CONGO SANTE : Élites et pauvres, toutes victimes des carences du système de santé en vigueur

600 lits dans le futur centre hospitalier d’Oyo, petite bourgade d’un millier d’habitants qui devient de fait le centre dans un sens ou l’autre du Congo.

600 lits là-bas parce que le chef de l’état, natif de ce lieu, le veut ainsi tandis que la demande la plus forte se trouve naturellement à Brazzaville ou à Pointe Noire.

Le conseiller spécial sur les questions de santé du Président Denis SassouNguesso, le Professeur Claude Maylin qui a été l’invité de l’émission « La Grande Interview » du 3 janvier 2014 d’Elie Smith déclare avoir été incapable de convaincre le Président de façon que ce grand hôpital de 600 lits soit construit non à Oyo mais à Brazzaville.

Ce dernier dit n’avoir jamais compris les raisons de ce choix: « Honnêtement, cet hôpital devait être construit à Brazzaville » a t-il dit et a poursuivi : « Vu les manquements cruels qu’il y a au CHU, construire un hôpital de cet envergure à Oyo n’était pas une urgence ».

En temps normal cette question devrait faire l’objet d’un débat en conseil des ministres mais le natif d’Oyo régente tout, tout seul tel un homme-orchestre, comme si les ministres en charge de tel ou tel domaine ne comptent que pour du beurre.

Ainsi chaque année et plusieurs fois par an pour certains, des cadres supérieurs, des fonctionnaires, des ministres lesquelles bénéficient d’une couverture légale de soins, mais sans budget spécial y afférent, comme aussi des parents et amis, sont évacués à cout de plusieurs millions de francs CFA pour des soins de santé ou visites médicales en France. C’est le Trésor Public qui paye, donc le peuple qui en pâtit.

Le Président lui-même se rend régulièrement en Espagne, à Marbella aux mêmes fins.

Où est donc passée la dynamique de 1989 lorsque Mr Sassou disait dans le discours d’inauguration du CHU rénové et entièrement équipé : « plus aucun congolais n’ira se faire soigner à l’étranger ».

Le budget national de l’an 89 ne valait pas les plus de 4000 milliards actuels !

Qu’est ce qui a changé en 25 ans pour entraîner un tel recul ? La guerre de 1997 et autres crises sociopolitiques ? Oui ! Ici on ne manque pas de justifier tout ce qui ne fonctionne pas par cela….

On s’accroche à cette sombre partie de notre histoire comme une ombre indispensable à justifier les tares préfabriquées….

Des dizaines de millions de FCFA par personne et par trimestre quittent le pays pour l’autre pays, la France, qui a pourtant un système de prise en charge qui met ses habitants, riches ou pauvres, à l’abri des déboires de cette question que connaissent et subissent  nos concitoyens.

Le Congo aurait pu pourtant égaler l’hexagone en matière de prise en charge de la santé grâce au petro-CFA qui coule à flot.

Pourquoi ne structure-t-on pas le CHU de Brazzaville comme on a pu le faire avec moins en 1989 ?

A ce propos, le Professeur Maylin a également reconnu que le nombre de médecins formés par an estimé à 20 est insuffisant.

plan20dun20futur20hpital20au20congo-6906693Ce nombre devrait être revu à la hausse pour avoisiner les 100 ou 150 médecins ; il a maintes fois soulevé le problème sans suite, tout en faisant constater que « ce n’est pas une affaire d’argent, mais de volonté politique (…).D’ailleurs, c’est sans doute l’une des premières décisions que j’aurais pu prendre si on me nommait Ministre de la santé ».

L’un des derniers évacués sanitaires congolais en date est Me Jean-Martin MBEMBA, ancien ministre et actuel Président de la Commission des Droits de l’Homme, assigné à résidence de fait depuis plus d’1 an jusqu’à fin juin 2014 pour une supposée affaire de « trafic d’armes aux fins de déstabiliser les institutions de la République».

Jusque là aucune preuve de cette affaire n’a été apportée ; aucune arme du lot de « 300 à 400 armes » prétendument « saisies » chez lui, n’a été brandie par la police de Mr NDENGUET.

Le prétendu financier de l’opération a été mis définitivement en liberté il y a belle lurette, faute de preuves.

Pour la première fois, on est présence d’un « coup d’état » sans armes, ni  finances et avec simplement 6 citoyens atrocement torturés et toujours détenus, dont l’un, Eric SOUAMI, y a trouvé la mort.

Convoqué, Jean-Martin MBEMBA a refusé de se présenter aux services de la DST, étant donné les violations flagrantes des règles cardinales du code de procédure pénale en pareilles matière.

La police s’est autosaisie sans un seul acte de procédure émanant ni du parquet, ni d’un juge d’instruction.

Depuis mai 2013, Jean-Martin MBEMBA est donc assigné à résidence de fait, sans aucun acte de poursuite encore moins d’un jugement, comme beaucoup d’autres, tels Guy MAFIMBA ou Mathias DZON.

Entre temps, Jean-Martin MBEMBA n’a pu accomplir aucun déplacement, ni professionnel, ni comme Président de la CNDH.

Malgré une hospitalisation de 10 jours programmée à l’hôpital d’instruction des armées du Val de Grâce à PARIS, Jean-Martin MBEMBA n’a même pas été autorisé de s’y rendre.

On a soutenu que c’est l’implication majeure de Me MBEMBA lors de l’introduction dans la Constitution de 2002 des dispositions intangibles  dont l’interdiction d’un 3ème mandat présidentiel qui serait le fondement du courroux à son encontre de ceux qui nous gouvernent.

D’autres avancent le fait que Jean-Martin MBEMBA a été celui qui a préparé, étant Ministre de la Justice en mi- mai 1999, le dossier des disparus du Beach.

En effet, saisi par un autre membre du gouvernement de la situation de désarroi dans laquelle se trouvaient les parents des disparus, Jean-Martin MBEMBA avait alors chargé sa directrice des droits de l’homme de recevoir et entendre tous les jours ouvrables et pendant plus de 2 mois tous les parents concernés, en grande majorité des mères et des sœurs des disparus.

358 dossiers de disparus furent constitués et remis personnellement au Procureur de la République et au Doyen des juges d’instruction aux fins d’ouvrir une information, car il y avait disparitions.

Ce sont sur ces bases que fut organisé en mai le procès de 2005, retransmis en direct à la radio et à la télé ; certains de ceux qui ont comparu des semaines durant dans ces circonstances, bien que malheureusement acquittés, n’ont peut-être pas oublié ce qu’ils ont qualifié d’affront personnel.

Sans le dossier constitué au Ministère de la Justice, il y a à penser que l’affaire des disparus du Beach aurait été étouffée comme bien d’autres.

Conséquence directe – aux dires des praticiens- de l’immobilisation forcée pendant plus d’un an de Jean-Martin MBEMBA, sans contrôle médical – d’autant que ce qui lui est reproché a éloigné bien de praticiens-Me MBEMBA a fait une crise aigüe cette mi-juin : principalement une fièvre élevée, mais surtout qui ne baissait pas.

Jean-Martin MBEMBA a été alors conduit par sa famille au centre le plus proche de sa résidence, au centre médico-social de l’Ambassade de France où il est traité en urgence.

Il fut hospitalisé par la suite dans une clinique de Moungali, puis ré-hospitalisé dans la même semaine sous le contrôle d’un médecin franco-béninois qui ne voyait d’autre issue au maintien à la vie de l’avocat que d’être évacué à l’étranger.

En effet, avant que le médecin franco-béninois de Brazzaville ne fasse réadmette Me MBEMBA dans cette clinique, ce dernier était presque inscrit à l’article de la mort.

Un communiqué a attiré l’attention des autorités, mais elles n’ont pas bougé, jugeant que c’est monsieur Jean-Martin MBEMBA qui est malade et non le Président de la CNDH.

Les proches de l’avocat obtiennent difficilement de lui son accord afin que les autorités soient saisies de façon officielle par le bureau de la CNDH, principalement pour qu’on le laisse sortir comme l’exigent les médecins.

Dit-on qu’après quelques « réunions familiales » et au bout de 2 jours, les autorités « autorisent » enfin l’évacuation du « pestiféré » et sa prise en charge légale, puisqu’il en a droit comme Président de la CNDH.

Pour s’enquérir de la situation, le Ministre d’Etat et directeur de cabinet du chef de l’Etat Firmin AYESSA rend visite à Jean-Martin MBEMBA, Président de la CNDH, dans la clinique mentionnée ci-dessus située dans un quartier populaire de la ville.

C’était un lundi et le vendredi qui suit, l’avocat s’envole avec son médecin traitant, un accompagnateur et son épouse pour être hospitalisé à Paris où il sera admis en réanimation.Trois jours où  il pouvait enfin respirer sans assistance médicale.

Coût total de l’évacuation : soins en urgence dans le centre médico-social français, hospitalisation et ré-hospitalisation dans la clinique de Brazzaville,4 billets d’avion, oxygène dans l’avion, frais de mission du malade, du médecin ainsi que de l’accompagnateur, ambulance au départ et à l’arrivée, hospitalisation à Paris pendant plus d’une quinzaine de jours,examens et contrôles externes qui vont suivre pendant une durée plus ou moins égale :63 millions de francs CFA soit un peu moins de 100 mille euros.

Son évacuation en juin 2014 a suscité beaucoup de bruit dans le paysage politique congolais, d’abord parce que l’orgueil de l’homme ne lui permettait pas de faire une deuxième demande de sortie de territoire pour raison de santé à ceux la même qui le lui ont refusé l’année dernière.

Par rapport  à d’autres évacuations sanitaires, celle du Président de la Cour Suprême par exemple qui est de nouveau reparti en France, ou d’autres citoyens encore qui ne bénéficient pas d’un statut officiel comme Me MBEMBA ou le Président de la Cour Suprême, le coût de l’évacuation de Me MBEMBA ne semble pas être le plus élevé.

On peut citer l’exemple du Président de l’OCDH (Organisation de la Commission des Droits de l’Homme), Roger BOUKA, ou du Président d’un parti comme le MSD, Blanchard OBA, tous deux évacués par avion médicalisé, alors qu’ils n’ont  pas de statut spécial. Il est vrai qu’ils ont eux aussi le droit d’être soignés à n’importe quel prix, parce qu’il s’agit de citoyens congolais.

Les autorités ont une épine de moins dans les pieds, car avec la tension de la question du changement ou non de la constitution qui règne, pour eux, il valait mieux ne pas avoir affaire au cadavre et funérailles de Jean-Martin MBEMBA à l’instar d’autres prédécédés de la République qui n’ont pas manqué d’attirer l’attention de notre confrère dans le magazine «  Afrique Education », au point qu’il a tiré dans cette parution : http/www.afriqueeducation.com/index.php?option=com  content&view=article&id=325, « Sassou aime ses opposants mais une fois morts ».

Maître MBEMBA et d’autres élites et fonctionnaires, par centaines, peuvent avoir des avantages-pièges d’aller se faire soigner dans un contexte où la très grande majorité des congolais ne peut pas rêver  de soins tellement la défaillance de structures et de prise en charge de santé à Brazzaville est criante.

un20malade20au20chu20de20brazzaville-4407582En ce moment même, Aurélie 13 ans, vient de rendre l’âme au CHU de Brazzaville après 2 ans d’agonie pour un cancer facial. Ses parents frappent aux portes pour tenter d’avoir de l’aide et pouvoir enterrer la pauvre fille.  C’est dire si Aurélie est issue d’une famille totalement démunie….

La fondation EBINA dit avoir fait de son mieux, en vain, par manque de gros moyens, Aurélie s’en est allée sans qu’aucune autorité n’ait eu connaissance ou feint de n’avoir eu connaissance de sa maladie malgré les appels à l’aide lancé par ladite fondation.

Aurélie méritait elle aussi d’être évacuée, au besoin par avion médicalisé : congolaise elle a les mêmes droits et les mêmes égards que monsieur Blanchard OBA ou les parents de hauts fonctionnaires bénéficiant des mêmes avantages.

Mais est-ce la solution de fond ?

Dans tous les cas, Me MBEMBA, les fonctionnaires et autres élites qui bénéficient d’un statut de prise en charge des soins et Aurélie ou ses semblables ne sont-ils pas toutes des victimes de la machine du système ou plus précisément du clan familial qui n’a pas encore décidé de structurer la chose sanitaire pour le bien être de tous les congolais ?

Alors, les ministres de ces différents gouvernements ne sont ils pas responsables dans les différents manquements, dans les différentes structures de l’Etat ?

Se posent éternellement comme questions des congolais médusés…. Pourquoi ces ministres ne démissionnent-ils pas pour souligner qu’ils ne cautionnent pas les actes de leur leader ? QUESTION PERTINENTE ET IMPERTINENTE A LAQUELLE UNE TENTATIVE de réponse pourrait entraîner une autre question : « que changera la démission de quelques ministres si rien ne change ? Car une démission de ministre doit bien servir à quelque chose !

Ici, ceux qui ont démissionné se comptent sur les bouts de deux doigts, des anciens sont soit en exil, soit clochardisés en raison de robinets coupés…. Alors, l’objectif d’une démission si elle doit servir à améliorer ce pourquoi elle a eu lieu n’a jamais été ici atteint.

Non, une démission sous les cieux congolais n’est en rien palliative d’une situation.

Que faut il pour que les congolais d’en haut et d’en bas puissent au même titre être logés à la même enseigne pour les soins dans leur pays et dans leurs hôpitaux ?

Pauvres congolais, élites et pauvres…. Vous êtes à plaindre. C’est en substance les propos du conseiller à la santé du Président SASSOU qui dit encore : « Il est encore plus difficile de gérer un centre hospitalier au Congo, que de le gérer en France. Et l’une des raisons de cette difficulté réside dans le fait qu’au Congo, des agents sont recrutés sur des bases régionales plutôt que pour leurs compétences », http :// blogs.mediapart.fr/blog/jecmaus/190114/ congo-brazzaville-professeur-claude-maylin-ce-conseiller-de-sassou-qui-pu-dire-un-mot-propos-du-debat-s.

SADIO KANTE-MOREL

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