Après une période d’incertitude, François Hollande vient d’annoncer au cours de la 20ème conférence des ambassadeurs, laquelle s’est tenue le 27 Août dernier, sa participation au sommet de la francophonie qui se tiendra du 12 au 14 Octobre à Kinshasa, un plateau idéal pour rendre publique sa vision de la relation franco-africaine. Une relation qui, sous l’appellation de la FrançAfrique, s’est faite jusqu’à présent au détriment des peuples.
Homme de gauche, donc plus réceptif aux revendications populaires même si l’exercice du pouvoir impose des choix, François Hollande a l’avantage de ne pas avoir occupé un poste ministériel qui l’aurait mis au contact des réseaux intéressés.
C’est un homme neuf symbolisant une ambition nouvelle, laquelle doit être pris en compte par ses partenaires africains, particulièrement les plus anciens d’entre eux.
Mais saura t-il tenir ses promesses de campagne?
Là réside toute la question. Seul le temps nous le dira.
De toute évidence, il faut être réaliste. En un quinquennat il ne faut pas s’attendre à des miracles.
Néanmoins, il faut reconnaitre que pour l’instant, soutenu par le Parti Socialiste, le Président français a pris la bonne tangente. Le bras de fer qui l’oppose à Denis Sassou Nguesso en est la preuve.
Car après la mort d’Omar Bongo, le Président congolais reste incontestablement l’homme fort de la FrançAfrique.
Paradoxalement à cause des affaires, notamment celle des 353 disparus du Beach, celui-ci demeure devant l’Elysée le maillon faible de cette sphère d’influence.
Mais, même gravement affecté, Sassou reste un adversaire redoutable. Les visites à Brazzaville en juillet dernier de deux anciens Premiers Ministres français, Dominique de Villepin et Jean-Pierre Raffarin, sont des signes manifestes de sa puissance.
Pour marquer de son empreinte la FrançAfrique François Hollande n’a pas le choix. Soit il laisse la justice suivre son cours, soit il obtient la fin du règne du Président congolais, de deux choses l’une.
Dans les deux cas le temps joue en sa faveur, les échéances présidentielles au Congo n’intervenant qu’en 2016.
Quatre ans, un temps énorme en politique, c’est la durée d’un mandat présidentiel outre atlantique.
En 2016, Denis Sassou Nguesso sera âgé de 73 ans et il aurait été à la tête du Congo durant 33 ans. Une autre mandature le conduirait à 80 ans d’âge avec un règne de 40 ans.
Une hypothèse qui frise le ridicule.
Donc Aujourd’hui la question de sa succession, même dans son propre camp, n’est plus tabou.
C’est pourquoi Hollande a non seulement le champ libre pour agir. Mais en plus l’opportunité lui est donnée d’expérimenter au Congo sa perception de la politique africaine de la France.
Au passage, il est impératif de veiller que d’ici à 2016 la constitution congolaise ne subisse pas un hâtif toilettage pour ne pas fausser les données aux échéances suivantes.
Le départ de Denis Sassou Nguesso apporterait-il le changement tant espéré aux congolais?
Le Congo a déjà connu une alternative politique qui s’est soldée cinq ans plus tard par une guerre civile. En effet en 1992, deux ans après le discours de la Baule, les élections libres et transparentes vont être organisées au Congo. Élections à la suite desquelles Pascal Lissouba, un professeur d’université, va être conduit à la tête de ce pays. Cette expérience permet de démontrer que le changement d’homme n’implique absolument pas un changement de méthode voire un changement des conditions de vie du congolais, la gouvernance de Lissouba ayant été la sœur jumelle de celle de Sassou, d’où le clash de 1997.
La solution au Congo viendra de la prise de conscience du plus grand nombre et non d’un individu qui forcement sera prisonnier, comme l’a été Lissouba, d’une élite inexpérimentée et avide d’argent facile.
À ce propos, il faut saluer la sagesse de Madame Aung San Suu Kyi qui, pour donner un chance aux générations à venir, a juger utile de faire la paix avec ses tortionnaires, une junte considérée comme une des pires dictatures de la planète.
Car aujourd’hui pense-t-elle, l’insécurité créée par la misère et le chômage pénalisent en premier les couches les plus défavorisées. C’est pourquoi conclut-elle, il faut encourager le développement économique de son pays, parce que c’est le moyen le plus sûr pour booster l’ascenseur social.
C’est un argumentaire qui s’oppose courageusement à l’idée que seule la force peut venir à bout d’une dictature.
Pour réussir l’après Sassou, il faut mettre le peuple en capacité de se défendre devant un quelconque comportement tyrannique. Cela passe inévitablement par une meilleure fluidité dans la redistribution des richesses. C’est par ce biais que la classe moyenne va se structurer et se muscler. Et, c’est par ce biais que se conscientiserait le plus grand nombre, la question du leadership n’étant pas prioritaire au Congo.
Pour démystifier la FrançAfrique, François Hollande doit porter le combat sur le terrain économique histoire de réveiller les envies et de susciter un maximum d’adhésion à sa démarche. Il faut rendre visible l’action de la société civile afin que les exemples de réussite fassent tache d’huile et traversent les frontières.
« En 2050, 80% des francophones seront Africains, 700 millions de femmes et d’hommes, chacun comprend ici l’enjeu. » : François Hollande – 20ème Conférence des Ambassadeurs.
L’enjeu est économique et c’est maintenant que la France doit se positionner pour ne pas être supplanter par le pragmatisme chinois.
Philippe ASSOMPI