La consommation abusive est devenue un sport national.
Par : Jean Cliff Davy OKO-ELENGA ( Activiste)
À Brazzaville, les violations des droits de l’homme et autres atteintes aux libertés fondamentales émaillent le quotidien des populations. De quoi s’interroger si les autorités politiques congolaises n’auraient pas remonté le temps afin de se réfugier dans les pages sombres de l’histoire du Congo pour gouverner comme ils l’avaient fait autrefois dans le mépris des droits humains et dans l’impunité totale. « Qui chasse le naturel, revient au galop… » , l’exercice du pouvoir pour une seconde fois par Denis Sassou Nguesso a été du moins catastrophique quant au respect des droits humains en République du Congo. L’application de la loi des finances 2018 a relevé des choix impopulaires dont le gouvernement aurait opéré, avec une subtilité sans pareille, privant les Congolais du droit de communication, à la santé, et même à l’éducation… En effet, cette loi décourage les Congolais de communiquer, de s’informer et à de former, car elle a augmenté de façon exponentielle les tarifs des communications et de l’internet, encourage par contre la consommation des boissons alcoolisées tant elles restent à la portée de toutes les bourses. Aussi, la suspension volontaire de la connexion internet ne serait-ce que pendant une journée est une atteinte flagrante des droits de l’homme.
Et si nous constatons que le pouvoir de Brazzaville se croit en terrain conquis, ignorant les droits du souverain primaire, il est de notre devoir, en qualité d’activiste, d’apporter des preuves de nos assertions, d’évoquer les conséquences des faits que nous dénonçons…
La cacophonie dans la communication
De coutume, la loi des finances s’applique dès le premier janvier. Mais ça se fait que quand les choses marchent dans les normes. Il faut dire que les consommateurs ont eu raison de se plaindre avec la dernière énergie. En plein désarroi, il fallait bien se faire entendre… Cette fois-ci, le gouvernement n’a pas fait la sourde d’oreille. Mais les explications données n’ont pas rencontré la compréhension des populations éplorées, mieux elles ont mis à nue les incohérences d’un système visiblement hostile au bien-être des populations. Difficile de croire qu’un régime qui caresse l’illusion de s’éterniser au pouvoir, puisse se mettre à dos le peuple qui en est le garant. On se douterait encore quand on a toujours les pieds sur terre. Cependant, l’outrecuidance a bien déconnecté Denis Sassou Nguesso de la réalité du peuple congolais. Pour preuve, le président de la République exige la vénération de son peuple, malgré que la corruption et la concussion les aient étreintes. La souffrance étant imprescriptible, le peuple a vite fait d’identifier le mal. Désormais préoccupé par l’éradication du fléau, il ne laisse plus passer la moindre faille ; la déclaration des opérateurs de téléphonie a été on ne peut plus claire. En substance, elle justifiait l’évolution de leurs tarifs data, voix et message suite à l’application de la loi des finances 2018. En d’autres termes, les prix ont augmenté, car l’État a révisé à la hausse les taxes relatives aux services que les opérateurs de téléphonie offrent sur le marché congolais. Autant dire que l’État est l’unique responsable de la montée des prix.
La démagogie démasquée
Les autorités congolaises, notamment le directeur général de l’agence de régulation des communications électroniques et des postes sont montées au créneau en sonnant un autre son de cloche. Ils affirment en effet que l’évolution des prix répondrait à la politique de la maîtrise des coûts des communications afin de maintenir les équilibres nécessaires aussi bien pour la préservation des emplois dans le secteur que la protection des investissements des compagnies de téléphonie. Cet argumentaire vient bien tard et de peut-être vu que comme une démagogie.
La frustration des populations
Les réponses apportées tour à tour par les directions des compagnies de téléphonie et la direction de l’agence de régulation n’ont pas rassuré les populations. Dans le fond et dans la forme, les incohérences sont patentes. Les pouvoirs publics qui au travers l’agence de régulation des communications électroniques ont mission de protéger les consommateurs et de préserver les intérêts des investisseurs dans le domaine des communications électroniques ont faillé à la mission de protéger les consommateurs. Du moins, c’est le sentiment qui prédomine, sentiment qui se justifie par la brutalité de la décision. Le fait accompli est une violence qui a mis à mal la sérénité des populations. Ils se sentent abuser par un pouvoir aux abois qui n’hésite pas de faire payer au peuple le prix de sa gestion chaotique. La décision de faire évoluer les prix des communications ne pourrait être le fait d’une politique qui viserait à préserver les investissements dans le secteur des télécommunications. Sous réserve que les compagnies, ne soient assujetties à l’obligation de produire des états financiers qui sont des baromètres de leurs situations à une date donnée, ce qui préconiserait de planifier une décision aussi grave que l’évolution des prix. Le quotidien des Congolais a subitement changé suite à l’application de la loi des finances 2018 ou pas du tout…Somme toute, les Congolais expérimentent une insécurité économique…
Ce qui reste à vérifier
Et si cette évolution aurait pour objectif de décourager la communication. Il faut rappeler que les droits de la communication regroupent la liberté d’opinion et d’expression dont le pouvoir ne respecte pas. L’évolution des tarifs dans la conjoncture actuelle obligerait bien de Congolais à réduire le volume de leur communication avec la fâcheuse conséquence d’entretenir la fracture numérique et finalement de déconnecter le peuple du vent de la révolution propagée par les réseaux sociaux. S’il est avéré que la récente suspension de la connexion internet visait à se prémunir du risque de la prolifération des cas de fraude pendant le baccalauréat session de juin 2018 au Congo-Brazzaville. Cette manigance aurait certainement permis au régime de Denis Sassou Nguesso de se voiler la face devant une carence de probité des agents de l’Etat, mais aussi de la moralité plus que douteuse d’une jeunesse empoisonnée par le régime…
La boisson alcoolisée à consommer sans modération
Rien n’est moins sûr que la consommation abusive des boissons alcoolisées bénéficie de la léthargie des pouvoirs publics. Tant aucune mesure n’est prise pour refréner l’ardeur de cette jeunesse consommatrice à outrance des boissons alcoolisées. La consommation abusive est devenue un sport national. Sur les grandes artères de Brazzaville, de l’avenue Matsoua dans le deuxième arrondissement de la capitale congolaise, en passant sur l’avenue de la paix dans le troisième arrondissement jusqu’au rond-point Mikalou, les promotions battent le plein ; trois bouteilles de cinquante (50) ou de soixante-cinq centilitres suivant les brasseries sont offertes à mille (1000) francs CFA. Les quantités ingurgitées sont au-dessus de la quantité requise qui serait de soixante-cinq (65) centilitres au plus. N’allez pas croire que la consommation est encadrée. Les tenanciers des bistrots, bars et autres débits de boissons servent aussi longtemps que les consommateurs paient le prix. Ils ne sont pas inquiétés même quand les consommateurs sont ivres morts dans leurs établissements. Visiblement, les tenanciers ne seraient pas les seuls responsables de la consommation abusive de l’alcool. La loi des finances 2018 qui fait flamber les prix des services des opérateurs de téléphonie, aurait été salvatrice au Congo, si elle venait à préserver la jeunesse congolaise de l’alcoolisme et dans une certaine mesure des maladies sexuelles transmissibles. Aussi, cette jeunesse ne serait pas privée d’un environnement sain qui augure un épanouissement adéquat aux aspirations de développement harmonieux d’une nation que tout leader sensé envisagerait pour son peuple. L’élévation de la taxe abaisserait à coup sur la consommation des boissons alcoolisées et la jeunesse serait à l’abri des comportements déviants.Aussi, le soutien que les pouvoirs publics apportent aux brasseries contribue à la détérioration de la santé de la population.
Le droit d’association est aussi menacé.
Courant juin 2018, le ministre de l’Intérieur Raymond Zéphirin Mboulou a actualisé la liste des partis politiques. Sur plus de deux cent (200) partis, on n’en compterait présentement qu’une cinquantaine qui remplirait les conditions requises. Sans pourtant épiloguer sur les dispositions des textes qui encadrent l’activité des formations politiques, il faut relever le fait que le Parti Congolais du Travail se trouve actuellement en désaccord avec ses textes fondamentaux. Ce parti devait renouveler ses instances depuis juillet 2015. Aujourd’hui, les dites instances sont caduques. Au nom de quoi, la caducité serait-elle moins préjudiciable à la démocratie que la représentativité ? Un autre aspect qui témoigne le caractère arbitraire de ces décisions. Si le Parti Congolais du Travail n’est pas visiblement en mesure d’observer les contraintes statutaires qu’il se serait imposé afin de relever les défis de la vitalité, du dynamisme et des principes démocratiques qui instaurent aussi bien l’esprit républicain que l’abnégation au sein des formations politiques et dont les cadres sont censés porter dans les sphères de prises de décision pour garantir la démocratie à l’échelle nationale. C’est autant dire que cette actualisation vise à réduire au silence les voix dissonantes, la voix du peuple…
Les retombées
De façon consciente ou inconsciente, le gouvernement de la République du Congo bafoue les droits de l’homme. Si l’on pouvait encore minimiser le manque d’eau potable et les coupures intempestives d’électricité. Les décisions arbitraires que nous venons d’évoquer, sont plus au moins des pièces d’un puzzle qui reflète l’autoritarisme du pouvoir de Brazzaville. Tout comme son application au cours du deuxième semestre 2018 laisse à désirer, la loi de finance 2018 est fidèle aux ambitions machiavéliques du président de la République Denis Sassou Nguesso qui ne ménage aucun effort afin que son clan s’éternise au pouvoir. Cette attitude qui est aux antipodes de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes, justifie le combat des activistes. Aussi, elle invite le peuple à se détourner de l’autorité de l’Etat pris en otage par un système qui hypothèque l’avenir du Congo.
Jean Cliff Davy OKO-ELENGA
Jean Cliff Davy OKO-ELENGA ( Activiste)