Déclaration de L'Alternative Congolaise pour une Transition d’État (ACTE)

Lettre ouverte

Depuis un demi-siècle, le Congo-Brazzaville vit une dictature cruelle et schizophrénique qui non seulement ruine l’économie mais également inflige de profondes blessures qui hantent la mémoire collective. Les souffrances passées et présentes clivent à n’en point douter l’espace politique et délitent l’unité des Bantu ainsi que leur survie en Afrique Centrale. Ces derniers temps, le changement de la loi fondamentale et la confiscation du pouvoir à l’issue du scrutin électoral de mars 2016, ce pays vit dans un état d’urgence permanent. Une chasse à l’homme systématique sévit contre tout opposant civil ou militaire au système. Une justice d’exception règne au vu et au su des organisations des droits de l’homme. Un génocide s’opère dans l’espace culturel historique Kongo devenu un no man’s land. Multipliant les actes criminels, monsieur Sassou-Nguesso exerce un fascisme hitlérien engagé depuis son coup d’État du 5 juin 1997. Dans un unilatéralisme absolu, lui et lui seul décide du présent de ce pays, du droit de vie ou de mort. L’asservissement est total et la liste de ses forfaits est longue : • Purge dans les rangs de l’opposition politique à son régime.

• La polarisation de la vie publique par l’hégémonie d’un seul et unique parti, le PCT. Les partis politiques n’existent plus que de nom et vivent dans la clandestinité, sans réelle alternative face à la chape de plomb totalitaire et répressive.

• Une campagne de destruction massive est orchestrée dans la région du Pool sous un prétexte fallacieux, dans le seul but de faire plier le peuple Kongo. Le pays est en proie à une vaste entreprise visant à dissuader sa population en ces termes « tu oses, on t’appelle le défunt », maxime particulièrement vrai pour les acteurs d’arrière-plan. La liberté d’opinion est pourtant le principe même dévolu au peuple en démocratie. Les atteintes au droit et à la personne, les enlèvements sont des signes symptomatiques de cette dissuasion. Paradoxalement, certaines personnalités de cette opposition tentent d’ignorer ces atteintes graves aux libertés fondamentales. Serait-ce par stratégie d’apaisement porteuse de paix sociale, ou bien agissent elles en fossoyeurs de l’opposition au nom du régime ? L’ACTE reconnaît que lutter contre la dictature du Congo-Brazzaville est une entreprise difficile et périlleuse et qu’il vaut mieux avancer intelligemment quand on se dresse en prétendant ou en défenseur des libertés. D’autant plus que la lutte contre cette dictature adoubée par l’extérieur est perçue comme une menace aux intérêts français. Les déclarations d’Hubert Védrine du gouvernement Jospin résume bien la position française à l’égard du régime putschiste au Congo et fonde son assise : « Mieux vaut une présence critique aux côtés de Sassou-Nguesso qu’une absence moralisatrice », fin de citation. Ce fut également le cas au Rwanda où le régime Habyarimana a été soutenu par la France malgré le génocide. Par ces considérations, il faut bien discerner le mode opératoire de ce régime et de son environnement intérieur et extérieur. Lutter contre cette dictature est un combat noble. Mais, si c’est uniquement pour servir les intérêts extérieurs et les plans de guerre français sous-traités localement, ce n’est pas forcément servir la démocratie dans notre pays.

De ce fait, tout le génie consiste à remédier à la faiblesse du milieu politique local postulant à l’opposition. Nombreuses personnalités se réclamant de l’opposition étant issus des rangs de ce régime, l’ACTE constate que certaines ne sont toujours pas en accord avec la finalité de la lutte. En effet, alors que la majorité des opposants projettent de servir une république juste et démocratique, messieurs Parfait KOLELAS et TSATY-MABIALA entretiennent une entente cordiale avec le régime faisant voler en éclats les alliances pré-électorales IDC-FROCAD-CJ3M. Dans ce contexte, pourquoi se positionner à l’opposition alors que les actes démontrent une attitude ambigüe profitant au pouvoir en place ?

L’opinion nationale aimerait savoir comment ces acteurs comptent utiliser leurs talents dans leur démarche. Est-ce qu’ils sauront les utiliser en faveur de la démocratie ? Comment parviendront-ils à se sortir de la compromission, en dépit de toutes ces persécutions que leurs amis politiques font subir au pays et à leurs compagnons d’infortune. Comment feront-ils pour réaliser leur idéal d’alternance politique face un régime qui chacun sait ne lâchera rien volontairement ? Tenant compte de la conjoncture politique actuelle : 1°) L’ACTE recommande aux hommes politiques qui privilégient la concertation avec ce régime de cesser toute discussion qui n’aborde pas les arrestations arbitraires de personnalités politiques et leurs collaborateurs. Il est inutile d’espérer raisonner une dictature stalinienne et fasciste. Persister dans cette démarche est une validation de la normalisation politique espérée par l’usurpateur Sassou-Nguesso. Autrement, l’opinion retiendra définitivement de cette collaboration avec le pouvoir comme étant un simple jeu de rôle de fossoyeurs de l’opposition travaillant pour le pouvoir.
2°) L’ACTE préconise que, dans un élan héroïque, tous les leaders de ladite opposition interne se montrent solidaires avec les prisonniers à l’exemple de Jacques Opangault revendiquant l’emprisonnement en juin 1965 contre la machination judiciaire orchestrée par les pseudos révolutionnaires à l’encontre du Président Youlou et de 13 de ses anciens ministres. L’opinion doit savoir que l’arrestation séquentielle ciblant un à un est une tactique de dominos qui perd son effet si tout le monde se constitue prisonnier. Nous convenons qu’une pareille résistance est difficile à réaliser tant le péril physique est réel face à une dictature criminogène. Mais cette réaction est une réponse efficace et salvatrice tant elle crée le vide contre lequel toute force s’épuise. Cette résistance pacifique changera le cours de l’histoire puisque l’effet domino se retournera inévitablement contre le régime précipitant in fine son effondrement. Des prisonniers ne négocient avec un pouvoir que pour l’affaiblir. A l’inverse, l’inaction et le silence s’avèreront politiquement tragique quand on s’aperçoit que la neutralité et la médiation sont instrumentalisées à de mauvaises fins par ce régime.

3°) L’ACTE exige la libération de tous les prisonniers d’opinion (Paulin MAKAYA, ex-dircab de Bernard KOLELAS défunt président fondateur du MCDDI; Modeste BOUKADIA, président de Congo-Sud; Jean-Marie Michel MOKOKO, vainqueur supposé de la consultation électorale de mars 2016; Anatole LIMBONGO-NGOKA, dircab de J3M et militant du MCDDI; André OKOMBI-SALISSA président du CADD et 4e du scrutin de mars 2016) ainsi que tous ceux faussement présentés comme des prisonniers de droit commun tels les journalistes. Il faut que cesse la cabale contre la dignité.
4°) LACTE dénonce d’avance toute mascarade judiciaire envisagée par ce régime de fait qui, par sa nature fasciste, ne peut apporter de preuve crédible contre ces innocents détenus arbitrairement. Et ce n’est pas l’enrôlement de quelques individus intéressés du milieu local ou extérieur à sa solde, prêts à porter des fausses accusations, qui changera l’opinion ni la vérité. 5°) Enfin, l’ACTE exprime sa solidarité à tous les acteurs politiques séquestrés par le régime. Ces arrestations illégales épaississent l’obscurité dans laquelle le Congo s’enfonce chaque jour depuis un demi-siècle. Les promoteurs et les partisans de cette obscurité doivent savoir que le destin des hommes est limité dans le temps alors que celui du peuple est continu. De la nuit émerge le jour. Quoique le régime fasse subir d’inhumain, la résistance sortira mentalement victorieuse et le peuple de Kongo et Bantu vivront libres et en paix. Monsieur Sassou-Nguesso ne pourra jamais briser la résistance au putsch. Il a cru triompher avec l’allégeance de quelques leaders rentrés en rasant les murs, mais la résistance extérieure se renouvelle et reste intacte. L’erreur de nombreuses personnalités de l’opposition interne, c’est d’avoir favorisé les desseins du régime (pouvoir et opposition à la fois dès 1997) en voulant reléguer à l’arrière la résistance extérieure précurseur de la défense de la démocratie et de l’unité nationale, l’Espace Républicain. La dictature avance chaque fois que les hommes se taisent. Vive le Congo !

Vive le peuple Bantu !

Fait à Paris, le 11 janvier 2017

Pour l’ACTE, le Président

NE MFUMU Madisu-Ma-Bimangu