Sortira-t-il sans séquelles de ses diverses hospitalisations, suite à son assignation à résidence, autrement dit, son immobilisation forcée, et, sans fondement légal, d’aucune nature, que Sassou lui fait subir depuis près de 2 ans ? Ou alors, Me Mbemba est-il promis par Sassou au même sort qu’a connu, en 2014, le jeune gendarme, Eric Souami, à la Maison d’arrêt de Brazzaville ?
Ce dernier, après divers actes de torture qui lui ont été infligés, entre autres, par les colonels, Samba Benoît et Ndinga Géofroy, les généraux, Ndenguet et Obara, et, le procureur-colonel, Oko-Ngakala, a cessé de vivre entre les mains de la justice, 10 mois après son arrestation, sans texte, et, son placement à la Maison d’arrêt, sans mandat de dépôt ni inculpation.
Le 9 février 2015, Jean Martin Mbemba a été admis, en urgence, à l’Hôpital d’Instruction des Armées du Val-de-Grâce, à Paris, après diverses consultations pour un séjour d’une quinzaine de jours.
Connaissant le caractère, éminemment, sérieux et compétent de cet établissement militaire, qui reçoit, habituellement, d’éminentes personnalités, telles Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, Abdelaziz Bouteflika, on peut en conclure que programmer une hospitalisation, d’une telle durée, revient à dire que les résultats des examens réalisés, en ce lieu, quelque temps, auparavant, ont décelé des situations, particulièrement, inquiétantes. Le tout, à la suite de cette immobilisation sassouiste, qui s’étale, déjà, sur deux ans !!!
Il a fallu que le médecin du Centre médico-social de l’Ambassade de France au Congo, et, le médecin principal de la clinique Pasteur, à la suite de diverses consultations du président de la CNDH du Congo, y diagnostiquent une altération dangereuse de certaines parties du corps de ce dernier (système ne veux, hanche et genoux en particulier), pour que, grâce, aussitôt, à la mobilisation de proches, d’amis et des réseaux sociaux, d’une part, et, à la disponibilité de certains médecins congolais, d’autre part, que l’évacuation de Me Mbemba, à l’étranger, s’impose au pouvoir.
Reçu, en urgence, au mois de juin 2014, à l’Hôpital américain de Neuilly, où il a subi des examens et des soins intensifs au service d’urgence, pendant 5 jours, il y est, finalement, traité, trois semaines, durant. Un contrôle généralisé est programmé, dans le délai de 6 mois, avec des examens et des soins intermédiaires.
Pour maintenir un bon état général, Me Mbemba ne devait pas rester inactif sur recommandation des médecins. Ainsi, dans l’intervalle, il s’est réinscrit au Barreau de Paris – là où il a exercé une décennie durant dans les années 70. Puis, il a été l’un des invités de marque du Bâtonnier de l’Ordre, à la rentrée solennelle du Barreau de Paris, avec siège à son nom. Enfin, il a pris contact, avec des Institutions française et francophone des droits de l’homme, afin d’y obtenir un financement de l’important Recueil de plus de 1.500 pages confectionné par la CNDH Congo : « Sélection de principaux instruments internationaux, africains et francophones relatifs aux droits de l’homme et aux INDH ». C’est dans cet esprit que se situe l’invitation qui lui a été adressée par la présidente de la Ligue des droits de l’homme du Pas-de-Calais (Boulogne) où a séjourné le président de la CNDH, du 21 au 23 janvier.
Le fait que le Val-de-Grâce le ré-hospitalise, après ces essais d’activités, signifie, simplement, que les dégâts considérables découlant de son immobilisation forcée, sans fondement, et, sans texte, organisée par Sassou, continuent d’abîmer sa santé. Pourra-t-il alors se rendre, à Genève, où il est invité par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, à prendre part, du 11 au 15 mars, à la réunion annuelle du Comité international de coordination des institutions nationales des droits de l’homme ?
Pendant ce temps, le colonel M’Bango, Me Samba Mountou, le gendarme Ismaël Mabary, croupissent, en prison, depuis 2 ans, sans mandat de dépôt, sans inculpation, et, bien sûr, sans jugement, après avoir été torturés, à l’extrême, et, même, déporté, à plus de 500 km de Brazzaville, s’agissant du colonel M’Bango. Leur état de santé périclite, dangereusement, et, s’approche de celui de Eric Souami, constaté, à la veille de sa mort, à cette même maison d’arrêt.
En parcourant les conférences de presse des avocats, Ndenguet avait présenté un certain Bouassi comme le financier de l’opération dite de déstabilisation. Il a bénéficié à juste titre d’une mise en liberté d’office, depuis fort longtemps, de la part du procureur-colonel, Oko Ngakala. Donc, une « opération » sans apport financier !
C’est dans ce contexte que le procureur général près la Cour suprême a pondu, à l’audience du 6 février dernier, de cette juridiction, des réquisitions où apparaît une nouvelle version des faits, puisque ce magistrat soutient qu’ « en mars 2013, les investigations menées par la police ont conduit à la saisie d’armes de guerre destinées au renversement des institutions de la République et à l’interpellation de M’Bango JC et autres ».
Une question alors : où se trouvent les scellés contenant ces « armes de guerre » ? Déjà, à l’époque, Ndengue avait, aussi, annoncé que « 300 à 400 PMAK sont, déjà, saisis dans cette affaire ». Près de deux ans, après, où sont les « 300 à 400 PMAK », pourtant, « déjà saisis » ?
Pour prévenir, il paraît que les Ndengue et Samba Benoît, sont en train de rassembler, dans un lieu soumis, à leur contrôle, « les armes de guerre » à brandir dans la guerre que mène Sassou contre Me Mbemba. Alors que la loi impose aux enquêteurs de présenter à la personne impliquée l’objet saisi et au moment de l’opération de saisie, ici, on pose d’abord l’infraction à coller sur un adversaire, puis, on cherche les « preuves ». Le grotesque ne tue pas. Deux ans, après son déclenchement, on se trouve, au total, devant une opération de » déstabilisation armée » sans la moindre arme, sans le moindre centime de financement, sans le moindre document séditieux, et ce, malgré des perquisitions pratiquées, jour et nuit, chez toutes les personnes impliquées. Le village Lifoula, résidence de Me Mbemba, a, même, fait l’objet de multiples survols d’hélicoptère, à très basse altitude. Sans aucun résultat.
Jusqu’où ira Sassou dans cette affaire ? Il n’y a que, lui-même, qui le sait sait.
Pire, courant janvier, la rumeur a circulé, à Brazzaville, que Sassou s’est, personnellement, et, avec insistance, renseigné auprès de la direction générale du Budget, de la direction générale du Contrôle financier et de la direction générale du Trésor, sur la gestion des crédits de la CNDH, dans le seul but d’y dénicher des éléments d’ouverture d’un dossier pénal, à l’encontre de Jean Martin Mbemba. Paraît-il qu’il aurait piqué une colère noire, terrible, devant le fiasco de toutes ces missions. Sa tenace volonté de nuire, à tout prix, à Me Mbemba lui a fait oublier une règle simple, élémentaire : le président d’une Institution ne gère pas les crédits de son organisme ; il y a d’autres qui sont commis à cette tâche.
Au fond, si le président de la République voulait vérifier la gestion des fonds publics, ne peut-il pas, par exemple, organiser un contrôle à la SNPC, suite, entre autres, à ces informations livrées depuis septembre 2014 par un organe de presse qu’on ne peut accuser de « proche de l’opposition » – La Semaine africaine, dans son édition du 12 septembre 2014 ? De quoi s’agit-il ?
La SNPC (Société nationale des pétroles du Congo) avait été secouée, courant 2013, par un scandale : le vol de chèques en blanc signés au service financier et comptable qui ont permis de sortir d’importantes sommes d’argent d’une banque de la place. On parle de 2 milliards de F CFA (3 millions d’euros).
L’affaire avait éclaté, depuis le retour de la fête du 15 août 2013. A l’enquête interne, s’était ajoutée l’enquête de la DGST (Direction générale de la surveillance du territoire) qui avait fait passer aux interrogatoires des cadres et dirigeants de cette société publique chargée de la vente des parts du pétrole congolais, issues des contrats de partage de pétrole.
L’affaire n’a, jusqu’alors, fait aucun bruit. Se trouve-elle dans les tribunaux ?
Et pourtant, cette fois, il était difficile de dissimuler le scandale derrière la loi de l’omerta. On attend, toujours, la suite. Au lieu d’embastiller deux anciens ministres et des professeurs d’université qui n’ont commis, comme seul crime, que la jouissance de la liberté d’expression garantie et protégée par la Constitution, le pouvoir ferait mieux de s’occuper, par exemple, de ces vols scandaleux à la SNPC.
Au final, pourquoi, donc cet acharne-ment répété, et, sans fin, de la part de Sassou contre Jean Martin Mbemba ?
Un récent document du site « Zenga-Mambu » donne une réponse. On y lit : « Le bâtisseur infatigable (c’est-à-dire Sassou ironiquement) est très remonté contre Me Jean Martin Mbemba. Outre qu’il lui reproche d’avoir inséré dans la Constitution actuelle la limitation du nombre de mandats présidentiels et l’interdiction de réviser cette disposition, il le soupçonne d’être à la base de la réactivation du dossier des disparus du Beach en France ».
Aller jusqu’à imaginer que le président de la CNDH Congo a un pouvoir considérable sur les juges d’instruction français – pouvoir que ne détient ni le Garde des Sceaux ni le président français – c’est prendre un pays de séparation de pouvoirs comme la France pour un « pays non démocratique comme le Congo » – pour parler comme le ministre français, Harlem Désir, – où l’on peut relever, arbitrairement, de hauts magistrats, qui n’ont pas obéi aux injonctions du pouvoir, comme ce fut le cas dans la première Affaire Ntsourou.
On attend, en croisant les doigts, les résultats de l’hospitalisation actuelle du président de la CNDH Congo, au Val- de-Grâce. Et, nous reprendrons langue dans cette affaire.
Par Serge Okakola
Source Afrique Education, N° 409 du 16 au 28 février 2015