Ce que nous ne cessons de dénoncer depuis le retour du clan Sassou au pouvoir trouve aujourd’hui toute sa justification. Les preuves de la mauvaise gouvernance de ce clan s’étalent tous les jours sur la place publique. Les actes anti-démocratiques ne cessent de se multiplier pour museler les voix contradictoires qui se lèvent timidement en ce moment.
De même, les situations sociales catastrophiques qui n’épargnent personne s’accumulent au point d’en constituer aujourd’hui les ingrédients d’une possible révolte.
Le refus du clan Sassou d’anticiper sur les tensions qui couvent au sein de la population congolaise risque de plonger le Congo-Brazzaville dans une révolte généralisée. « Cette fois-ci ça sera une révolte politique entière. Ce ne sera pas une révolte de poussières d’individus mais de villes, de village et de régions entières. Une révolte politique, sociale radicale et soutenue. Elle se fixera sur une position non négociable. Une révolte qui plaidera pour le collectif contre l’individualisme, pour la loi du plus faible contre celle du plus fort, l’égalité contre les privilèges, pour le citoyen patriotique contre le client, le traite. Une révolte qui traquera les tièdes, les mous, les hésitants, les parvenus, les incompétents, les corrompus, les pilleurs, les indignes. Une révolte des congolais qui croient encore à la révolution contre l’involution » Comme le dit ce militant de la diaspora lyonnaise.
Il est temps que le résident de Mpila opte pour un changement crédible. Le véritable changement que le peuple attend passe par une vraie réconciliation politique. Pour cela, il faut bannir dès à présent les formes de persécution policière : tentatives d’assassinat, chasse à l’homme, passage à tabac, vol et saccage des biens, filature, privation de passeports, coupure de ligne téléphonique…Toutes ces exactions aujourd’hui en cours pour intimider le peuple sont de nature à causer des frustrations incontrôlées. Les ajustements actuels, comme l’augmentation des salaires, libéralisation de l’entreprenariat privé, annonces de créations de 5000 emplois, soins gratuits pour les femmes enceintes lors d’accouchements, constructions des infrastructures « éléphants blancs », etc… sont perçus par la plupart des congolais comme des mesures tactiques. Une gestion souple et très contrôlée de la situation en tentant de ne pas être envahi par les pressions montantes. Ce n’est donc pas une volonté visible et crédible de remise en cause radicale de la politique actuelle. D’autant plus les maux jugés anti-démocratiques par les Congolais persistent quotidiennement dans la vie sociale. La plupart réclame un changement sur le terrain c’est-à-dire aller vers une transition avec un nouveau gouvernement issu d’une concertation nationale avec les élites du pays, les associations politiques, les partis crédibles et les citoyens patriotiques pouvant susciter un vrai changement d’idées et de la pratique politique et une nouvelle manière de gérer les biens publics. Non seulement il est nécessaire, comme nous ne cessons de le dire depuis des années, que la paupérisation de la population cesse, la confiscation des deniers publics s’estompe, la prise en otage du pouvoir par la mafia et le clan Sassou s’arrête, la corruption à outrance soit décrétée comme un délit, le système policier se modernise et non une police qui évolue dans une configuration dépassée et improductive, la torture généralisée pour des idées politiques soit bannie, les procès pipés sans réel mobile d’accusation réfutés, l’omerta d’une partie de la population pour des raisons d’appartenance à une région, la dépendance de toutes les institutions du pays aux seuls hommes du clan soit totalement prohibée.Tous les méfaits énumérés et à la solde du clan Sassou sont des barils de poudre qui n’attendent qu’une petite étincelle pour s’enflammer. Sommes-nous capables d’éteindre ce feu si jamais nous le laissons se mouvoir ? Ou encore devons-nous accentuer toutes les procédures de mise à feu afin d’en déclencher le processus de révolte tant souhaité par beaucoup d’entre nous ? C’est pourquoi la prudence est de mise dans la manière de percevoir ce qui se passe dans les pays voisins notamment en Afrique du Nord et Moyen Orient. L’effet domino que tout le monde souhaite voir atteindre le Congo-Brazzaville ne garantira pas pour autant un changement positif. Car les sbires du clan Sassou se mobilisent également en ce moment pour hypothéquer les chances d’un vrai changement. Alors que faire ?
Révolte ou Transition pacifique ?
Il est évident que la situation actuelle mériterait bien un vrai coup de pieds dans la fourmilière. Il est totalement inacceptable que toutes les clés pouvant déverrouiller la situation sociale, politique et économique et même militaire soient entre les mains d’un même clan. D’aucuns diront que non ce n’est pas un clan mais une même famille. Ont-ils certainement raison au regard des personnalités occupant les postes clés de la structure étatique du pays. De là on pose le postulat avec la famille Ben Ali dont les similitudes sont étrangement identiques à la gestion du pouvoir congolais par le clan Sassou. Ceci est donc pour certains une raison suffisante pour que les mêmes effets ayant prouvé leur efficacité en Tunisie (et en cours en Egypte) puissent être calqués ou transposés au Congo-Brazzaville.
Ce qui est certain et même qui se prépare dans les officines occidentales c’est que les Congolais qui se mobilisent actuellement et ceux depuis des années et qui sont en réalité les véritables protagonistes du refus du statut quo actuel seront certainement écartés de ce processus, tant les pressions extérieures seront fortes pour garantir un pouvoir acquis aux intérêts du libre-échange et conforme au rôle du partenaire docile assigné au Congo dans la géopolitique internationale. Dans les coulisses les manœuvres de détournement ou de récupération s’activent soit pour noyer toute révolte soit pour la canaliser avec une riposte militaire conséquente. Le pouvoir en place joue sur le traumatisme de la guerre civile dont les séquelles sont encore très présentes dans les mémoires des Congolais. Ces éléments viennent soutenir la thèse d’une transition pacifique. L’on fomente des scénarios ou M. Sassou ne briquerait pas un autre mandat, se préparera à ouvrir un dialogue avec les opposants Congolais. Nous le savons fort longtemps que l’opposition sur le terrain n’est plus crédible. Cette transition pacifique ressemblera à une continuité. Le vrai changement viendrait d’une rupture avec des personnes qui n’ont jamais spolié le peuple et non proposer du neuf dans du déjà vieilli et sali. Une seule solution peut rassembler les Congolais autour d’une volonté pacifique de transition, c’est de lui redonner ce qu’on lui a lâchement volé : le droit de choisir. La diaspora congolaise a son mot à dire dans cette démocratie. C’est l’espoir de tout un peuple qui croit en ses enfants parti loin pour ne pas sombrer dans l’horreur, mais qui n’ont jamais oublié d’ou ils venaient. Elle a le devoir de ne pas inciter vainement le peuple à s’entretuer tant que les conditions d’un vrai changement politique piétinent en son sein. Ce serait immoral et irrespectueux envers ce même peuple qu’elle voudrait sauver du joug sassouiste.
Les actions à mener doivent être concertées et discutées et non conçues dans l’anonymat le plus absolu donnant l’impression de vouloir s’ériger seul le droit de sauver tout un peuple. C’est sur ce manque de discipline et d’honnêteté que se jouera notre victoire ou pire notre échec. Ainsi entre l’opposition installée à Brazzaville qui depuis longtemps se pointe dans les multiples mangeoires installées par le clan Sassou, à leur service qui prônerait pour une transition pacifique et les militants de la diaspora composés essentiellement des associations et intellectuels Congolais souhaiteraient une révolte à la tunisienne pour en finir avec les antivaleurs. Le seul problème, de part et d’autre, l’absence d’un leader incontesté nuit gravement à leur option respective. Tout le monde veut sa part de gâteau et cela ne fait qu’accroître le déficit d’une coordination nationale au profit de la persistance du clan Sassou à piller davantage le pays.
Toutefois, ce peuple frustré, spolié, humilié, appauvri, meurtri a aujourd’hui, un espace potentiel plus large. Saura-t-elle s l’approprier ? « En se basant sur les droits fondamentaux, individuels et collectifs, sur la constitution d’une démocratie vivante proche des aspirations du peuple, de valeurs partagées et de lois communes, une révolte peut mieux s’ancrer dans la population et le paysage politique. L’enjeu n’est pas de choisir un porte-drapeau et de faire gagner son écurie. L’enjeu est de définir démocratiquement le terrain commun sur lequel, dorénavant, devront s’affronter les différentes manières de voir. L’appel au lancement d’un collectif de la diaspora nationale, décentralisée, pluraliste, non sectaire, serait sans aucun doute opportun. Mais qui est en situation d’assurer sa propulsion pacifique, de garantir son pluralisme politique, la diversité des acteurs et son ancrage dans la population congolaise. ?