Gwladys Mindouli May : « Ma parole est plus engagée que libre »
Par : Gwladys Mindouli May
Interview réalisée par DAC E NEWS
Originaire du Congo-Brazzaville, la quarantaine révolue, Gwladys Mindouli May a été pour nous l’une des révélations 2017. En septembre, elle avait réagi aux propos de Claudia Lemboumba, la fille de Denis Sassou-Nguesso, dans une vidéo. Un succès : la vidéo a été visionnée à travers le monde. Mais le combat de cette femme, basée en France depuis une vingtaine d’années, administratrice du site d’opinion et d’analyse Entrecongolais.com, ne se limite pas seulement à des réactions épisodiques dans des vidéos, elle participe à des manifestations contre la dictature au Congo, elle n’hésite pas à émettre des avis sur la situation de son pays d’origine.
DAC : Beaucoup de nos lecteurs apprécient vos vidéos, notamment celle sur Claudia Lemboumba. Comment vous est venue l’idée de la faire ?
Gwladys Mindouli May : je regardais Télécongo quand madame Claudia Sassou est apparue dans un long publi-reportage. Elle racontait sa vie, sans vergogne ni retenue, et cela m’a fait réagir. Le soir même j’enregistrais une vidéo pour tenter de lui répondre. Mais que les choses soient claires : je n’éprouve aucune animosité envers sa personne. Ce que j’ai combattu ou que je combattrai chez elle, c’est son côté public – dans la mesure où elle se définit ainsi, puisqu’elle est députée. Elle a contribué à l’extinction du Congo, il est tout à fait normal qu’elle reçoive des philippiques.
DAC : Gwladys Mindouli May, comment vous définissez-vous ? Militante ou femme politique ?
Gwladys Mindouli May : je ne suis ni militante, ni femme politique. Le militantisme ou l’action politique suppose que l’on intègre un mouvement politique. Or je ne suis membre d’aucun parti politique, je ne pense pas non plus à une quelconque élection. Je me définis plutôt comme une Congolaise qui ne peut rester indifférente au chaos que traverse mon pays, par la seule faute d’un clan vorace. Oui, je suis Congolaise et le Congo est mien, aussi interviens-je à ma manière.
DAC : N’empêche que votre parole est libre !
GMM : je ne vois pas les choses comme ça. Une parole libre peut vous emporter. Chez nous en Afrique, la parole tue – ici en Europe c‘est le sentiment qui tue. Il faut donc la contrôler pour ne pas alimenter « les égarements des contraires », dont parle la philosophe française Simone Weil. Pour bâtir une maison, on superpose les pierres, on ne les juxtapose pas. Je veux dire que pour le Congo de demain, nous avons besoin d’idées qui, certes, peuvent se contredire, mais qui ne se détestent pas. Cela passe par le contrôle de la parole, pour éviter qu’elle ne devienne une parole perdue ou humiliée. Ma parole à moi est plus engagée que libre. Du moins c’est ce que je tente de faire.
DAC: Que pensez-vous de la place de la femme congolaise en politique ?
GMM : comme vous, je lis la presse congolaise. Il ne vous a pas échappé que je gère un site d‘opinion et d’analyses sur l’actualité congolaise, Entrecongolais.com. Et dans un article, j’avais lu qu’au Congo la politique était un domaine réservé aux hommes : un nombre insignifiant de femmes au Parlement et au Gouvernement. Pitoyable ! Toutefois j’ai remarqué ici en Europe que la femme congolaise était debout. En tout cas elle l’a démontré durant les manifestations contre la dictature au Congo. Un seul élément d’analyse me traverse l’esprit : le chaos dans lequel le Congo est plongé énerve tout le monde.
DAC : Votre mot de la fin ?
GMM : excellente année à tous ! J’ose espérer que la dictature s’éteindra.
Gwladys Mindouli May