Dialogue de Brazzaville : Pourquoi faire?

Tel un aigle volant au firmament, Sassou veut se placer au-dessus de la mêlée politique au Congo. Or l’histoire congolaise nous montre à suffisance que ce dernier depuis des lustres a toujours été à l’origine des basses manœuvres qui ont ensanglantées et endeuillées notre beau pays.

On aurait pu y croire avec son « J’assume » de la Conférence nationale souveraine de 1991, mais c’était sans compter que les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Qu’assumait-il au juste ? Jusqu’à ce jour, je n’ai pas de réponses à mes nombreuses questions.

Toujours est-il, qu’allons-nous faire à un dialogue décidé en désespoir de cause par celui qui a soi-disant gagné les élections présidentielles avec 8 % des suffrages de ses concitoyens ? Le paradoxe tel que Sassou nous a habitué depuis la nuit des temps. Lui que la providence a toujours ménagé, arrivant au pouvoir au moment où les caisses de l’état sont toujours pleines, n’a eu cesse que de casser comme un jouet le Congo par une absence de vision pour un meilleur futur commun, une mal gouvernance, la gabegie, le népotisme, le tribalisme, le clientélisme et l’achat en masse des consciences. En gros le néant, comme se résume son bilan après 32 ans de dictature féroce.

Après des années de traumatisme, le Congo plongé actuellement dans un chaos institutionnel, économique, financier et social, doit pouvoir se sortir de cette mauvaise passe car le temps passe et presse. Dans la méthode de résolution des problèmes, nous commencerons par définir le problème, en rechercher les causes, trouver des solutions et en garder la meilleure pour l’appliquer, la suivre et l’évaluer.

Le problème actuel du Congo n’est autre que Sassou qui veut se maintenir coûte que coûte, ad vitam aeternam au pouvoir avec sa clique. Sa conversion du socialisme du parti unique le PCT vers la démocratie n’était que par pur opportunisme que par conviction, les faits nous donnant raison. Lui qui exhortait à juste titre tous les démocrates à se lever, à dire NON, lorsque la constitution était violée, se mue en pourfendeur de ces mêmes valeurs qui font la fierté d’un peuple. De démocratie, le Congo est insidieusement devenue une dictature à ciel ouvert avec un culte de la personnalité qui n’a d’égal que le ridicule qui le caractérise. Seuls, les ressortissants de la même région, nous dirons du même coin, peuvent jouir du lait et du miel qui depuis longtemps coulent au Congo. Le peuple congolais, ces déshérités, que l’on ne côtoie que lors des campagnes électorales devra se contenter de l’eau non potable du robinet quand il coule. Il assiste à sa propre mort sous la mitraille, car le pouvoir est au bout du fusil selon la doctrine cardinale du PCT. « Tout pour le peuple rien que pour le peuple » qui a vécu, est devenu un souvenir lointain. La traversée du désert de 1992 à 1997 n’est pas pour rien dans le comportement de celui qui se croit investi d’une mission messianique, celle de gouverner le Congo contre vents et marées, envers et contre tous.

Quant aux causes, nous retiendrons la principale, le coup d’état constitutionnel du 25 octobre 2015 promulgué le 06 novembre 2015. Bien qu’un peuple ne réponde généralement pas à la question posée lors d’un référendum, le peuple congolais, au moins les 5 % des votants, a eu la surprise d’avoir été consulté sur une question non posée. Ainsi de l’évolution des institutions, on a fait la bascule vers la nouvelle république. Salut l’artiste ! Tel Machiavel, le Prince d’Edou, une fois de plus a su se jouer de nous pour imposer sa volonté. Ce cirque ayant été précédé d’un énième massacre le 20 octobre 2015. Nous n’oublierons jamais nos martyrs. Sur combien de cadavres faudra-t-il que ce monsieur marche pour asseoir son pouvoir ? Sa saga morbide continue. Mêmes les producteurs les plus prolifiques en histoire glauque d’Hollywood n’auraient imaginé pareil scénario.

Se sentant pris au piège avec dans les bras deux constitutions, fait inédit et cocasse dans une vie politique, il force les événements en convoquant une élection présidentielle anticipée à huit clos. Ainsi, il reconnaît devant l’opinion nationale et internationale que le Congo traverse une crise institutionnelle. Si ce n’était le cas, pourquoi alors avoir anticipé l’élection présidentielle ? Nous sommes habitués aux caprices de celui qui a décidé de prendre tout un peuple en otage et, nous savons aussi que le bon sens l’a quitté depuis longtemps. Nous ne désespérons pas qu’il le retrouve un jour pour l’intérêt général.

L’opposition congolaise, responsable devant le peuple congolais, avait joué le jeu démocratique pour cette élection présidentielle du 20 mars 2016 en incitant massivement ses partisans à aller s’inscrire sur les listes électorales. Un certain nombre de doléances furent adressées au pouvoir en place pour une élection libre, transparente et crédible. Que nenni. Encore une fois, il nous roula tel un boulanger, dans la farine. Mais, il ignorait l’engouement de ce qui fut une grande liesse populaire. Dès lors, nous savons qu’ils avaient perdu le pouvoir :#SASSOUFIT était en marche.

Il organisa l’élection présidentielle en coupant les lignes téléphoniques, internet et les réseaux sociaux, une première mondiale dont on se serait passé. Le Congo fut renvoyé à l’âge de la pierre taillée, nous dirons la préhistoire. S’ensuivit quelques temps après l’annonce nuitamment des résultats de cette forfaiture, une vraie fausse attaque des quartiers Sud de Brazzaville attribuée au Pasteur Ntumi son allié d’hier. Le bouc émissaire tout trouvé pour terroriser le peuple et le prier de rester chez soi pour ne pas manifester son mécontentement devant la tournure ubuesque, tragi-comique, que prenait les élections. Ce qui ne fut prévu, c’est l’enlisement de cette guerre civile dans le Pool et, la réaction bien que timorée de la communauté internationale face au massacre des populations du Sud du pays. Au passage, naviguant à hue et à dia, l’économie mondiale s’est imposée au Congo avec la baisse drastique du prix du baril de pétrole.

Tous ces phénomènes sus-cités ont fini par faire réfléchir celui qui n’écoute que lui-même. A défaut de négociation c’est la confrontation, car le peuple congolais et surtout sa jeunesse n’ont plus rien à perdre et y sont préparés. Arrive alors sous la pression de la France notre puissance coloniale, sous couvert de l’Union Africaine, le moment d’initier un dialogue inclusif. Bien qu’obtus, le pouvoir dictatorial du Congo-Brazzaville ne peut se permettre de vivre complètement en autarcie. D’ailleurs en a-t-il les moyens ? Nos ressources depuis 55 ans n’en servi qu’à la corruption des étrangers, occidents et consorts. Quid du peuple congolais qui croupit dans une misère indicible.

Ce pouvoir sera balayé par le tsunami populaire. La crainte de la perte totale du pouvoir pousse ce dernier à vouloir négocier à ses conditions, en vue d’offrir à certains opposants faibles d’esprit, en manque d’éthique de conviction, des strapontins ministériels. Même devant un buffet l’on peut résister de manger pour ne pas entrer dans le jeu, car la démocratie n’est pas un buffet où l’on ne prend que ce qui nous intéresse. Notre problème prégnant est le respect de la constitution du 20 janvier 2002 et la mal gouvernance de ce pouvoir.

Ce dialogue vivement souhaité par la France pour le climat des affaires au détriment et au mépris du bien-être du peuple congolais ne peut recevoir notre assentiment. Le peuple congolais s’est exprimé le 20 mars 2016 et, son choix doit être respecté. La realpolitik actuelle nous montre que certains dirigeants occidentaux ont chacun leur dictateur qu’ils soutiennent. Poutine soutient Bachar El Assad dont les crimes sont innommables et, François Hollande soutient Sassou qui suit la voie du Syrien. Comme le disait Alain Mabanckou, « pourquoi ce qui est intolérable en France serait toléré au Congo ? »

Sassou est à l’origine du problème, il est le problème, donc il ne peut pas faire partie de la solution. Si dialogue il y a, ce sera pour fixer et régler les conditions de son départ du pouvoir. Nous avons vécu 32 ans comme des moutons, il ne tient qu’à nous d’être maintenant des lions même pour une journée en chassant Sassou du pouvoir. Nous sommes le peuple congolais et nous sommes le pouvoir. Les soi-disant opposants, victimes du syndrome de Stockholm, habitués de la mangeoire de Mpila, qui vont s’aventurer à ce dialogue sans un mandat ferme du peuple congolais pour cautionner de fait ce coup d’état constitutionnel, en porteront seuls la responsabilité devant l’histoire et pour l’éternité.

Dès à présent, nous posons les bases de la vraie souveraineté nationale, gage véritable de notre société démocratique de demain. La libération des prisonniers politiques d’opinion et l’élargissement de nos leaders assignés à résidence qui apparaissent plus comme une évidence qu’un malheureux acte politique, ne sauraient nous distraire du but fixé ni nous attendrir. Si nous nous trompons de problème, nous allons nous tromper de solution. Restons vigilants, car tel un fruit mûr, ce pouvoir va tomber. Notre engagement citoyen nous pousse à nous interroger sur le bien fondé d’une pareille initiative. Notre combat est juste et le but est proche. Ne nous laissons pas enfumer encore une fois. Ne cautionnons pas la politique du bâton et de la carotte. Un tyran trouvera toujours un prétexte pour justifier sa tyrannie.

La convocation du Professeur Charles Bowao ce mardi 07 juin 2016 par les services de sécurité, l’un des derniers remparts contre cette dictature, démontre la fébrilité de ce pouvoir. Connaissant l’homme dont la cohérence de la pensée et de l’action politique est constante, nous ne doutons pas qu’il puisse faire face avec brio à ces tontons macoutes.

« Toute politique qui n’est pas quête de vérité est criminelle. » Simone Weil.

Patrice Aimé Césaire MIAKASSISSA