« « Il n’y a que deux partis dans tout pays : ceux qui osent dire non, et ceux qui ne l’osent pas. Quand ceux qui ne l’osent pas dépassent en nombre considérable ceux qui l’osent, le pays est fichu ». »
Par DJESS DIA MOUNGOUANSI
Djess dia Moungouansi est un activiste de la première heure pour les causes prioritaires de la nation congolaise. En l’occurrence la lutte contre la corruption, la justice sociale et l’impulsion d’un développement garantissant la dignité des congolais. Djess, nous pouvons le dire sans complexe, demeure un activiste toujours en quête inlassable de connaissance et pour les besoins de ses recherches et surtout pour le salut de son pays d’origine, le CONGO. Au moment où le Congo vit une période trouble sur le plan socio-économique l’urgence serait d’apporter des réponses et non de s’affronter.
C’est cette quête de solution qui pousse DAC e NEWS d’aller vers les compatriotes pour obtenir leurs impressions. Notre choix s’est porté aujourd’hui sur Monsieur Djespell Maurice KIBANGOU plus connu sous le nom de Dia Moungouansi Djess, Economiste et Analyste politique résident à Paris .
DAC : Monsieur Djess merci pour votre disponibilité et avant tout DAC e NEWS vous souhaite une bonne année 2018. Avec vous, nous allons aborder la situation chaotique que traverse le Congo. Depuis la fin de l’année dernière le Congo a engagé des pourparlers avec le FMI pour essayer de pallier à une crise économique majeure. Comment peut-on en arriver là avec l’embellie financière qu’a connue le Congo ?
Dia Moungouansi Djess : D’ emblée, je vous sais gré de m’avoir donné cette opportunité d’exprimer mes sentiments sur la situation de notre pays. Mon âme d’Economiste saigne face à ce gâchis et à son corollaire qui est le retard abyssal que prend notre pays par la faute d’un seul homme. Notre pays est devenu la risée en Afrique. Sur tous les plans. Il y a peu de temps, le satrape d’Oyo s’est distingué sur le plan africain en accordant des OFNI( Objets Financiers Non Identifiés) à quelques pays africains en relative bonne santé financière que le nôtre, notamment à la Côte –d’Ivoire. Il ne s’est pas arrêté là : Il a octroyé des « crédits » tous azimuts à d’autres pays africains ; 50 milliards de francs CFA au Niger, 50 milliards de francs CFA à la Guinée Conakry, 25 milliards de francs CFA à la République centrafricaine et à une institution financière, 50 milliards de francs CFA à la BDEAC.
Figurez-vous : quelques jours après cette prodigalité( générosité excessive) de 100 milliards de F CFA, Alassane OUATTARA inaugurait l’autoroute Abidjan- Yamoussoukrou. Le manque de sens des priorités de Sassou a soulevé des vagues d’indignation doublée d’incompréhension en Côte d’Ivoire !
Vous savez, pour se faire une idée de votre pays, il est toujours judicieux de procéder à des comparaisons à d’autres. Je vous suggère d’aller visiter un pays comme le Sénégal, qui pendant que le Congo caracolait avec des budgets de plus de 4000 milliards de Fcfa en 2014 pour une population d’à peine 4 millions d’habitants ; le Sénégal un budget de 2780 milliards de F CFA pour une population de 14 millions d’habitants, continue sa marche assurée vers l’émergence.
Tout compte fait, la situation dans laquelle Sassou et son clan ont plongé notre pays est simplement surréaliste. Elle dépasse tout entendement !
DAC : On évoque ici et là la volatilité d’énormes sommes destinées aux générations futures cela vous inspire quoi comme sentiment ?
D M D: Ce constat est simplement symptomatique d’un Etat en faillite. Nous n’avons plus d’Etat d’autant plus que Sassou et ses sbires se comportent comme des barbares en territoire conquis. Ils font ce qu’ils veulent et n’ont de compte à rendre à personne. Dans un pays normal, ces malfaiteurs n’auraient plus droit de cité. C’est pourquoi, pour envisager un avenir viable pour notre pays, on doit s’atteler dès maintenant à concevoir des mécanismes juridiques qui écarteraient définitivement tous ces prédateurs de la gestion de la chose publique. De même, tout devra être mis en œuvre pour récupérer tous les fonds planqués ça et là à travers la planète, pour reconstruire notre pays. Tout est possible, à condition que cela se fasse dans un élan de réconciliation nationale, sans esprit de vengeance.
DAC : Le Congo serait-il victime d’une carence d’économistes ou d’un problème de mal gouvernance ?
D M D: Pour parler trivialement, le Congo est victime de la dictature. L’une des plus féroces de la planète.On a beau être meilleur Economiste du monde, on aurait du mal à faire florès dans un environnement plombé par des pesanteurs dictatoriales comme la gabegie, le népotisme etc…
Quand je vois la situation de mon ancien Professeur d’économie à Marien Ngouabi, Louis BAKABADIO, qui inspirait respect et fierté ; devenu un simple décorum, payé pour cirer les pompes du dictateur, je me dis que le pays est mort. Ceux-là qui devraient le sortir des abîmes de la médiocrité ont démissionné. Et dans un pays, quand les intellectuels sont abonnés absents, le rempart s’effondre. Ils doivent être le bouclier contre l’obscurantisme en mettant en avant les valeurs de mérite, du goût de l’effort, de la réussite par le travail.
DAC : L’économie va de pair avec la politique dit-on, que pensez-vous des accords signés le 23 décembre 2017 à KINKALA dont les pourparlers se sont poursuivis ce week-end avec la mise en place d’une commission ad doc ?
D M D: Loin de moi l’idée de jouer les Cassandre, le projet d’accord ( les points définitifs ne sont pas encore retenus ) me laisse pantois. On voit un remake du même « Accord de cessez-le-feu et de cessation des hostilités » du 16 Novembre 1999. On ne peut pas soigner une pathologie sans en avoir fait au préalable un diagnostic approfondi. Il s’agit bel et bien d’une crise post-électorale déclenchée par Sassou par son obsession du changement de constitution au moyen des armes en octobre 2015, exacerbée par la fabrication d’une guerre contre les populations civiles au Pool, pour détourner l’intention de la communauté internationale du hold –up électoral du 20 mars 2016. C’est de cela dont il s’agit. Pour plus de perspicacité, la fameuse commission ad hoc doit tenir compte de ces faits pour prétendre concevoir une thérapeutique idoine.
DAC : Quel est votre regard sur le pourrissement de la crise Congolaise ?
D M D: Ce n’est pas un scoop en vous disant que la crise congolaise a été générée et reste entretenue par une seule personne : le boutefeu d’Oyo, Sassou Dénis ( qui est son vrai nom). Il règne par la peur qu’il inspire. Sassou reste immergé dans le délire obsidional, l’incitant à mobiliser tous les moyens de l’Etat non pas pour le bien de la population, mais pour la conservation de son pouvoir, en répandant à dose homéopathique la peur au sein de la population.
De tout temps, pour protéger le quignon du confort de ceux qui gèrent ce système, des peurs sont délibérément générées et entretenues. Les membres du PCT, bureaucrates et les Généraux-affairistes, comprennent d’instinct qu’ils ont la chance de vivre une période exceptionnelle. Les opportunités d’enrichissement personnel ne sont limitées que par le manque d’imagination des individus qui exercent le pouvoir. D’anciens cobras et fonctionnaires deviennent du jour au lendemain des experts consultants.
Aucun peuple ne peut être heureux, à subir une famille, un clan, qui confisque l’essentiel de la richesse nationale, pendant près de quarante ans ! Les nations sur lesquelles règne indéfiniment de tels clans finissent par ressembler aux territoires contrôlés par la maffia. La médiocrité, dans notre pays, est devenue la règle, puisqu’il faut être ou un laudateur obséquieux ou un griot servile, pour accéder aux miettes qui tombent de la table du clan. Les citoyens compétents et valables, qui ne savent pas se montrer soumis et courtisans, sont ou en prison ou tout bonnement laissés sur le bas-côté de la route.
L’ampleur du désappointement de notre peuple en quête d’équité, de justice et de liberté n’avait jamais autant atteint son paroxysme. Même à ceux qui lui demandent un dialogue exclusif, Sassou et son clan jouent le pourrissement. Ils risquent, à court terme, d’être désavoués et défenestrés par le réveil brusque d’un peuple prétendu fataliste, longtemps grugé, humilié et opprimé.
Aucun pays normal ne pouvait imaginer que l’on se retrouve dans ce chaos. Ce système criminogène, tribaliste et impopulaire ne peut plus tenir. Ce n’est plus qu’une question de temps. Le contexte économique désastreux, conjugué à la lame de fond d’une rue vociférante en feront d’une bouchée. J’en suis presque persuadé car l’histoire est là pour nous rappeler qu’en 1963, notre peuple a su prendre ses responsabilités.
DAC : Peut-on s’en sortir de cette situation sans une volonté réciproque de dialoguer ?
D M D: Un dialogue n’est bénéfique que lorsque vous avez affaire à des partenaires sincères. Lorsque vous avez en face de vous, quelqu’un qui n’a jamais rien respecté, qui prend les engagements en s’amuse à les fouler aux pieds l’instant d’après, alors que la vie des milliers de personnes est en jeu, cela inspire plus de la circonspection qu’autre chose.
Mon sentiment personnel rejoint deux maximes d’ Albert Einstein qui disait : « Ce n’est pas avec ceux qui ont créé les problèmes qu’il faut espérer les résoudre ». Ensuite : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ».
Vous comprenez mon scepticisme. Habitué des rencontres dont il a la maîtrise, parce qu’elles sont organisées par lui, Sassou n’acceptera jamais de participer à une CNS bis qui le dépouillerait de ses pouvoirs, conquis en massacrant les Congolais. Le seul dialogue viable se tiendrait sans Sassou en convoquant toutes les couches de la société congolaise. Mais celui-là fera l’objet d’une conquête comme lors du sursaut historique et collectif ayant abouti à la CNS de 1991. Rien n’était gagné d’avance.
DAC : Tout a été bafoué ou simplement instrumentalisé : la constitution, l’institution judiciaire et securitaire… tous ces leviers de la république sont aux ordres du « président » peut-on dire dans ce contexte que le Congo est en démocratie ?
D M D: « L’Afrique a besoin des institutions fortes et non des hommes forts » avait martelé Obama devant un parterre de Présidents africains. Dire que tout est instrumentalisé par le pouvoir est un euphémisme. Toutes les institutions sont tout bonnement vampirisées par Sassou. Toutes les institutions susceptibles de jouer le rôle de garde-fous ont été à dessein vidées de toute substance par lui. Les magistrats qui devaient jouer un rôle de dire le droit, sont au service du Prince et font la volonté du seigneur.
Alors que les magistrats du Kenya avaient bravé la volonté politique, les nôtres ont mis leur amour propre en lambeaux en acceptant de proclamer nuitamment des résultats faux d’une élection présidentielle perdue par Sassou avec 8% de suffrages. Toute honte bue, ils continuent à se regarder dans le miroir. Pathétique !
Les frasques d’un ignoble individu comme OKO NGAKALA, ne font plus rire. C’est la partie de l’iceberg émergée. La réalité est plus dramatique que cela. A tous les niveaux de ce qui reste de l’Etat, la compétence, l’émulation ont été mises entre parenthèse ad vitam aeternam. Le vice, l’impudence sont portés sur les fonts baptismaux. Plus on est médiocre et véreux, plus on gravit très vite les échelles de la société.
DAC : Récemment un des cadres du gouvernement congolais en l’occurrence J.J BOUYA a été interpellé par ses pairs pour de multiples soupçons de détournement. Pourtant il n’est toujours pas inquiété jusqu’alors peut-on parler de justice dans ce cas ?
D M D: C’est une véritable comédie ! Il s’agit en réalité de ce que j’ai appelé par l’épisode de « la nuits des longs couteaux » de l’époque nazie, qu’autre chose. J.J. BOUYA a été cloué au pilori par Jean Claude IBOVI qui ne cherche qu’à sauver sa petite personne.
Fiodor Dostoïevski avait vu juste : « Quand le navire doit sombrer, les rats sont les premiers à le quitter ». La pérennité dictatoriale, qu’aurait pu garantir une victoire à la Pyrrhus, devient de plus en plus hypothétique.
Dans Typhon, de Joseph Conrad, les passagers pris dans la tourmente, voyant qu’un coup de roulis a ouvert un coffre dont s’échappent des pièces de monnaie, se lancent dans un pugilat dérisoire alors que le navire est près de chavirer. Ainsi font les députés nommés, les ministres inconditionnels, la nombreuse progéniture et autres sbires de Sassou. Cette métaphore résume la situation de toute l’oyocratie. Dénués de tout patriotisme, ils n’ont aucun sens de l’Etat, ni d’amour de leur patrie.
« Ce n’est pas avec ceux qui ont créé les problèmes qu’il faut espérer les résoudre ».
DAC : La diaspora congolaise de France est en ébullition avec le projet d’une conférence internationale initiée par Modeste BOUKADIA cela vous inspire quoi ?
D M D: Même si j’ai de la sympathie pour ce personnage, ses idées politiques me font plus penser à une résignation qu’à un véritable combat politique. Je m’explique : le projet de la création d’un Etat sud Congo n’est qu’une utopie motivée par le seul fait que les Nordistes se sont accaparés seuls de tous les postes de responsabilités, qu’ils mettraient en place ce que l’extrême droite appelle en France « La théorie du grand remplacement ». Le constat est peut être vrai, mais la solution séparationniste est mauvaise. Pendant que les grandes puissances cherchent à s’unir pour affronter les nouveaux défis, nous n’avons aucun intérêt à nous séparer. Je reste persuadé que les congolais vont se retrouver une fois Sassou parti.
Quant à l’idée d’une Conférence internationale sur le Congo, elle n’est pas mauvaise en soi si c’est pour mettre tous les problèmes du Congo sur la table. Quoi que, les grands pays décideurs sont tous au courant des tragédies que vivent nos pays. Un triste constat : la communauté internationale pour nos pays potentiellement riches, a toujours été du côté des bourreaux. Notre voisin la RDC, dans le classement d’indices humains, est parmi les pays les plus pauvres du monde, alors qu’elle fait partie des 7 pays les plus riches du monde sur le plan de ressources minières.
Par ailleurs, on peut organiser toutes les conférences sur le Congo, tant qu’un véritable rapport de force ne serait pas crée, il nous sera difficile de se débarrasser de l’ogre d’Oyo. Dans le cadre de la lutte que nous menions sur la place de Paris contre le référendum de 2015, nous étions reçus à l’Elysée, et il nous avait été signifié clairement que le sort du Congo était avant tout entre les mains des Congolais. Madame Hélène LE GALL, à l’époque conseillère de F.Hollande pour les affaires africaines nous avait dit laconiquement « Faites comme les burkinabè, nous viendrons après. Ce n’est pas à la France de faire votre travail ». On connait la suite, le permis à tuer fut délivré par F. Hollande à travers son « Sassou a le droit de… »
Cependant, en toute chose, malheur est bon. En ce début d’année 2018, les difficultés que connaît notre pays deviennent contre notre attente notre grand allié. Sassou est très affaibli, il va falloir lui porter le coup fatal en organisant les conditions d’une insurrection.
DAC : De manière récurrente la diaspora congolaise de France est taxée de volatile brillant par son manque d’unité. Vous, qui êtes un membre très actif de cette diaspora, partagez-vous cette affirmation ?
D M D: Vous savez, les contradictions et autres conflits sont inhérents à la vie des hommes. Cela pose problème quand des comportements toxiques portent un réel préjudice à une cause. Au sein de la diaspora, nous avons des personnes qui croient qu’ils doivent toujours être chef , faisant fi à certaines règles fondamentales de la démocratie, comme l’alternance. A se demander s’ils ne sont pas inspirés par Sassou himself.
En réalité, les égos surdimensionnés deviennent un véritable impedimenta qui plombe notre lutte. Il est triste de constater que certaines personnes ne peuvent pas participer à une manifestation contre le régime de Brazzaville si elles ne sont pas organisées par elles. Ce qui m’agace le plus, c’est ceux qui croient avoir seuls la science infuse, mais qui ne font pas bouger les choses.
DAC : Que faut –il de plus pour rassembler les congolais pour une cause logiquement nationale ?
D M D: A mon humble avis, même s’il est difficile de rassembler tous les congolais sous une même chapelle, nous sommes tous impliqués pour se débarrasser de ce système qui nous oppresse. Ce qui est important, c’est l’unité d’action. Dit autrement, lorsqu’une idée judicieuse émerge de telle ou telle structure, chacun doit s’en réapproprier et l’utiliser à bon escient. On a vu comment l’idée de lettre qui avait été envoyée au FMI, pour mettre cette institution en garde contre le régime prédateur, a été au fur et à mesure améliorée par les uns et les autres. Chacun a essayé de mettre la main à la patte. A la fin c’est bien la société civile au niveau de Brazzaville qui en a fait sienne.
Par analogie, en France, il y avait des idées autour desquelles, la gauche éclatée se retrouvait, ce qu’ils appelaient « des majorités d’idées ». Se battre ensemble pour se faire entendre et pour faire triompher un idéal.C’est de cette manière que je conçois l’apport de la diaspora dans la lutte contre ce régime sanguinaire.
DAC : Votre mot de fin ?
D M D: La situation de notre pays ressemble à s’y méprendre à la métaphore d’un enfant qui tombe dans un puits. Tous les Congolais, témoins de la scène, tétanisés, s’arrêtent à la margelle et personne n’ose entrer dans le puits pour sauver le pauvre innocent. Notre pays est à sauver.
Je termine par cette citation de Montherlant qui nous rappelle la chose suivante « Il n’y a que deux partis dans tout pays : ceux qui osent dire non, et ceux qui ne l’osent pas. Quand ceux qui ne l’osent pas dépassent en nombre considérable ceux qui l’osent, le pays est fichu ».
Quand l’avenir de tout un pays est en péril, les politiques, les militaires et même les civils doivent prendre leurs responsabilités pour boucher les trous de la fameuse jarre du Roi d’Abomey.
Djess dia Moungouansi
Interview réalisée ce 24 janvier 2018 par DAC E NEWS