Congo-Brazzaville : L’éventualité de la modification de la constitution actuelle va inexorablement conduire le peuple dans le mur

Le pouvoir de Brazzaville sent progressivement le ton monté face à la crispation de plus en plus palpable des acteurs avertis de la politique congolaise sur l’éventualité de la modification de la constitution. Les manœuvres se concoctent dans les officines des partis et associations politiques pour faire émerger l’hypothèse d’une révision de la Constitution pouvant permettre à Denis Sassou Nguesso de rempiler en 2016. C’est ainsi que les éternels débroussailleurs de terrain, toujours habiles dans l’exercice parfois périlleux, de dépatouiller tout sur le passage de SASSOU, sont déjà à l’œuvre pour tenter de crédibiliser ce qui semble être un « coup d’état constitutionnel ».

Les juristes, plus ou moins à la solde du pouvoir, affutent leurs argumentaires, pas très convaincants de surcroît. Certains se sont déjà dévoilés, à l’instar de Maître Martin Mberi. D’autres plus dévastateurs, agissent en coulisse et excellent par la nébuleuse opération de corruption en cours à Brazzaville, Maîtres Placide LENGA et Aimé Emmanuel YOKA en seraient les instigateurs de premier ordre.

Enfin une dernière catégorie, celle des juristes qui se seraient ressaisis et dénoncent une tentative anticonstitutionnelle. Maître Martin MBEMBA jouerait les fauteurs de trouble. Pourtant le Congo-Brazzaville, s’en serait bien passé. La reforme constitutionnelle serait-il le problème fondamental de la société congolaise?

Devant l’embellie de façade des dernières années, l’acide du doute habite de nouveau les esprits, mêmes les plus mieux avertis au risque de mettre en péril une cohésion nationale encore fragile. Pourquoi vouloir modifier la constitution qui ne serait remise en cause ni par l’opposition, ni par un bon nombre de partisans du pouvoir ?

Avant de changer une Constitution, il faut savoir pour quoi faire ou pourquoi il faut la changer, et éviter de se rattacher à des modèles abstraits comme constitution semi-présidentielle ou constitution parlementaire. En fait, les Constitutions issues de la conférence nationale de 1991 et celle issue de l’acte fondamentale de 2002 ont globalement bien fonctionné, même si des améliorations seraient incontestablement nécessaires en ce qui concerne le contrôle de l’exécutif, le fonctionnement du Parlement et l’organisation des élections libres et démocratiques.

Aujourd’hui, au Congo, c’est le pouvoir présidentiel qui tend à prendre une place plus importante, probablement au détriment de la fonction qui consiste à faire la loi. Il s’agit notamment de développer le rôle des commissions parlementaires, le contrôle de l’exécution de la loi, le contrôle de la qualité de la loi, le statut de l’opposition, toutes réformes ne passent pas nécessairement par une révision de la Constitution, mais aussi par un changement des pratiques.

L’appel au débat actuel pour la révision des articles 57 et 185 de notre constitution nous parait inopportun, sinon voilé d’une volonté manifeste d’asseoir une quelconque hégémonie, au regard du contexte sociopolitique grave que traverse notre pays. C’est simplement une régression intellectuelle ou une gouvernance à la barbouzarde, une fuite en avant devant tant de défis qui s’imposent aux congolais pour sortir du déséquilibre socio-économique.

Tout en laissant le soin aux multitudes juristes constitutionnalistes et autres que regorge notre beau pays, dont nous en sommes certains ne manqueront pas d’apporter leur clairvoyance à ce débat, il nous semble nécessaire de redire aux congolais que le pouvoir a échoué sur ses promesses d’amélioration des conditions de vie des congolais, sur l’unité, à l’éradication du chômage, à l’accès aux soins élémentaires et à l’éducation, bref simplement à la bonne gouvernance du pays. Il est de toute évidence, que c’est sur ces questions épineuses que devraient se porter les reformes politiques.

Il a fallu 16 ans, jour pour jour au clan au pouvoir pour déconstruire la démocratie congolaise, et en plus de 30 ans de règne sassouiste, le Congo a perdu tout son fleuron industriel. Qui se souvient encore de SOTEXCO, IMPRECO, CHACONA, OFNACOM, IAD, HYDRO-CONGO, LINA-CONGO, SUCO, SOCAVILOU, etc. Toutes ces grandes entreprises qui faisaient la fierté de notre industrie ont été simplement dépecées et livrées à la voracité d’un groupe, qui n’est inconnu des congolais, qui se refait une virginité à chaque événement politique. On a vu ainsi des ex-ministres devenir des hommes d’affaires, des simples agents de la fonction publique devenir des puissants entrepreneurs, des pêcheurs, agriculteurs, chasseurs et parfois des gamins sans aucune formation se transformer en des opérateurs économiques incontournables mais au sens d’affaires très douteuses et approximatives, multipliant de ce fait « les éléphants blancs » dans l’ensemble du pays.

Qui peut dire aujourd’hui que ce clan qui s’est érigé le monopole économique du Congo a fait progresser le pays dans le bon sens ? Qui peut maintenir la thèse que ces pseudos entrepreneurs soutiennent l’économie congolaise par la création d’entreprises et que leurs actions ont été efficaces et bénéfiques aux congolais ?

Tous, curieusement, font partie d’un même lobby « mafieux » qui se greffe sur le trésor public en agissant avec un code unique dont les maîtres mots sont : corruption, dilapidation, pillage, détournement n’obéissant qu’à une seule règle : se servir et protéger le pouvoir.

Or, les congolais, réclament plus de libertés, plus de droits, plus de justice, une meilleure répartition des richesses, moins de privilèges indus, une solidarité plus grande, des dirigeants vertueux et en phase avec leurs réalités, des actes en adéquation avec les discours. Qu’es-ce qu’on nous sert ! Une panoplie de promesse indigeste dont nous savons d’avance que les autorités s’essuieront les pieds dessus.

Pour cela, trois catégories de groupes excellent dans le dénigrement de la volonté populaire du peuple congolais.

La première prône l’avènement des Etats généraux, ce qui n’est pas en soi une mauvaise chose. Seulement faut-il que ces fervents défenseurs parlent d’une seule voie. L’étalage de leur désunion est loin d’être le chemin idéal pour reconquérir le peuple tout en trainant le boulet d’une absence notoire de programme politique allégeant. Il est temps de montrer votre capacité à convaincre le peuple du bien fondé de votre action. Le fait de vouloir les Etats généraux et le départ de Sassou n’est pas un programme politique alternatif. Ni encore moins ne vous absout pas de vos responsabilités dans le drame que vit le peuple congolais. Il faut plus que les états généraux pour regagner cette confiance.

La deuxième catégorie, obnubilée par la pluie des Fr. CFA dont ils peuvent jouir allégrement, ne s’offusquent plus à poursuivre ouvertement la voie des antivaleurs, à défaut de mieux, espèrent modifier la constitution pour demeurer au pouvoir à vie. Les signes d’une possible violation de la constitution sont devenus apparents. Faut-il leur rappeler que le bilan de 30 années de pouvoir de Sassou a régressé le Congo sur l’échiquier international. Tous les chiffres macro-économiques l’attestent. La réputation d’un Etat voyou et corrupteur qui nous colle à la peau est l’œuvre d’un clan qui s’est érigé au sommet de l’état faisant main basse sur les finances publiques.

Je vois les défenseurs du pouvoir s’offusquer et me traiter de cécité intellectuelle, d’aigris, de tribaliste, de donneurs de leçons, de chercher un tremplin pour aller vers la mangeoire. Qu’à cela ne tienne, personne ne peut voiler éternellement la vérité. Une nation ne se développe pas seulement dans la construction des édifices ministérielles, d’aéroports, routes, mais dans la création des usines, d’entreprises PME et PMI, dans le soutien par une politique de rigueur.

Est-il normal que la première richesse nationale soit confisquée par un clan annihilant ainsi les chances des vrais investissements dans des secteurs en panne comme l’électricité et l’eau ?

Est-il normal que la réhabilitation de l’usine du Djoué ou le barrage de Moukoukoulou fasse l’objet d’un marchandage électoral ?

Reconnaître que des bonnes choses ont été réalisées et ne pas le dire est une erreur rattrapable mais ne pas dire ce qui ne vas pas est une faute qui nous condamnerons tous demain.

Notre économie est par terre comme tétanisée par tant de déficit et catastrophe. Tant qu’il n’y aura pas une vraie politique d’assainissement efficace qui n’épargne aucun secteur. Tant que nous  ne pourrons pas montrer de la fermeté sur les dépenses publiques, les déficits et le chômage de masse augmenteront toujours. Le Congo n’est pas la poule aux œufs d’or des membres du clan qui peuvent dépenser sans compter les finances de l’état. Lorsque les finances d’un pays sont gérées de façon opaque n’obéissant à aucune règle économique c’est tout un pays qui marche vers le déclin.

Enfin une dernière catégorie d’individus véreux et dépourvus de tous sens de responsabilités prône la troisième voie sinon la guerre. Espérant de cette manière ressusciter la psychose de la guerre civile. Pour défendre les quelques intérêts partisans, on est prêt à sacrifier un peuple, à vendre sa dignité, à crédibiliser des faussetés.

Conséquence logique de toutes ces postures, le peuple est pris en tenaille entre ces piètres politiciens et la montée des extrémistes religieux (islamique et églises de réveil) qui gangrènent de plus en plus la société congolaise. Il apparait nettement que pour ces trois catégories, les questions existentielles des congolais sont très loin de leurs préoccupations. Surtout, ne vous fiez pas aux manœuvres exhibitionnistes teintées de promesses alléchantes qui ne seront jamais tenues. Allons-nous de nouveau être floués les yeux ouverts en contemplant le voleur vidé notre maison commune qu’est le Congo?

C’est pourquoi, il est impératif de se démarquer de ce débat qui ne contribuera qu’à prolonger la souffrance des congolais. Il faut leur opposer le vrai débat qui intéresse le peuple.

Le débat d’avenir qui assurera le bien-être de chacun d’entre nous passera nécessairement par les femmes et les hommes courageux qui affronteront de face les défis spécifiques liés au développement du Congo. Ce pays n’a pas besoin de la reforme constitutionnelle, mais d’une clarification politique signant la fin du régime Sassouiste à la fin de son dernier mandat. Or, ce régime veut absolument rester au pouvoir pour se prémunir de ses nombreuses exactions commises et plaintes en cours. Alors, il nous reste plus qu’une solution pour le contraindre de respecter la constitution : La prise de conscience populaire. Mais, le changement politique dans une société comme la nôtre peut se préparer qu’avec le peuple. Si le peuple congolais est organisé, soudé, conscientisé, politisé, regroupé de manière à pouvoir unir sa force, et à bien orienter cette dernière, nous pouvons surmonter nos peurs.

«  … le courage n’est pas l’absence de la peur mais la capacité de le vaincre » N. Mandela

La conscientisation de la classe populaire doit servir de pierre angulaire à la longue construction d’un projet de lutte pour emmener la masse à assumer son rôle historique de toujours révolutionner ses conditions sociales aliénantes d’existence et de vaincre ces chaînes de la peur qui l’enchainent. Recouvrer sa dignité est une aspiration noble des peuples depuis la nuit des temps. Aussi le peuple congolais en a assez de courber l’échine pour obéir à la politique de «  TOSA O LIA », d’être enchaîné à ses propres peurs, à ses lâchetés, trahisons et indifférence face à l’endormissement par des miettes déversées ici et là alors que le pactole leur appartient.

Le peuple doit s’assumer, recouvrir sa liberté et ses droits. En d’autres termes, le peuple congolais doit utiliser la société elle-même comme moyen d’établir et de défendre sa liberté. Les congolais doivent se libérés par eux-mêmes ! Lorsque le peuple congolais saura s’unir autour de ses aspirations démocratiques, économiques et sociales, le changement se mettra en marche de façon irréversible. Ni le coup de poignard judiciaire sur la constitution, ni les grondements des bottes des mercenaires ne sauraient contraindre un peuple assoiffé de liberté et de démocratie. Sans cette prise de conscience populaire, toute révolution démocratique est vouée à l’échec et avancera inexorablement droit vers un mur.

Jean-Claude BERI