Congo-Brazzaville : l’opposition se félicite du succès de sa journée ville morte

journe20ville20morte205-6356858

C’est la dernière arme d’une opposition désarmée. Faute de pouvoir manifester, les Congolais hostiles au régime ont choisi la contestation sourde. A Brazzaville, Pointe-Noire, Nkayi, Dolisie ou Owando, ils étaient nombreux, mardi 29 mars, à suivre l’appel à la grève générale lancée par l’opposition. Une journée ville morte destinée à dénoncer la réélection dès le premier tour du président Denis Sassou-Nguesso, contestée par la communauté internationale.

Il semble toutefois que le mot d’ordre ait été inégalement appliqué dans la capitale partagée entre des quartiers sud traditionnellement opposés au régime et une zone nord plus favorable. Si des dizaines d’images de rues désertées, d’étals vides et de boutiques closes ont circulé dans la journée, d’autres, diffusées par des proches du palais, montraient des rues en effervescence. Le chef de l’Etat s’est même rendu publiquement dans un ministère pour saluer son administration au travail.

journe20ville20morte202-8963524

Au pouvoir depuis trente-deux ans cumulés, le président, qui s’est engagé à bâtir une « nouvelle République », a officiellement emporté le scrutin du 20 mars, avec 60,39 % des suffrages. Il devance ainsi largement Guy-Brice Parfait Kolélas (15,05 % des voix) et le général Jean-Marie Michel Mokoko (13,89 %). Un véritable hold-up électoral pour les candidats défaits.

Rallié à l’opposition, l’ancien ministre de la défense Charles Zacharie Bowao se console en saluant le « succès » de la journée ville morte. « Les représentants des autorités n’ont cessé de passer dans les quartiers avec des mégaphones pour demander aux gens d’aller travailler », dit-il. Au centre de Brazzaville, quelques banques sont restées ouvertes pour permettre aux fonctionnaires d’encaisser leur salaire. Mais « les clients sont repartis immédiatement chez eux après avoir perçu l’argent ».

« Nous ne nous laisserons pas voler cette élection »

journe20ville20morte201-8738165

En réponse à la mobilisation, tous les témoins confirment que le maillage sécuritaire s’est resserré. Dans la capitale, les effectifs des forces de l’ordre ont été renforcés dans les quartiers sud et ouest. « Au niveau du centre, ils sont même à tous les carrefours », selon Tall Boukambou, responsable de la communication du général Mokoko.

Dans ce climat pesant, les candidats et leurs proches disent vivre dans la crainte d’être arrêtés. D’après Charles Zacharie Bowao, une cinquantaine de cadres hostiles au régime seraient actuellement incarcérés dans des maisons d’arrêt, des commissariats et à la Direction générale de la surveillance du territoire. Parmi eux, Anatole Limbongo-Ngoka, le président des comités de soutien du général Mokoko, ou encore Serge Blanchard Oba, le porte-parole du candidat André Okombi Salissa.

« Nous avons commencé par des actions pacifiques, mais nous ne nous laisserons pas voler cette élection. La ville morte est un début », promet aujourd’hui ce dernier. « Arithmétiquement, il est impossible que Denis Sassou-Nguesso l’ait emporté avec 60 % des voix, argue le candidat. Nous avons des éléments qui attestent qu’il est arrivé en troisième ou quatrième position dans les villes où se concentrent près de 70 % de l’électorat. » L’opposition, dont des membres ont observé le déroulement du vote à travers tout le pays, affirme détenir plusieurs procès-verbaux qui contredisent les résultats officiels. Ce sont ces feuilles jaunes que les autorités chercheraient à saisir en interpellant les opposants, selon Charles Zacharie Bowao.

Un pouvoir inquiet

journe20ville20morte208-2111615

journe20ville20morte207-4588948

Aux yeux du pouvoir, les appels à la désobéissance civile de ses détracteurs ne sont pas seulement illégaux, ils sont aussi contre-productifs. Les candidats disposent de quinze jours après le dépôt des résultats officiels à la Cour constitutionnelle pour contester les chiffres. « Plutôt que de faire cela, [les candidats défaits] ont recours à des moyens peu orthodoxes qui répondent simplement à une volonté d’instaurer le chaos dans la République. Ceci nous le déplorons », a réagi au micro de RFI Pierre Ngolo, secrétaire général du Parti congolais du travail (la formation du président).

Malgré un rétablissement progressif des communications coupées durant plus de quatre jours, la révolution qui n’a pas eu lieu semble toujours inquiéter le pouvoir et les forces de l’ordre. L’envoyé spécial du Monde sur place et deux confrères de l’Agence France-Presse ont été agressés le 23 mars par des hommes se présentant comme des policiers et leurs passeports et matériels confisqués.

D’autres personnalités ont tout bonnement disparu, comme le responsable de la surveillance du scrutin pour l’opposition, introuvable depuis cinq jours. Le général Mokoko, lui, se cache. Il avait appelé le 24 mars au soulèvement contre « le pouvoir d’un clan et de ses séides, qui tiennent le peuple en otage ».

Par Elise Barthet

Le Monde.fr

***

Déclaration de la coordination des plateformes politiques FROCAD – IDC du 29 mars 2016

journe20ville20morte203-2903156

frocad-idc2044-9219968