Conférence de presse du mercredi 05 octobre 2016
Mesdames, Messieurs les journalistes!
Bonjour et bienvenue en ce lieu, siège du MSD, qui vous est désormais familier.
La présente conférence de presse est consacrée à la situation sécuritaire et humanitaire dans le Pool.
Nous parlerons aussi de l’enlèvement de notre compatriote Augustin Kalla-Kalla.
Depuis un an, un état de siège est instauré sur l’ensemble du territoire national. Ainsi, ont pu s’accomplir le coup d’Etat anticonstitutionnel du 25 octobre 2015 et le holdup électoral consécutif au scrutin présidentiel anticipé du 20 mars 2016. Vous le savez, le 04 avril 2016, une Cours (in)Constitutionnelle encerclée par une Force publique instrumentalisée, a proclamé des faux résultats. En même temps, avec des moyens militaires colossaux, une opération policière de désordre publique a été engagée dans Brazzaville Sud. Cette opération s’est poursuivie et se prolonge dans le Département du Pool. Le but inavoué de cette opération est clair : empêcher à la majorité républicaine constituée autour des cinq candidats signataires de la Charte de la victoire du 29 février 2016, de défendre pacifiquement sa victoire électorale. Depuis lors le Département du Pool est sous état d’urgence. Les derniers développements nous confortent dans nos interrogations.
Dans un Département envahi par des milliers et des milliers de policiers, de gendarmes et de militaires, et même de supplétifs de la Force publique, comment peut-il se faire que des gens incontrôlés réussissent à semer autant de terreur ? Tout se passe comme si une armée étrangère bien équipée, bien entrainée et motivée à souhait met en déroute l’armée congolaise. Or, nous dit-on, un « rebelle » est recherché pour répondre des forfaits du 04 avril 2016 devant une injustice consacrée, celui qui est traqué depuis cinq mois étant d’avance condamné. Pendant ce temps, à l’invitation du Gouvernement, ses émissaires traînent à Brazzaville en attente des préliminaires d’une négociation politique. Cela fait gagner du temps à la légalité imposée par les armes. C’est la tactique du pourrissement sécuritaire et judiciaire, dont sont victimes Jean Marie Michel Mokoko, André Okombi Salissa, Paulin Makaya, Anatole Limbongo-Ngoka, Jacques Banaganzala, Jean Ngouabi, Marcel Mpika, Nicolas Kossaloba, et tous les autres. Cette pratique éhontée d’harcèlement judiciaire et/ou d’acharnement sécuritaire tout azimut est loin d’être terminée.
Evoquons, ici et maintenant, le cas révélateur de notre cher camarade Augustin Kalla-Kalla, éminent dirigeant de l’IDC. En effet, le 30 septembre 2016, en pleine nuit, devant sa famille ébahie, monsieur Kalla-Kalla a été enlevé par un commando d’une quinzaine de personnes cagoulées qui ont pillé et saccagé la maison où il se trouvait. Augustin Kalla-Kalla a été cagoulé et conduit dans une direction inconnue. Depuis hier nous avons appris qu’il est détenu dans les geôles de la DGST. La DGST qui est tout, sauf un démembrement du pouvoir judiciaire. L’état de santé déjà problématique, ne peut qu’empirer. Il est sans médicaments et n’a droit à aucune visite ni de sa famille, ni de son médecin, ni d’aucune organisation humanitaire.
Comment pouvons-nous tolérer l’intolérable, c’est-à-dire le traitement inhumain et dégradant d’un citoyen au motif qu’il est un adversaire politique ? Comment pouvons nous accepter l’inacceptable, c’est-à-dire, laisser sacrifier des vies humaines sur l’autel d’un pouvoir dépourvu d’éthique? Comment peut-on prendre en otage les populations dont le malheur historique est la proximité géographique avec la capitale politique du pays ? La vérité est que la tactique du pourrissement sécuritaire et/ou judiciaire déroule la ruse d’une stratégie géopoliticienne globale, dont l’objectif est le refus de l’alternance démocratique, donc la conservation perpétuelle du pouvoir. C’est le cynisme politique digne d’un système autocratique en fin de potentiel historique. Quelle cruauté ?
C’est cela la « nouvelle république » ! Au regard des images insoutenables et des témoignages concordants, toutes les localités ont été vidées de leurs habitants. Malgré la présence d’une administration désorganisée, avec une armée inquiète, rien ne fonctionne, ni école, ni hôpital, ni commerce, ni projet de développement. Des morts et des blessés aussi bien civils que militaires à n’en point compter. Des déplacés par milliers. Situé à quelques encablures de Brazzaville, le chef lieu du Département, Kinkala, n’est pas épargné de la tragédie. Voilà où conduit le déterminisme tragique que nous ne cessons de dénoncer et de combattre. Au fond, la « nouvelle république » n’est ni Nouvelle parce qu’elle recourt systématiquement aux méthodes anachroniques (staliniennes) de gestion du pouvoir, ni République parce qu’elle ne respecte pas la volonté générale, mais promeut un régime autocratique.
En fait, la situation apocalyptique dans le Département du Pool, n’est que l’arbre qui cache la forêt. C’est l’expression d’une crise politique nationale qui plonge ses racines dans le coup d’Etat anticonstitutionnel du 25 octobre 2015, conforté par le holdup électoral consécutif au scrutin présidentiel anticipé du 20 mars 2016. La solution durable à cette perversion du jeu démocratique et publique ne peut être que politique, mais pas du tout militaire ou judiciaire. D’où notre appel persistant dialogue politique inclusif. Il n’est jamais trop tard pour dialoguer. Nous ne le dirons jamais assez. Nous exigeons le dialogue politique inclusif, afin de libérer notre pays des démons du passé. L’unique préalable qui s’impose à chaque partie prenante à un tel dialogue politique, est la mise en place immédiate, consensuelle, d’un cadre paritaire préparatoire qui devrait en fixer l’ordre du jour et le mode opératoire. L’histoire enseigne que les guerres classiques ou non classiques se terminent autour d’une table de négociation. Surtout, lorsqu’il s’agit d’une guerre entre les enfants d’un même pays, il n’y a jamais de gagnants, il n’y a que des perdants. Et le plus grand perdant est celui qui détient le pouvoir. Sur le plan éthique, le Chef de l’Etat en est le seul responsable.
Telle est notre lecture de la situation désastreuse dans le Pool, dont la résolution engage l’honneur de la République. Les Plateformes politiques FROCAD-IDC et Composante J3M refusent de cautionner la tragédie qui se joue dans le Département du Pool.
Pour la paix dans le Pool et partout au Congo, pour la libération de tous les prisonniers politiques, pour le triomphe de l’Etat de droit, pour le respect de l’ordre constitutionnel et l’alternance démocratique, nous ne baisserons pas les bras!
Charles Zacharie Bowao