Le talent ne suffit donc plus. Désormais, il faut bien plus ! Quelque chose qui soit de l’ordre du génie créatif d’une pensée intellectuelle et politique novatrice et qui porte les germes d’une révolution des mentalités, dans une société qui s’assume. L’évolution du contexte général africain au cours de ces vingt dernières années est marquée par l’apparition d’exigences nouvelles avec le renouvellement de la frange de la population la plus nombreuses constituée des jeunes de moins de 25 ans représentant jusqu’à 70% de la démographie. L’interconnexion qui est l’une des conséquences de la troisième révolution de la civilisation du capitalisme dominant transforme le monde à une vitesse telle, que les acteurs politiques et sociaux, ou encore ce qui tient lieu d’élites africaines en position de responsabilités publiques, semblent débordées et en perte de repères. Le monde a changé plus vite ces deux dernières décennies que pendant le siècle qui l’a précédé. Les référentiels de même. En Afrique, il y a encore peu de temps, l’individu ordinaire consultait un charlatan pour trouver réponse à une difficulté existentielle. Aujourd’hui, au moyen d’un téléphone intelligent bon marché, le réflexe tend à lancer une recherche sur internet pour décrypter l’information et en dégager la substance grâce à la formidable base de données qu’offrent les réseaux connectés. On peut ainsi aisément comprendre le désappointement, le trouble de certains acteurs politiques africains qui ne peuvent plus suivre le monde dans lequel ils vivent, au point que profitant d’une position de pouvoir, ils en soient encore à envisager, pour leur confort, de jeter aux orties, sous de fallacieux prétextes, une Constitution désavantageuse devenue gênante. Le débat sur le sort d’une Constitution au Congo ou ailleurs sur le Continent noir est un enjeu de civilisation. Mais aussi, un enjeu de paix et de développement qui se définissent dans un contexte international de crise du modèle occidental, comme un besoin de recentrage des préoccupations de nos sociétés autour du Citoyen, conscient de sa place et de son rôle dans tous les processus de réalisation personnelle, du point de vue intellectuel, culturel et morale. Aussi, se doit-il (le citoyen) de peser sur les dynamiques collectives, telles que l’affirmation du choix démocratique des Etats et des structures sociales, de la promotion des solidarités indispensables dans un contexte de mondialisation, qui foncièrement, exclu les plus faibles.
La fin des certitudes
Le mythe du pouvoir éternel fondé sur l’argument de la force et de la peur est en train de s’effondrer. Sur la foi d’une série de certitudes héritées de la période post-coloniale, les réseaux de pouvoirs réfractaires à l’évolution démocratique des Etats en Afrique ont travaillé et réussi à maintenir les sociétés dans un flou obscurantiste et sous le joug des régimes autoritaires aux antipodes des valeurs prônées en ce siècle (de l’Internet), qui sont l’équité, la justice sociale, la liberté d’expression, l’épanouissement personnel, etc… L’instauration d’un climat de peur comme moyen de régulation de la violence des institutions de nombre de pays et l’ignorance du droit par des populations résignées, est un écran de fumé qui, sous la pression d’une pauvreté de plus en plus insupportable se volatilise. L’émergence d’un monde toujours plus global qui banni les frontières, laisse place à l’engagement collectif face aux dictatures et ne permet plus d’opprimer et d’exploiter en silence et en toute impunité. Les armées qui autrefois ont constitué la dorsale stratégique de gestion et de répression ont atteint les limites de leur capacité à organiser des Etats. Pour s’arrimer à la modernité, il est désormais nécessaire d’obéir à des processus de transformation exigeants dans un monde, lui-même complexe, qui appelle davantage à la compétence des acteurs pour relever les défis de notre époque. Le piège tribal, poussé à l’extrême, révèlent à travers la surchauffe sociale et politique qu’il a engendré dans le cas du Congo de ces dernières décennies, un risque évident d’éclatement de la bulle ethnocentriste entre des communautés qui n’ont pas réussi, au regard de leur vécu, à intégrer le sens profond du principe d’appartenance à un Etat-Nation. Le tripatouillage récurrent des lois et son corollaire de contradictions, la violation systématique des règles établies rendent indigeste la pratique d’une citoyenneté dévoyée ou tronquée pour des générations nées après les indépendances des Etats africains et qui comprennent, sans doute mieux que leurs ainés, que l’avenir du Continent ne peut se concevoir hors de la sphère du Droit. C’est le pari de la légalité républicaine, laquelle légalité puise sa légitimité dans la Conscience Libre et démocratique du Citoyen, produit de son époque. L’évidente faillite de l’Etat, particulièrement au Congo-Brazzaville, sonne le glas d’un système de gouvernement dont l’échéance fatidique correspond à la fin de mandat constitutionnel de l’actuel Présidence de la République, prévue en août 2016 et qui fait débat.
Les données du problème
Au-delà des intentions portées à hue et à dia par l’actuel pouvoir de vouloir changer la Constitution du 20 janvier 2002, tout porte à croire, sauf cataclysme ou cas de force majeure, que cette éventualité présente une probabilité de mise en œuvre quasi-nulle. Dans la mesure où, le pouvoir de Brazzaville se montre rationnel, il ne dispose plus (ou pas) de toutes les cartes en main pour réaliser cet objectif. Sauf à vouloir expérimenter la théorie du chaos. Les gesticulations auxquelles sommes-nous soumis de la part du Parti majoritaire au pouvoir (le PCT) relèvent plus de la diversion et de la propagande, -sa véritable marque de fabrique- que d’une stratégie frontale de conservation de pouvoir. Cependant, peut-on observer avec une curiosité étonnée, l’absence d’une réflexion stratégique intelligente des forces qui se proclament de l’opposition face à une mécanique d’autodérision distillée par un régime dont l’impopularité et le rejet sont à la hauteur du ras-le-bol général visible à l’œil nu et que personne (dans la population) ne sait plus dissimuler. Le problème aujourd’hui, c’est plus l’opposition (ou ce qui en tient lieu) en manque d’inspiration et de savoir-faire, moins le pouvoir en place. Il apparaît à la vérité, un besoin urgent de leadership bien affirmé et assumé pour relever le défi. Force est de constater que le contexte international n’a jamais été aussi favorable pour un changement qualitatif dans quelques pays africains, dont le Congo-Brazzaville, en bénéficiant du soutien officiel sans ambiguïté des USA, de plusieurs pays de l’Union Européenne, opposés à toute initiative visant à modifier les règles constitutionnelles établies aux fins de conservation personnelle de pouvoir à la tête des Etats.
Une opportunité à saisir, pour quelle stratégie ?
Il n’est de stratégie qui vaille dans le contexte actuel si elle ne prend en compte dans l’ordre des priorités l’établissement d’un rapport de force politique qui repose sur deux piliers : ü La confiance de la population dans une parole politique crédible Condition sine qua non pour reconstruire le lien affectif indispensable entre la population congolaise et la classe politique en rupture de ban depuis la mise en coupe réglée de la promesse démocratique et du bien-être collectif non tenus par les principaux animateurs élevés à tort ou à raison au rang de leader charismatique de la période post-conférence nationale souveraine de 1991. ü La maîtrise d’une communication politique professionnelle, La politique est bien l’art de la persuasion et de partage de conviction entre des acteurs émetteurs/récepteurs appelés à faire chemin ensemble dans le cadre d’un projet politique porteur d’espérance, par le biais de la communication. La modernité et la diversité des moyens de communication disponibles impliquent de la part des acteurs politiques, une grande maîtrise des techniques et surtout des langages pour atteindre avec efficacité les populations aussi variées en quête de sens et de bonheur à partager. Aussi, les démocrates et les forces nouvelles se doivent impérativement d’établir des passerelles de dialogue constructif, entre-eux. L’enjeu consiste à construire une idée claire et compréhensible du débat autour de ce que les forces vives doivent convenir avec le pouvoir de Brazzaville en termes de processus qui devra conduire le pays vers la prochaine élection présidentielle. L’enjeu est de taille pour ne pas prendre le risque de dispersion inutile. Peu importe la façon dont voudrait-on nommer la démarche à faire : dialogue, concertation, discussion, assises ou tout autre format. C’est du contenu et surtout de la finalité qu’il s’agit bien de maîtriser.
La transparence, une exigence incontournable !
La subtile tactique de gestion du temps par le parti au pouvoir a fini par avoir raison de la patience du microcosme politique allant jusqu’à se crêper le chignon, y compris sur des principes qui aurait pu faire consensus parmi les opposants. Le dialogue, par exemple, est une vertu que tout pacifiste ne saurait exclure de toute démarche pour faire aboutir sa cause. L’usage pernicieux du principe d’un dialogue entre les forces vives de la nation, crée dorénavant un malaise parmi les acteurs dans la mesure où le PCT revendique la même approche, sans aucun doute pour des visées différentes. Il s’entend à travers cette évocation que, les problématiques abordées, à savoir : le fichier électoral, la commission électorale indépendante, la carte biométrique, le découpage électoral, etc… sont autant d’exigences que d’écueils qui, s’ils ne sont pas adroitement traités, recouvrent des réalités de nature à diviser même dans le camp de ceux qui en réclament à cor et à cri, l’examen. De même qu’il faille ne pas perdre de vue le lien étroit qui existe entre le traitement de ces différentes questions avec les délais constitutionnels inhérent au calendrier électoral. La fraude électorale doit être appréhendée sur ses mécanismes. En règle générale, elle s’organise dans le processus de transfert, de traitement et de proclamation des résultats électoraux. A cet égard, il faille considérer que plusieurs exigences doivent trouver réponses non pas dans la remise à plat de certaines situations de fait, mais dans la maîtrise de l’organisation du processus électoral lui-même. Pour l’essentiel, il s’agit de convenir de l’objectif principal pour en dégager le chemin critique. En effet, partant du principe que le respect de l’ordre constitutionnel reste le cheval de bataille des forces démocrates, la tenue de l’élection présidentielle de 2016, doit de ce point de vue passer comme un objectif primordial sur lequel les forces vives de la nation favorables à une alternance politique par la voie constitutionnelle devraient être au moins d’accord. Ainsi, pourrions-nous passer en revue, sans mystification, les conditions permissives pour la tenue d’une élection transparence, libre et démocratique. Il s’agirait principalement de trouver un compromis sur : La loi électorale qui devra faire l’objet de quelques aménagements en vue de répondre aux principales préoccupations relatives à la transparence des processus électoraux, dont les détails suivent.
La Commission électorale considérée comme la clé de voute du dispositif de fraude électorale est l’objet de toutes les attentions au point d’en constituer l’épicentre. Une structure indépendante et digne de confiance permettra de recréer les conditions d’une compétition électorale qui garantisse à chacun et tous, les mêmes chances d’une part, et aux populations, le droit d’élire en toute liberté, les dirigeants de leur choix, d’autre part.
Le fichier électoral qui est au centre de l’une des grosses polémiques depuis le dernier recensement administratif spécial qui a vu certains équilibres démographiques complètement rompus. Il s’agit, en réalité, de convenir d’une mise à jour dont l’exécution et le contrôle devront être confiés à des structures faisant consensus. Il n’est point besoin, au regard des délais, et au-delà des risques de manipulation de certains sujets frauduleusement inscrits sur les listes électorales, de reprendre littéralement les opérations d’enrôlement.
La carte d’électeur biométrique qui a pris une place prépondérante dans la série de revendications des oppositions comme moyen de limitation de la tricherie de masse permettant à certains électeurs de voter plusieurs fois. Elle est techniquement réalisable. Toutefois, elle ne saurait constituer une raison suffisante, même si elle peut s’avérer nécessaire à l’avenir, pour justifier le report du scrutin présidentiel de 2016.
Le découpage électoral est un sujet politique complexe et délicat, d’autant plus qu’il ne s’épuise jamais. En termes de hiérarchie de priorités, celui-ci peut attendre, dans la mesure où le débat sur le découpage électorale qui concerne les législatives prévue en 2017, conformément à la Constitution en vigueur, peut suivre après la présidentielle de 2016.
Le gouvernement d’union nationale devient un sujet de discorde alors que sur le fond, à moins de servir pour certains de tremplin pour des objectifs obscures, il n’est envisageable que dans l’hypothèse où les conditions de transparence, telles que définies ci-dessus, mettent en évidence le principe de l’impartialité de l’Etat qui se traduise par une gouvernance au-dessus de tout soupçon. Une gageure ! Il demeure, dans tous les cas, une conséquence, et non un postulat. La conclusion d’un accord-cadre portant traitement des différentes problématiques serait le dénouement inespéré de toutes les tractations envisageables. Lequel accord-cadre devra, au mieux, être entériné in extenso par le Parlement pour lui conférer la force de la loi, et garantir son application par des mécanismes de suivi contraignants pour les parties signataires. Mais encore, faudrait- il ne pas renvoyer aux calendes grecques la question, encore taboue, du devenir de l’actuel Président de la République, après son départ du pouvoir en 2016. Sinon, se profile à l’horizon, un dialogue de sourd qui immanquablement débouchera sur une impasse. Les puissances extérieures auront alors beau jeux d’imposer leur choix au détriment des nobles et authentiques aspirations du peuple.
Après, il ne sera plus l’heure…
La démarche politique qu’incarne La Conscience Libre s’inscrit dans cette volonté de privilégier l’efficacité des choix à imposer pour garantir, dans les délais constitutionnels, tel que rappeler, solennellement, par le Président de la République, lui-même, dans son message de fin d’année du 31 décembre 2014, une élection présidentielle transparente, libre et démocratique. Le reste est de l’ordre du superfétatoire. Aux démocrates et toutes les forces politiques de progrès de s’unir pour prendre la mesure du temps et de l’enjeu. Le poids de la responsabilité historique est lourd. Faute de quoi, la colère du peuple s’abattra, tel un volcan mature, sur l’immobilisme désormais insoutenable ; emportant sur sa déferlante, pouvoirs et oppositions, tous logés à la même enseigne de l’irresponsabilité.
Par Félicien Wilfried D. KIVOUVOU
Président de La Conscience Libre(LCL)