Tandis qu’il cherche à protéger les siens, le président du Congo-Brazzaville Denis Sassou-Nguesso fait face à une crise de Leadership liées à des difficultés financières inédites.
Par la signature par Denis Sassou-N’guesso d’un décret, 2016-238 du 20 août 2016, la « Maison Militaire du Président de la République » a été remplacée par un « Etat-major particulier du Président de la République ». Mais le Chef de l’Etat congolais tarde à nommer les membres qui animeront ledit Etat-major particulier.
Dans le cadre de ce nouveau décret présidentiel, des personnalités comme Jean Batispte Ondaye et Benjamin Boumakani, ont été maintenues respectivement aux postes de Secrétaire Général de la Présidence de la République et Secrétaire Général du Gouvernement. Mais en ce qui concerne l’Etat-major particulier du Président de la République, où devraient être soit démis, soit confirmés, l’Amiral Pierre Ngombe, le Général Nianga Mbouala Ngatse ou encore le Colonel Serges Oboa, rien n’a été décidé. Et pour cause, selon certaines indiscrétions, le pouvoir voudrait mettre ces officiers à l’abri au cas où le conflit armé dans le Pool déboucherait sur d’éventuelles poursuites judiciaires.
En effet, confie un homme très proche du pouvoir, « il suffira que le gouvernement démontre, que sur le plan juridique, la structure Maison Militaire du Président de la République avait été totalement dissoute avec l’avènement du décret 2016-238 du 20 août 2016. De ce fait, Serges Oboa et compagnie, n’étaient plus en fonction au moment du conflit armé dans le département du Pool ». C’est sans compter avec un autre fait, poursuit notre source, « tous ces gens, à commencer par le Président lui-même, ne signent jamais des ordres opérationnels ». Et, il en serait le cas pour l’essentiel des opérations militaires menées dans le département du Pool. Où, selon les activistes des Droits de l’Homme, des officiers de la garde présidentielle et républicaine, s’adonnent à des crimes crapuleux et imprescriptibles, détruisent des habitations et brûlent des villages entiers, sans se soucier de savoir si des gens s’y trouvent ou pas.
« Nous ne sommes pas prêts à mourir pour Sassou »
La traque du Pasteur Ntumi a quant à elle été confiée à une unité mixte, spéciale, essentiellement composée d’éléments de la réserve ministérielle de Tsambitso, de la garde présidentielle et du GPC. Unité directement sous le commandement de Denis Sassou-N’Guesso lui-même, avec pour relais sur le terrain, le colonel Serges Oboa, lequel est par ailleurs Directeur général de la sécurité présidentielle (DGSP). Le modus operandi de Sassou et ses lieutenants consiste à centraliser toutes les informations relatives à cette traque à la présidence de la république. Une fois que le Pasteur Ntumi est aperçu ou localisé à un endroit donné, cette unité spéciale, composée de parachutistes, est mise en route. C’est ainsi, qu’un jour de mi-octobre 2016, les éléments de la garde présidentielle ont fait irruption dans une des cachettes du Pasteur Ntumi, en pleine forêt, où ils affirment avoir trouvé des tentes, des ustensiles de cuisine, des plaques solaires… Visiblement, le Révérend Pasteur Ntumi venait juste de quitter les lieux.
Selon un sécurocrate très proche du pouvoir, le Président Denis Sassou-N’guesso a demandé à ses officiers d’employer la même méthode qui leur avait permis dans les années 80 de mettre la main sur un autre frondeur, Pierre Anga. Ce dernier était également retranché à Ikongono, sa contrée d’origine, où les populations refusaient de le livrer. Pour contourner cette difficulté et, surtout, celle d’un renseignement fiable, l’Armée s’était mise à fouiller de fond en comble toutes les forêts environnantes jusqu’à ce que, par pur hasard, le fugitif soit retrouvé et abattu. Instruction a donc été donnée, s’agissant du cas Ntumi, de fouiller entièrement et sans distinction toutes les forêts du département du Pool et celles à proximité.
Sassou a désarmé l’essentiel des casernes militaires
D’après une information qui a filtré dans les hautes sphères, Denis Sassou-N’guesso serait confronté à un problème de commandement dans la guerre du Pool. Les cadres militaires formés refusent, selon cette information, de participer à la traque de l’ancien ministre. Pour cause, jusqu’à ce jour bon nombre desdits cadres n’ont pas reçu les grades et autres traitements tant promis après services rendus. « Nous ne sommes pas prêts à mourir pour Sassou, en tout cas pas pour un pouvoir aussi ingrat, où le privilège est donné à la tribu régnante », soutiennent-ils à mi-voix dans les casernes militaires et à l’Etat-major général des FAC. Sassou, spécule-t-on, a bien équipé sa réserve ministérielle de Tsambitso, ses gardes présidentielle et républicaine au détriment des autres composantes de la Force publique. Comme si cela n’était pas assez, Sassou a désarmé l’essentiel des casernes militaires, soit disant, parce que « Le président redoute un coup d’Etat de la part de l’Armée », susurre-t-on dans certains salons feutrés de la capitale congolaise. Autre fait, qui pousse actuellement le Président Sassou à ne plus faire confiance aux hommes en treillis, c’est qu’il a été largement battu dans toutes les casernes militaires par le général Jean Marie Michel Mokoko lors de la présidentielle de 2016.
Selon une information répandue à Brazzaville, en marge de cette élection, Mokoko aurait également pris attache avec beaucoup d’officiers qui tiennent l’appareil sécuritaire du pays en mains. Du coup, ces derniers temps le Président congolais se méfie presque de tout le monde, redoutant un coup d’Etat de palais. Les relations entre le président congolais et le Chef d’Etat-major général des FAC, Guy Blanchard Okoï, ne seraient plus au beau fixe. Et même si certains officiers balayent d’un revers de la main cette thèse et affirment qu’il n’en est rien, c’est un secret de polichinelle. Chacun sait que Sassou se passe de plus en plus du Chef d’Etat-major général des FAC et s’appuie essentiellement sur le Chef des Opérations militaires, le Général Ossélé. S’il est un autre officier général qui se trouve en ce moment même dans le viseur du Président Sassou, c’est bien le général Nianga Mbouala Ngatsé, accusé à tort ou à raison de haute trahison, par ses détracteurs qui se recrutent au sein même des Forces Armées Congolaises et qui font des fiches contre lui. Quoi que l’on dise, une chose est sûre, dans ce nouveau duel militaire qui oppose Sassou à Ntumi ce n’est pas l’Armée de façon unifiée et unanime qui mène les combats dans le département Pool.
Des difficultés financières pour poursuivre la guerre dans le Pool
Qui plus est, en cette période de vaches maigres, pendant laquelle l’Etat congolais a du mal à boucler son budget (exercice 2017), la guerre du Pool coûte très chers. Les militaires consignés pour la traque de Ntumi passent parfois toute une semaine sans avoir perçu la moindre prime. Raison pour laquelle ils sont contraints de recourir au racket. Pis, les ukrainiens chargés de piloter les hélicoptères de combat, accusent un grand retard de paiement de leurs salaires. A ce propos, faute de budget, lesdits hélicoptères n’ont pas été révisés et entretenus depuis là. En plus, pour les techniciens de la garde présidentielle et républicaine, il faut continuer à renforcer le dispositif militaire dans le Pool pour mettre la main sur le Pasteur Ntumi et, surtout, pour protéger Brazzaville d’une autre incursion des ninjas-nsiloulou. Pour les financiers de l’Armée, il n’y a toutefois pas assez d’argent dans les caisses de l’Etat pour entretenir les contingents militaires dans le Pool. Ces derniers réclament de diminuer les effectifs. D’où, la forte tentation du pouvoir de négocier avec le Pasteur Ntumi. Lequel se trouve lui aussi en difficulté puisqu’il n’a pas les moyens militaires de sa rébellion. Par-dessus tout, la capacité de chasser réellement Sassou du pouvoir. Il n’est un secret pour personne que dans l’actuelle guerre du Pool, le Pasteur Ntumi joue plus à la défensive qu’à une offensive à proprement dit contre le pouvoir établi.
Guy Milex M’BONDZI