Le procès aux Assises du défunt compatriote Eugène Boussoukou dont j’ai reçu la fille Chloé et l’oncle paternel chez moi a débuté aujourd’hui à la cour d’appel de Lyon dans le vieux Lyon, près de Fourvière.
La défense de la victime était représenté par trois avocats ; celle du prévenu par une avocate apparemment d’origine arménienne.
La première journée a consisté à désigner les six jurés et leurs deux suppléants, à entendre les experts et les représentants de la force publique pour ensuite procéder à l’interrogation de monsieur Aram Kachaturian qui a reconnu le meurtre confondu par son ADN et ses documents retrouvés rue Antoine Charrial à Villeurbanne chez le défunt.
Parmi les experts on notera un psychiatre qui a dépeint le profil du meurtrier que nous nommons ainsi puisqu’il a reconnu les faits, le médecin légiste, un commandant et un capitaine de police. Pour le psychiatre, monsieur Aram Kachaturian ne présente pas de troubles psychotiques mais probablement des problèmes d’alcool. A ce propos, monsieur Kachaturian avouera à la fin qu’il avait bu une moitié de bouteille de vodka avant de rencontrer le défunt – alors qu’au départ, il ne faisait état que de quelques bières…
Le prévenu présente un visage dur, une tête rasé à la manière des soldats, des yeux creux noirs de tueur qui ne laissent transpirer aucun regret – même si peut-être sous le conseil de son avocat, il fera mine de s’excuser à la fin de l’audience de la première journée, une bouche aux lèvres fines de parfait Al Capone, un menton carré dur de véritable coriace, une poitrine qui semble dénoter la pratique d’un sport (monsieur Kachaturian affirmera pratiquer la gymnastique…), le tout donnant l’aspect d’un homme cruel.
Ce procès est prévu jusqu’à mercredi prochain. Demain, nous aurons le témoignage de la fille du défunt Chloé, de son oncle maternel ainsi que les plaidoieries de l’avocate générale et des avocats de la défense.
Sur le prévenu : il a d’abord prétendu être né le 13 février 1974 mais confondu par un dossier envoyé par la police russe comportant des photos de lui à plusieurs âges, il admettra être né le 13 février 1980. Ce sera le premier mensonge mais non le dernier car toute la journée a été émaillé de contradictions poussant son avocate à anticiper une plaidoierie de fortune. Ensuite, il prétend être Arménien de Bakou en Azerbaïdjan et parle trois langues : l’arménien, l’azéri et le russe. Les informations fournies par la police russe à Interpol indiquent qu’il s’agit d’un homme qui a été poursuivi en Russie pour meurtre, vol, viol, banditisme, hooliganisme. Aurait-il fui la Russie pour éviter des poursuites pénales ? Nous ne le saurons peut-être jamais. Chose curieuse, au procès, il ne s’exprime qu’en russe avec une traductrice – alors qu’il semble comprendre le français et avoue en parler un tout petit peu. Quant à la langue au travers de laquelle il communiquait avec le défunt, il prétend qu’ils utilisaient l’anglais et quelques signes explicites. La petite Chloé est formelle : son père ne connaissait pas l’anglais. Cet homme prétend peu éduqué mais il semble très instruit avec une certaine connaissance des techniques de combat…
Il prétend avoir rencontré le défunt Eugène Boussoukou au début du mois de février en lui demandant une cigarette, le défunt lui aurait alors proposé de prendre un verre. Sans domicile fixe, il aurait passé une nuit chez monsieur Boussoukou avant d’être menacé avant un couteau par le défunt qui avait 2.14 gramme d’alcool par litre de sang. Il a prétendu avoir arraché le couteau des mains d’Eugène avant de l’égorger, l’aurait vu perdre tout son sang pour le couvrir ensuite d’une couette pour finalement sortir de l’appartement oubliant ses documents de demandeur d’asile et sa carte TECELY de transport en commun lyonnais.
La déposition du médecin légiste sera riche en enseignements : La mort du défunt remonterait au 5 ou au 6 février 2013 tandis que le corps ne sera retrouvé par la police que le 10 mars 2013 ; or comme le fera noter un des avocats du défunt, Aram Kachaturian n’a pas cherché de logement social pendant quelques jours au début du mois de février – alors qu’il ne dérogeait pas à la règle depuis le mois de décembre 2012.
Monsieur Kachaturian a égorgé le défunt en l’immobilisant par derrière avant de dégager sa gorge qu’il a tranchée de trois coups de couteaux sadiques, risquant même de faire tomber la tête tellement il s’était appliqué avec force brisant les cervicaux. Les coups horizontaux révèlent qu’ils ont été portés par un droitier – alors que monsieur Kachaturian rétorque qu’il les aurait portés de face – ce que le médecin légiste a réfuté. En tout, on a dénombré huit plaies et sept coups de couteaux, les quatre autres s’expliquant par la résistance qu’opposait le défunt pour ne pas se faire trancher la gorge et qui l’auraient atteint à la tête et dont l’un aurait même percé son oreille gauche. L’objet du crime n’a par ailleurs pas été trouvé car il serait étonnant qu’un simple petit couteau de cuisine fasse tant de dégâts. Le médecin légiste indique que le défunt ne présentait aucune blessure de défense aux mains ou aux bras – c’est-à-dire qu’il n’a même pas eu le temps de se défendre. Il est même à se demander s’il y a vraiment eu bagarre vu que le défunt était assez éméché.
Son avocate essaie de porter deux types d’arguments : des arguments de nature traumatique et l’absence de préméditation. Le traumatisme viendrait de l’assassinat de son père, de la mort de sa mère et de la violence subie par une soeur, aucun de ces faits n’étant étayés par aucune preuve matérielle : il est courant qu’un demandeur d’asile invente des faits pour rendre sa déposition plus crédible. En effet, toutes les déclarations de monsieur Kachaturian ne demandent qu’à être crues sur parole. Le psychiatre a noté des problèmes d’alcool qui ont d’ailleurs provoqué une cirrhose du foie chez monsieur Aram Kachaturian.
Des questions ont été posées auxquelles monsieur Kachaturian n’a pas vraiment donné de réponse : il prétend que le défunt était allé prendre un couteau à la cuisine. Pourquoi n’est-il pas tout simplement sorti puisque la porte n’était pas fermée à clef ? Comment le défunt pouvait-il porter une veste à l’envers ? Pourquoi a-t-on retrouvé ses documents sous le fauteuil comme s’il les avait dissimulés ? Pourquoi sa carte TECELY était-elle au-dessus de la porte ? Où a-t-il pris la couette pour couvrir le corps du défunt s’il ne connaissait pas l’appartenant puisqu’il prétend n’y avoir passé qu’une nuit ? Il prétend ne pas avoir prémédité la mort du défunt, alors pourquoi tant de violence après l’avoir prétendument désarmé ? Comment a-t-on retrouvé son adn sur une fourchette dans l’évier alors qu’il n’avait passsé qu’une nuit, les assiettes du repas de la veille se trouvant au salon sur la table basse et qu’il prétend avoir lavé le couteau du crime avant de le ranger ? Le juge lui a demandé : » Pourquoi ne vous êtes-vous pas rendu à la police après ce meurtre ? « Il a répondu par : « Je ne sais pas » à plusieurs reprises…
Demain s’annonce une autre journée éprouvante car même si au départ le prévenu n’était pas entré avec l’intention de tuer Eugène Boussoukou, on peut dire qu’en le mettant à la porte Eugène avait réveillé en lui l’instinct du tueur, peut-être de l’homme de guerre qui n’a aucun scrupule à ôter une vie innocente de sang froid…
Source: http://www.demainlenouveaucongobrazzaville.org/article-cour-d-assises-de-lyon-pres-la-cour-d-appel-compte-rendu-de-la-premiere-journee-d-eugene-boussouko-124781223.html