants et d’attirer des enseignants à travailler dans certaines catégories d’établissements scolaires.
Ne pas percevoir ces priorités c’est une imprudence condamnable proche de l’incitation au suicide de toute une société. Car elle y va de l’avenir d’une génération.
Il ne s’agit pas seulement d’un problème d’augmentation salariale, tant bien même cette revendication dépasserait largement le cadre de la légitimation. C’est toute l’éducation qu’il faut refonder, reposer. Aussi légitime soit-elle, cette réflexion nécessite au préalable de tirer le bilan de l’éducation congolaise depuis plusieurs années. Cet arbitrage entre l’urgence du changement et l’élaboration d’un vrai projet scolaire est courageux et méritoire. Mais périlleux, dans une société aussi impatiente de résultats que défiante à l’égard de l’action politique. La liste est longue, en effet, des sujets qui fâchent et qui ont été éludés.
Enfin, autant que cette réflexion sur l’éducation est le reflet de la société Congolaise. Le miroir de ses inégalités et de ses individualismes, le sismographe de ses tensions et de ses crispations. Vouloir réinventer, non restaurer, son autorité et sa légitimité suppose un projet de société. A elle seule, elle ne peut en tenir lieu.
Ainsi la nécessité de la convocation des états généraux de l’enseignement ou une grenelle de l’éducation nationale s’impose.
L’ambition d’éducation responsable c’est aussi la refondation de l’Université avec en toile de fond la priorité qui sera faite, sans état d’âme, mais avec une exigence totale sur l’amélioration et la construction des infrastructures, la formation des enseignants, la revalorisation du métier d’enseignant, l’adaptation des enseignements par des méthodes modernes et surtout orientées vers l’ouverture à l’échange culturel inter-africain.
L’université de demain doit penser à former le Congolais qui pense Congo et raisonne Congo et s’investit pour le Congo avant de penser s’ouvrir vers l’extérieur. Un Congo culturellement indépendant peut être celui qui apportera aux générations futures l’estime de soi et le respect d’appartenir à un pays où il serait décomplexé de toute frustration. C’est là tout le sens de notre ambition d’éducation responsable. Seulement pour atteindre cet objectif, il nous faut adapter nos structures actuelles par une vraie politique universitaire. Une politique qui allie innovation, technologique, connaissance moderne mais surtout l’utilisation de tout l’espace congolais pour en tirer davantage des ressources propices au développement.
Il n’est pas concevable qu’un pays comme le nôtre ayant autant des cadres de valeur dans toutes les régions ne puisse pas utiliser l’avantage naturel que lui offrent les richesses naturelles régionales. Nos régions regorgent plein de matières qui suscitent des études, des recherches afin d’en extraire le profit qui mènerait ces dernières sur le chemin du développement. L’absence des structures d’études de pointes freine grandement l’essor des cadres et ralentisse dangereusement l’éclosion de ces régions. Ne pas promouvoir et soutenir un tel projet, celui de la création des pôles universitaires régionaux est une erreur de jugement que nous dénonçons.(1)
Il y a lieu de cerner les causes qui ont donné lieu aux dysfonctionnements enregistrés dans le système éducatif pour apporter les changements nécessaires et fixer les priorités dans le cadre de la finalisation de la réforme du secteur éducatif, Car l’essence et les objectifs de la réforme restent immuables et hors d’atteinte.
La convocation des «états généraux de l’éducation nationale» ou «une grenelle de l’ensemble du système éducatif» est une halte impérative qui s’impose au Congo-Brazzaville.
L’objectif étant de donner souffle et cohérence pour la renaissance ou la réforme tout en prenant en compte les points positifs pour sa promotion et les points négatifs pour y remédier.
Si l’on veut bien considérer qu’une réforme du système éducatif menée de manière cohérente engage le pays sur une durée de deux à trois générations, il faut alors s’abstenir de pratiquer un saupoudrage de mesures qui, en admettant qu’elles aboutissent, finiront par tomber rapidement dans l’oubli. Qu’elle soit «une convocation des états généraux de l’enseignement» ou «une grenelle de l’éducation nationale au Congo».
Une telle ambition ne peut faire l’économie d’une concertation et d’un travail approfondis, quel que soit le nom que l’on veuille lui donner.
Jean Claude Beri, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.
* Projet: la réhabilitation de l’école publique (consultable uniquement par les membres du DAC)
(1) L’université de Brazzaville : La nécessité de décongestionner