Denis Sassou Nguesso, au pouvoir au Congo, depuis 1997, après avoir dirigé le Parti unique de 1979 à 1992, a été déclaré vainqueur par le Conseil constitutionnel, au terme d’une journée confuse dans la capitale, Brazzaville, où des tirs à l’arme lourde, ont retenti durant plusieurs heures dans les quartiers sud de Brazzaville. Des sources, dignes de confiance assurent que les membres du Conseil constitutionnel ont été contraints manu militari à se prononcer…
Des tirs ont retenti à Brazzaville hier. Jusqu’à présent, en dépit d’un calme précaire, une certaine confusion demeure dans la capitale congolaise. Comment s’en interroger lorsqu’on sait que pour la victoire proclamée du président Denis Sassou Nguesso, au premier tour, ce dernier a été battu à plat de couture, selon les chiffres réels affichés dans les bureaux de vote des principales grandes villes du Congo, notamment à Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie, Nkayi, Kinkala, Ouesso ?
Aussi, comment peut-on expliquer ces chiffres de 100% attribués au candidat Sassou dans certaines zones, s’étonne un membre de la Commission électorale indépendante qui a requis l’anonymat?
La réalité c’est que l’armée encerclait leur salle d’audience avec des chars de combat, pour que Sassou soit proclamé vainqueur sans l’examen des recours. De tels faits donnent en partie raison au président français Jacques Chirac, qui un soir de 1990, lança à Abidjan : «La démocratie serait un luxe pour certains États du continent africain». C’est exactement le cas, avec le pronunciamiento électoral que le Congo vient de connaître, à la suite d’une élection présidentielle, organisée à huit clos, le pouvoir en place ayant procédé à la coupure de toutes les communications, plus de 4 jours.
Des résultats controversés
C’est à 3 heures du matin que le ministre congolais de l’Intérieur a procédé à la proclamation controversées des résultats provisoires plaçant Sassou vainqueur, dès le premier avec 60% des suffrages, devançant largement ses concourants Parfait Kolélas (15,05%) et Jean Marie Michel Mokoko (13,89%). Des résultats contestés et fabriqués, selon les opposants par le ministre de l’Intérieur en «complicité» avec la Ceni, contrainte par la force. Thèse confortée par le coordonateur de l’opposition Charles Zacharie Bowao qui, à travers les chiffres de la Commission technique électorale, mise en place par l’opposition, annonce de son côté le samedi 02 avril, un second tour entre Parfait Kolélas qui obtient 30% et Jean Marie Mokoko qui obtient 29%. Si ces chiffres proclamés par l’opposition sont exacts, alors le président sortant ne dépasse pas la barre des 10% et se trouve éliminé dès le premier tour. Le Congo se trouve dans une situation inédite, avec des résultats émanant d’une part du pouvoir et d’autre part de l’opposition. Dans un tel contexte, le recours au juge constitutionnel reste démocratiquement la seule et unique voie, en mesure de départager les différents contestataires. Dans la perspective d’une vague de contestation généralisée, le régime de Brazzaville a décidé le passage en force. C’est ainsi que dans la matinée du lundi 4 avril, on a assisté à une sorte d’auto-attaque qui permit au pouvoir de museler toute forme de contestation, occasionnant ainsi le déploiement de l’armée dans tout Brazzaville, la capitale. Plusieurs observateurs trouvent que le président congolais Sassou Nguesso, qui cumule 33 ans au pouvoir, a fait fi de la volonté exprimée par le peuple congolais pour s’autoproclamer vainqueur, dès le premier tour.
Les dessous d’une proclamation
Après la publication des résultats par le président du Conseil constitutionnel, le juge Iloki, une source proche de cette organe a affirmé : «C’est le plus mauvais jour de ma vie… je suis comme quelqu’un qui sort de l’enfer, on a été pratiquement séquestré… beaucoup de membres du Conseil n étaient pas au courant de l’ordre du jour». Cette source nous indique que : «Après la séance de vendredi dernier 1er avril 2016, les membres de la cour devraient statuer sur les dossiers traités au niveau de la cellule technique. A cet effet, le Conseil prévoyait de tenir les premières séances au plus tôt le jeudi pour d’abord examiner le contentieux électoral, puis statuer sur les recours le lendemain, vendredi, pour enfin procéder à la proclamation des résultats, dans la matinée du samedi autour de 10h». Elle poursuit, soutenant que : «Contre toute attente les membres du Conseil ont été convoqués de toute urgence le lundi. Certains d’entre eux pensaient que c’était juste pour une communication interne, mais à leur grande stupéfaction, le bâtiment a été encerclé par les chars et plusieurs véhicules de l’armée ». Les militaires avaient fait irruption dans la salle d’audience du Conseil, munis d’un message clair et dans un ton menaçant, ont exigé : «proclamer les résultats aujourd’hui», confirme notre informateur. De ce fait, déplore-t-il, aucun membre n’a eu le temps d’examiner le moindre procès-verbal ou feuille de pointage. Ces éléments armés, qui avaient pris d’assaut le siège du conseil constitutionnel, ont poussé la théâtralité jusqu’à apporter des croissants et des rafraîchissements aux membres du Conseil … leur intimant de dupliquer les résultats dans l’ordre de 2009 et de déclarer la requête de Parfait Kolelas irrecevable. Sans coup férir, le Conseil constitutionnel a dû s’exécuter sans débat et sans avoir examiné à fond les résultats… la suite, on la connaît.
Abdelmalek El Mekkaoui, journaliste
http://www.lesafriques.com/actualite/congo-les-dessous-d-un-hold-up-electoral.html?Itemid=89%3Farticleid%3D45887