Congo-Brazzaville: Etat d'urgence, l'eau potable pour tous

La survie des femmes et des hommes sur notre planète dépend de leur faculté de reproduction. En plus de cette faculté, ils doivent être dotés des moyens de défenses, pour échapper aux adversités qu’ils pourraient rencontrer au cours de leur existence.

En ce qui concerne les Congolais, une éducation adéquate, des soins de santé appropriés, un logement répondant aux normes d’hygiène, de la nourriture, de l’eau en quantité suffisante et enfin  l’emploi  constituent les éléments essentiels à leur survie et leur épanouissement. Tout cela réunis bien entendu dans un environnement sain et aseptisé de toute violence.

Le Congo possède un vaste réseau de cours d’eau, qui constitue la cuvette congolaise. Le pays compte une dizaine de grandes rivières et deux grands fleuves (le Congo et le Kouilou-Niari), une trentaine de cours d’eau d’importance non négligeable et de nombreux petits cours d’eau secondaires.

Plus de deux tiers de la population se concentre dans les centres urbains. Brazzaville et Pointe-Noire représenteraient à elles seules plus de la moitié de la population totale du Congo. Il est à noter que près de 75 % de Congolais croupissent dans la pauvreté dont 58% d’enfants congolais qui sont également affectés par la pauvreté et souffrent de privations monétaires, mais aussi, en terme d’accès à l’éducation, la nutrition, la santé, à l’eau et à l’assainissement et à une habitation adéquate. De nombreux congolais survivent avec moins de 150 francs CFA par jour et par personne. 91% de Congolais conservent l’eau dans les bidons de 25 litres compte tenu de l’éloignement des points d’eau et sont obligés en zone rurale par exemple de parcourir plus de 5 à 8 kilomètres parfois pour s’en procurer.

Le gouvernement réalise actuellement des travaux d’agrandissement de l’usine d’eau de Djiri et à la construction des unités de potabilisation d’eau « potabloc » à Djiri, à Kinsoundi et à Pointe-Noire. Le ministre en charge de l’eau, Bruno Jean Richard ITOUA, a révélé qu’il y aura à court terme abondance d’eau potable à Brazzaville et à Pointe-Noire. Comment parler de « conditions économiques acceptables pour tous les Congolais », quand la conjugaison des inégalités sociales et territoriales rend la charge d’eau des moins fortunés insupportables ? Selon le PNUD, la part des dépenses d’eau et assainissement au sein des revenus des ménages ne devrait pas dépasser 3%, car au-delà, elle deviendrait inabordable. Pourtant, pour 75% de Congolais qui vivent dans la pauvreté, ce seuil maximal est largement dépassé depuis bien longtemps déjà. Toutes ces inégalités sont un affront manifeste au principe d’égalité qui doit être au cœur de notre République et qui doit irriguer l’ensemble de notre droit.

Les Congolaises et les Congolais doivent pouvoir accéder dans des conditions équivalentes aux droits que la République garantit. Le droit à l’eau ne doit pas faire exception.

C’est dans ce contexte qu’il est urgent d’inscrire le droit à l’eau dans le droit congolais. Aucun Congolais ne doit être exclu du bénéfice d’un service public de l’eau en raison des handicaps physiques, économiques ou autres. La solidarité que nous prônons sans cesse entre tous les congolais ne doit absolument pas laisser d’autres congolais au bord de la route. La situation esquissée ci-dessus met pourtant en évidence le fait que, selon leur niveau de revenu et leur lieu de résidence, de nombreux Congolais n’ont pas accès à l’eau potable. Il est donc temps que SASSOU NGUESSO et son Gouvernement puissent établir l’égalité républicaine. Pour cela, il est impératif de donner enfin corps au droit à l’eau potable pour tous les Congolais. Il faut l’imprimer plus nettement dans notre système juridique. Le droit à l’eau sera opposable aux municipalités, aux collectivités territoriales et à toutes sociétés publiques ou privées qui auraient la charge de la gestion de l’eau. Par exemple, toute municipalité sera tenue de créer un réseau de bornes-fontaines ou de creuser un puit communal dans tout nouveau quartier.

La loi érigeant le droit à l’eau déterminera les autorités publiques responsables de sa mise en œuvre et fixera des obligations de résultats à cet égard. Le droit à l’eau n’aura qu’un usage domestique et exclure tout usage professionnel.

Le préambule du droit à l’eau devra stipuler que dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l’usage de l’eau appartient à tous les Congolais et tout citoyen, pour son alimentation et son hygiène,  le congolais a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous.

La loi devra prévoir des mécanismes pour pallier aux difficultés de paiement de leurs charges d’eau potable par les usagers les plus démunis. L’expression « droit à l’eau » sera qu’une forme condensée du droit inscrit dans la loi et il serait abusif de prétendre que ce droit concernera, par exemple, l’accès à l’eau d’irrigation. Concrètement, il faudra autoriser les personnes non desservies par un réseau d’eau potable à se servir à une source d’eau potable située dans la commune. Il ne sera plus permis de couper l’eau à nos compatriotes qui ne sont pas en mesure de la payer sans prévoir une solution de remplacement. Ainsi il devra créer les Fonds de solidarité pour l’eau (FSE) devront intervenir pour aider les personnes démunies à ne pas manquer d’eau. Le FSE sera financé par les budgets municipaux et départementaux. Un prélèvement de 1% par exemple sur chaque facture ira alimenter ce fonds.

Le droit à l’eau visera chaque personne physique et non pas chaque abonné , ce qui permettra d’y voir un droit individuel. Il concernera une quantité minimale d’eau potable destinée à la satisfaction des besoins essentiels : alimentation et hygiène. Cette eau potable ne doit pas être inaccessible, c’est-à-dire trop éloignée. Son prix ne doit pas être déraisonnable puisque l’eau doit être accessible à des “conditions économiquement acceptables par tous”.

On notera l’importance attachée à la question du prix de l’eau, c’est-à-dire du prix des services de l’eau et de l’assainissement y compris les taxes et du prix des branchements aux réseaux. Le prix du branchement devra être inférieur ou tout au moins être accolé à l’indice national des prix et de la consommation.

Autres mesures de mise en œuvre du droit à L’eau.

Le droit à l’eau vise à rendre le prix de l’eau abordable pour tous les Congolais, faciliter le paiement de l’eau et de l’assainissement, éviter les coupures d’eau pour cause d’impayé et veiller à ce que tout Congolais ait effectivement accès à l’eau potable.

-Des tarifs réduits pour l’eau des Congolais démunis. -Éviter les coupures d’eau aux Congolais démunis. -Mieux prendre en charge les dettes d’eau des ménages démunis (FSE)-Autoriser les usagers démunis à répartir (étalement) le paiement de l’eau sans frais supplémentaires et sans pénalités diverses. -Réduire le prix de l’eau potable indispensable à la vie. En contrepartie, augmenter le prix des consommations d’eau importantes. -Ne pas couper l’approvisionnement en eau des usagers vulnérables de bonne foi.-Détailler les cas où une coupure d’eau en cas d’impayés d’eau peut être ordonnée sur décision d’un tribunal. Préciser, le cas échéant si le maire peut suspendre une mesure de coupure proposée du fait de la situation de précarité de l’usager. La liste des cas d’interdiction de coupure d’eau(nourrissons, personnes dépendantes, vendredis et veilles de fêtes, etc.) mériteraient d’être rendue obligatoire. Lorsque le maire est alerté d’une éventuelle coupure d’eau, il doit se renseigner pour savoir si l’usager est en situation de précarité et faire éventuellement la demande de suspension de la coupure proposée. Dans chaque mairie, créer des cellules de communication et d’information de gestion des dossiers d’impayés.-Maintenir un approvisionnement minimal en eau. Prévoir qu’en cas de coupure éventuelle d’eau, la SNDE s’assure au préalable de la disponibilité d’un approvisionnement minimal en eau. -Autoriser le rebranchement au réseau dès qu’une part substantielle de la créance est réglée. Prévoir le rebranchement sans délai sur demande de l’usager à condition que les preuves de la situation de précarité aient été fournies, qu’un échéancier de remboursement ait été signé et qu’une partie de la dette ait été payée par l’usager.-Donner accès à l’eau potable dans les zones rurales. Déterminer dans chaque municipalité et collectivité conformément à la loi les zones à desservir en eau potable et adopter, le cas échéant, un plan de travaux d’extension du réseau de distribution. Veiller à ce que chaque habitant non desservi puisse pendant toute l’année se servir en eau potable à une borne-fontaine ou source communale ou rurale d’eau potable en un lieu aisément accessible -Équiper les marchés, les jardins publics et les gares, ports et aéroports de fontaines publiques et des sanitaires. Une redevance communale pourrait être perçue pour l’utilisation des sanitaires et la fourniture de l’eau dans les marchés, gares, ports et aéroports.

-Donner accès à l’eau et aux toilettes modernes aux Congolais marginaux. Mettre à disposition des populations marginales des dispositifs pour répondre à leurs besoins essentiels dans le secteur de l’eau et de l’assainissement : bornes-fontaines, toilettes gratuites, accès à des salles d’eau, etc.

L’eau insalubre et le manque d’assainissement sont les principales causes de décès, de propagation des maladies hydriques (typhoïde, amibiases, paludisme, vers intestinaux, etc.) et constituent de ce fait un handicap majeur au développement économique et social du Congo. L’accès et le droit à l’eau potable pour tous les Congolais permettront d’atteindre les objectifs du millénaire. L’admission du Congo au PPTE pourra être l’occasion d’éradiquer la pauvreté devenue endémique, de faire la preuve de bonne gouvernance, l’amélioration des services de base. Je souhaite vivement que la décentralisation puisse conduire à l’autonomie financière des régions afin qu’elles contribuent à asseoir de véritables économies régionales, fondement d’un développement durable.

Bernard KOKOLO et Jean-Claude BERI