Par : Hervé MAHICKA
La communauté internationale exige un dialogue inclusif aux congolais, prélude à toute régularisation notamment avec les institutions financières. Mais pas que. Le Congo est en effet devenu un pays infréquentable sur la scène internationale, car il représente cette Afrique du XXe siècle qui fait honte : improductif, avec une classe politique kleptocratique, ses prisonniers politiques, ses potentats qui règnent en famille, ces guerres tribales d’un autre âge, ses frontières fermés aux dissidents. Il n’y a pas un seul média du monde libre qui en dit du bien, et cela a d’énormes conséquences. Le pouvoir ignore-t-il ces maux et les solutions adéquates à prendre pour n’entendre raison que lors d’un dialogue avec des opposants illuminés? J’en doute.
Ce qui est reproché à ce pouvoir (gabegie, trucages électoraux, violences politiques, clientélisme, exclusion …etc) a été organisé en toute conscience, volonté et stratégie de sa part. Monsieur Sassou n’a pas été trompé par ses juristes quand il n’a pas respecté la non reconductibilité de son second et dernier mandat en 2016. Ce n’est pas une erreur comptable qui a abouti a le déclarer vainqueur d’une élection à minuit alors que les chars tenaient le peuple et les autres candidats en respect.
Ce n’est pas un problème de cartographie périmée de l’état-major qui serait à l’origine du massacre des populations du Pool. Alors on ne peut pas dire qu’il n’attendrait que de géniaux opposants capables de lui expliquer dans un dialogue ce qui leur aurait échappé pour mieux faire. Conscient de ces faits, quel est le fondement objectif d’un dialogue ?
Sauver le soldat Sassou par une parodie d’union nationale derrière lui ? Lui faire ouvrir les vannes pour que certains passent à la mangeoire ? Si le peuple laisse encore ce genre d’arrangements dans son dos, c’est qu’il ne souffre pas en réalité.
La libération de tous les prisonniers politiques est un préalable. C’est évident. Mais si le pouvoir garde toute la puissance arbitraire de remettre dernière les barreaux tous ceux qui s’opposeront frontalement à lui, d’autoriser seulement les partis et groupements qui l’arrangent, d’écraser les manifestants à la moindre contestation au nom de la fameuse sûreté de l’Etat, voire de transformer des opérations de police en massacres à l’arme lourde à l’encontre d’une région, que peut bien valoir la garantie d’un dialogue dans de telles conditions, tant dans son caractère inclusif, dans sa liberté de déroulement, dans l’équité des propositions que dans le respect de ses conclusions ? Zéro! Même ses propres dialogues (Ewo, Sibiti, Ouesso etc…) où tout est fait pour lui plaire ne sont pas respectés. Combien de fois, ceux qui le contraindront ? Pourquoi alors donner le faire-valoir d’une assemblée de dupes consentant, la peur au ventre ou les âmes vendues d’office ?
Ainsi, le cadre juridique du dialogue ou de la concertation est le préalable des préalables. Nous voulons qu’on libère les prisonniers politiques sans délai, mais pas en laissant tout l’arbitraire qui permet au pouvoir de vous y renvoyer dès qu’on a déplu à monsieur untel. Ce cadre vaudra aussi pour la portée de ce qui découlera de l’échange d’idées (dialogue ou concertation), sinon on aura parlé pour rien.
Il est alors nécessaire que les instigateurs dudit dialogue (la fameuse communauté internationale) sortent du bois pour assumer leur arbitrage. Ils doivent faire partie d’un bureau de médiateurs et garants, qui sera composé de congolais aussi (seule l’Eglise catholique en a l’étoffe aujourd’hui en réalité) ainsi que des cabinets de haute facture garants des méthodologies retenues. Ainsi, des propositions des uns et des autres, qu’ils soient transmis par mail, par discours audio…) sortira un canevas de redressement national qui de toutes les façons devra correspondre aux standards internationaux de gouvernance. Quant à l’inévitable gouvernement qui devrait conduire les réformes, il faudra proposer ses modes de sélection, en évitant au maximum les sauces politiciennes pour le partage du gâteau, ce qui est toujours au détriment du peuple et des caisses publiques.
En conclusion, si il y’a un cadre juridique juste et une médiation crédible ayant la puissance de garantir le déroulé et l’arrivée à bon port des résolutions, c’est au médiateur qu’il faudra s’adresser et la concertation produira ces effets. Au cas contraire, c’est un coup d’épée dans l’eau.
Hervé MAHICKA