Interview du général Jean Marie Michel Mokoko: « Rien ne me fera reconnaître une élection que je conteste »

Un mois après l’élection présidentielle au Congo, dont le président sortant Denis Sassou-Nguesso a été proclamé vainqueur, son principal opposant, le général Jean Marie Michel Mokoko est toujours privé de ses mouvements, encerclé par les forces de l’ordre, dans sa villa de Brazzaville.

Par téléphone, il a accordé une interview à Paris Match, indiquant que rien ne fera fléchir sa détermination et appelant à la fin des violences dans la région du Pool.

Un mois après l’élection présidentielle du 20 mars, vous êtes toujours reclus dans votre maison familiale. Quelle est votre situation?

Jean Marie Michel Mokoko. Ça dure depuis presque deux mois. Je suis encerclé par les agents cagoulés du pouvoir, seul avec mon aîné qui a la gentillesse de rester avec moi. Il y a un mois, j’ai fait sortir ma vieille mère afin qu’elle ne subisse pas ces événements. Je ne comprends pas pourquoi moi et un autre candidat à la présidentielle sommes en quelque sorte assigné à résidence surveillée, sans autre forme de procès. C’est très désagréable. Ces derniers jours, les choses se sont aggravées. Plus personne n’est autorisé à entrer ou sortir de chez moi. On m’empêche de m’approvisionner à l’extérieur pour aller chercher de la nourriture ou des médicaments à la pharmacie. Comme lors des sièges du Moyen-Age, on cherche à m’affamer. Ça n’a pas de sens. Et ce n’est pas ce genre de manœuvre qui va résoudre les problèmes de fond du Congo.

Certains affirment que vous pourriez prochainement reconnaître l’élection de Denis Sassou Nguesso?

Rien ne me fera reconnaître une élection que je conteste, pas même ce siège digne du moyen-âge, où on cherche à m’affamer. Je conteste les résultats de l’élection présidentielle car ils ne sont pas conformes à la réalité des urnes. Quand je me suis présenté comme candidat, j’ai insisté sur l’importance de la sincérité du scrutin. J’ai une certaine expérience en la matière, pour avoir organisé plusieurs élections, comme récemment en République centrafricaine. Je sais ce qu’est une commission électorale indépendante. Or, le scrutin n’a pas été sincère. C’est pour cela que je le conteste.

« Je n’ai pas appelé à la violence mais à la désobéissance civile »

Le régime assure que vous vouliez prendre le pouvoir par la force en faisant descendre la population dans la rue.

Ce sont des procès staliniens pour chercher à me discréditer. Je n’ai pas appelé à la violence mais à la désobéissance civile. Je n’ai pas demandé que les Congolais descendent dans la rue mais qu’ils observent une journée de ville morte en restant chez eux. C’est la manifestation la plus pacifique qui soit. Car je ne suis pas partisan de la violence. Le Congo a tellement souffert depuis son indépendance. On est toujours en train de panser les plaies des violences de 1997, notamment dans la région du Pool. Et voilà que de nouvelles exactions ont lieu. Je ne suis pas sur le terrain mais on me rapporte qu’il y a des bombardements des forces gouvernementales dans le Pool, avec des hélicoptères de combat. Il y des dégâts et certainement aussi des pertes humaines. Une chape de peur s’est abattue sur le Congo. Mais ce n’est pas parce qu’on contrôle l’armée et la police qu’on peut diriger sereinement un pays.

Quelle solution voyez-vous à cette crise?

Nous sommes dans une crise post-électorale. Elle ne peut se résoudre que par le dialogue. Il faut un dialogue qui nous amènerait à l’arrêt des violences dans le Pool et à trouver des solutions pour une gestion démocratique du pays. Les grandes instances comme l’Union Européenne, l’Organisation Internationale de la Francophonie ou l’ONU, devraient s’y intéresser. De part et d’autre, il faut dépasser les postures individuelles pour songer à l’intérêt de tous. De mon côté, je suis serein. Comme l’ont montré mes actions passées, j’ai toujours été opposé à la violence et je suis sûr qu’on peut construire l’avenir du Congo sans le recours aux armes.

Par François Labrouillère

Source Paris Match