DE J.M.M. MOKOKO: REPONSE A GEORGES GOMA ([1])

aaaafelix-1473530 ([1]) : Ceci est une réaction rapide à un post aussi rapide et lapidaire de Georges GOMA (sociologue, professeur, et journaliste au Canada) sur Facebook. Parce que cela recoupe les discussions du moment de beaucoup de Congolais et d’Africains, nous mettons les termes sur la place publique mais, notons que cet échange continue sur facebook et est loin d’être terminé…

Quelques remarques, que j’espère essentielles et objectives à ton ‘Point de vue’ cher Georges:

D’abord,  » législature transitionnelle vers la restauration de la démocratie dans un pays détruit par un tyran incorrigible ».

A cela, tous les patriotes et démocrates devraient s’accorder et, cela implique que les prétendants au rendez-vous voulu et stratégiquement créé par le tyran disent clairement qu’ils participent à ce rendez-vous comme éventuelle voie de sortie pacifique de la crise et de l’autocratie, et non comme mandat réel. Ils doivent également, et par conséquent, par un engagement et un pacte clair, dénoncer autant le chiffon constitutionnel d’octobre 2015, que l’indigent texte de 2002 qui sont, tous les deux, fruits et prolongement de la dictature et de l’humiliation nés de 1997. Sans quoi, politiquement, juridiquement, objectivement, on continue à nier et à se contredire avec les principes fondamentaux de la Conférence nationale massivement acceptés et votés par les Congolais, et donc fondement essentiel de notre société politique. Je rappelle que les partisans de 1997, dont nombreux sont autour du général Mokoko, ont toujours explicitement considéré la Conférence nationale et ses principes comme une parenthèse, ne s’y référant que sélectivement, quand cela les arrange.

– Tu formules ensuite que « Ma subjectivité c’est de penser qu’un homme du sud directement au pouvoir après le tyran avec toutes les « mines anti-personnelles » qu’il aura planquées partout (comprenez la métaphore utilisée), risquera de créer une situation très difficile car pour construire une Nation, il faut commencer par rassurer le peuple dans toute sa globalité ».

On s’accorde sur ses fameuses ‘mines’ que je n’ai cessées de souligner. Par contre, quand tu envisages de ‘rassurer le peuple dans toute sa globalité’ par un homme indiscutablement classé dans les représentations congolaises, ne pourrait-on pas te reprocher de ne voir l’apaisement qu’à sens unique, et pas dans sa diversité et sa complexité comme l’est la société congolaise. Déjà, et on l’a lu, il ne manque pas de Congolais pour souligner que cette candidature et certaines autres participeraient du « Plan B de Sassou et de son clan pour conserver le pouvoir au nord » (Kovalin Tchibinda-Kouangou)! Cela suffit à relativiser ledit apaisement

Je te rappelle à ce propos que c’est cette complexité qui a notamment inspiré la présidence bicéphale (purement symbolique) du début de l’indépendance, sous Youlou. Autrement dit, et je reviens là sur une de mes thèses qui peut en exacerber certains: n’est-il pas temps de rompre avec ce modèle incohérent, anachronique, infernal et destructeur d’un seul président et que, justement, à un moment crucial comme celui-ci pour l’avenir de notre pays, ‘l’apaisement’ soit intégral et commence également, pour les prétendants, par un ticket à deux têtes. Ceci participe de ton affirmation, selon laquelle, « Il faudra des trésors d’intelligence et de sagesse pour refermer la malencontreuse parenthèse ouverte en 1997 et qu’il faut nécessairement refermer en 2016 ».

– Enfin, et heureusement, tu soulignes que « d’autres que Mokoko qui auront démontré ces facultés d’apaisement et d’assurance retiendront aussi mon attention ».

Clairement, tu nuances la personnalisation car, toute notre histoire c’est la naïveté et la croyance en un individu, alors que l’histoire universelle ne cesse de rappeler cette banale vérité connue de tous les initiés en sciences sociales et politiques, selon laquelle, « c’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ». Sassou était majestueusement populaire après le renversement de Yhomby en février 1979, et, en cela, c’est sans garantie aucune que les Congolais l’ont accepté comme président de la République, avant qu’il ne nous produise un puissant cocktail de maux sans précédent dans l’histoire du pays! Cela ne devrait-il pas nous pousser à relativiser le leadership et à être plus lucide, même si, il est vrai, et je ne cesse de le rappeler moi même chaque fois que j’en ai l’occasion, la situation congolaise est largement militaire, mais pas que militaire. Au risque de s’enfoncer un peu plus dans l’équation égyptienne dans laquelle nous sommes déjà très avancées. Autrement dit, Mokoko dont on connaît autant les faiblesses que les qualités au regard de son profil professionnel pré et post 97 et de notre contexte socio-culturel, peut bel et bien être une des pièces maîtresses de notre édifice institutionnel transitionnel, à côté d’une autre forte figure civile non concoctée et pas que ‘sous-fifre’ comme d’habitude, pour en assurer le contrepoids institutionnel, mais, de grâce, tirons les leçons concrètes de notre histoire politique et ne reproduisons pas, béatement, les mêmes erreurs du passé, de la croyance en un seul homme, à l’homme providentiel. Telles sont mes brèves remarques à ton lapidaire ‘Point de vue’ cher Georges car, mon petit doigt me dit que tu as encore beaucoup plus dans ta besace…

Félix BANKOUNDA MPELE