En attendant le FMI

Les Congolais le redoutaient, sans toutefois oser y croire. Cette fois, ça y est ! Notre président de la République l’a annoncé dans son message du 15 Août : nous allons devoir repasser sous les fourches Caudines du Fonds Monétaire International (FMI) pour réajuster notre économie.

Il n’y a guère, pourtant, on nous parlait de croissance à deux chiffres, d’une réserve assurée pour les générations futures, de notre passage imminent dans la catégorie des pays émergents etc…

Il a fallu les révélations de Radio France Internationale (RFI), notre informateur national, pour nous apprendre que tout cela n’était que bluff et poudre aux yeux. Que notre pays, malgré ses milliardaires auto-proclamés, vivait au-dessus de ses moyens, à 117% de son produit intérieur brut (PIB).

Et, le 14 Août dernier, jour de la fête nationale, notre président nous a confirmé l’arrivée du FMI pour les premiers jours de septembre et notre « entrée en négociations » dès le dernier trimestre de l’année 2017.

Qu’allons-nous, cette fois, sacrifier ? Les services sociaux, qui faisaient les frais des précédentes négociations, sont d’ores et déjà exsangues. Le CHU de Brazzaville et l’hôpital de Loandjili, à Pointe-Noire, enchaînent les grèves mois après mois, et les écoles publiques, lasses de tirer, seules, en vain, la sonnette d’alarme, se meurent à petit feu. Sur qui donc reposera la charge de ces troisièmes négociations à venir ? Ne faudrait-il pas jeter un œil du côté du train de vie de l’Etat ?

Apparemment, c’est là, une source intarissable, puisqu’au moment où l’économie chute, où, à Pointe-Noire, capitale économique du pays, près de soixante mille (60.000) travailleurs sont contraints au chômage, le nombre de députés, lui, passe de 139 à 151, pour un pays de 342 000 km2 et quatre millions d’habitants. Pour quels services à la Nation ?

Nos représentants ne sont-ils pas, en grande partie, responsables du désastre économique où nous sommes, aujourd’hui, plongés ?

Ce sont eux qui votent le budget et en contrôlent l’exécution. Comment n’ont-ils pas pu voir venir le dérapage qui se préparait ? Suivent-ils seulement l’exécution de ce budget ? Quel est, en fin de compte, leur apport à la vie nationale ?

Nous avons une Assemblée nationale sourde, aveugle et muette, dont seul l’exécutif est satisfait. Est-ce normal ?

Mais, cette institution est-elle la seule à manquer à ses obligations ? Que dire du Sénat ? De la Cour des Comptes ? Du Conseil économique et social ? De la Cour Constitutionnelle ? Et toutes les autres institutions dites démocratiques qui n’ont de démocratique que le nom et ne servent qu’à donner le change à ceux qui veulent bien se laisser berner par ces appellations mensongères ?

Pourquoi ne pas avoir le courage de mettre fin à cette mascarade, pour aider au relèvement du pays ? Ne serait-ce pas, au contraire, pour les concernés, une façon de se dédouaner, en reconnaissant leur part de responsabilité dans le désastre où ils ont plongé le pays ?

Pour l’ensemble des Congolais, ce serait l’occasion de remettre à plat nos modes de gouvernance et de réfléchir à des politiques plus conformes à nos capacités réelles, qu’elles soient d’ordre économique ou social ? Ce que nous ne faisons jamais, parce que, dans notre pays, seules les louanges sont autorisées. Les critiques, quelles qu’elles soient et d’où qu’elles viennent, sont considérées comme des atteintes à la sécurité de l’Etat. Alors, tous se taisent, à commencer par ceux qui sont payés pour parler, dénoncer, proposer, juger, trancher : les parlementaires, les ministres, les juges, les conseillers gouvernementaux, municipaux etc … Et pour cause… ne sont-ils pas les alliés objectifs des auteurs de ces dérives ?

La mise sous tutelle de notre économie par le FMI aura au moins l’avantage de libérer la parole de tous ceux qui, lorsque le pays va bien, n’ont pas droit à la parole, notamment les vrais intellectuels qu’on n’entend jamais.  Mais, qu’il va falloir sortir de l’ombre lorsque le FMI exigera qu’on réfléchisse sur des stratégies de sortie de crise.

Ce fut le cas en 2005, par exemple, lorsque dans le cadre du programme d’ajustement structurel, des groupes de réflexion se réunissaient, sous la coordination d’un certain Ondaye, aujourd’hui égaré dans les méandres du pouvoir, pour proposer des stratégies de réduction de la pauvreté dans notre pays.

Je me rappelle y avoir contribué et produit deux études dont l’une sur « le renforcement des capacités des acteurs non étatiques et du Parlement«

Ce qui signifie qu’on n’hésitait pas, alors, à s’interroger sur le rôle du Parlement.

Pourquoi ne reprendrions-nous pas cette réflexion sur nos institutions ? Pourquoi devrions-nous toujours vouloir reproduire chez nous, ce qui se fait ailleurs, quand nous ne ressentons pas la nécessité de l’appliquer chez nous ? Sommes-nous condamnés à toujours imiter l’Occident ? Qui nous y contraint ? Et pourquoi ? Autant de questions que les Congolais se posent sans doute. Mais qu’on ne peut jamais aborder au grand jour, nos prétendus « responsables politiques » n’étant intéressés que par le pillage du pays.

Aujourd’hui que la manne se fait rare, et que les Congolais vont devoir, pour la troisième fois en moins de trente ans, se serrer la ceinture, peut-être quelques Congolais auront-ils le courage de se mettre debout pour imposer un débat lucide et courageux sur notre mode de vie et de gouvernement. Point n’est besoin d’organiser, pour cela, une « grande messe », comme nous les affectionnons. Qu’on libère simplement la parole de tout un chacun, dans le cadre qu’il se sera lui-même choisi. Les équipes du FMI, elles, se chargeront de la synthèse, puisque-nos dérapages répétés le prouvent, nous sommes incapables de nous gouverner nous-mêmes.

Mambou Aimée Gnali

Ancien Ministre