Question d’échauffement monsieur le ministre, le 15 août dernier, à l’occasion de la fête nationale à Madingou, on ne vous a pas vu, est-ce que, c’est la fête seulement du président de la République et son gouvernement ?
Non, c’est la fête de l’indépendance, elle implique toutes les forces vives de la Nation. Il se trouve que, dans le contexte actuel, nous n’avons pas été invités. À ce moment là, nous ne pouvons pas dire que, la fête était nationale. À travers les images, nous avons vu l’Union panafricaine pour le développement social (Upads) défiler, certainement qu’elle a été invitée et en tant que parti politique indépendant, les membres dudit mouvement ont choisi d’y aller. Mais, croyez-moi, cela n’engage ni le Frocad et encore moins l’Idc, même si l’Upads est à part entière membre du Frocad. C’est la preuve que, nous sommes, en réalité dans une situation de confusion politique où à gauche, on peut inviter les uns, ce qui donne l’impression que, ceux qui ne sont pas là, sont des radicaux, et ne sont pas des patriotes. C’est vraiment une mauvaise lecture par rapport à la situation actuelle du pays. C’est la fête nationale, nous l’avons passée à notre manière, dans la méditation, dans la réflexion, en communion avec les pères fondateurs de notre indépendance et avec tous ceux qui souffrent aujourd’hui, parce que, leur engagement politique est victime de cette intolérance qui fait qu’on peut inviter les uns et rejeter les autres.
A cette occasion, je pensais aussi à tous ceux qui sont arrêtés arbitrairement comme Jean Marie Michel Mokoko, Paulin Makaya et tous les jeunes qui croupissent à la Maison d’arrêt à cause du référendum du 25 octobre 2015 et à ce que moi j’appelle, le hold-up électoral du 20 mars dernier.
Lorsque vous étiez ministre, vous aviez eu à organiser des fêtes nationales, est-ce que tous ceux qui vont aux défilés sont invités ?
Non, mais, ça dépend ! Cela étant dit, elle est quand même organisée et ceux qui défilent, ne défilent pas par hasard. Y’en a certainement qui ont été invités, mais qui n’ont pas été disponibles, y’en aussi qui n’ont pas été invités, mais qui se sont contentés d’y aller comme simple citoyen et tout cela fait partie de la manière dont les choses se vivent. Lorsque j’étais aux affaires, j’ai vu comment les choses s’organisaient. La volonté était toujours de faire que, le 15 août, soit un grand moment de communion nationale, à la fois de façon la plus centralisée au niveau de l’Etat, mais aussi de façon décentralisée. Et je crois que dans ce pays, il y’a parfois des associations qui organisent des rencontres citoyennes autours de cet événement historique, mais malheureusement, ça ne trouve pas souvent l’écho qu’il faut à travers les medias pour qu’on sache, à tel endroit, ceci se fait.
Selon Mme Claudine Munari, le 15 août 2016, serait la fin du mandat du président Denis Sassou-Nguesso, que dites-vous ?
La présidente du Frocad, Claudine Munari, a parfaitement raison de dire qu’à partir du 15 août 2016, le pouvoir est devenu vacant. Symboliquement, cela procède d’une simple lecture. Nous sommes aujourd’hui dans une crise politique et institutionnelle qui tire ses racines de ce que, moi j’appelle, le référendum illégal du 25 octobre 2015 et du hold-up électoral de 2016 y compris le 4 avril 2016. Au fond, la raison est le changement de la constitution qui s’est fait de manière manu militari. Nous sommes aujourd’hui à cheval entre deux constitutions. On peut dire, une constitution acceptée par tout le monde, celle du 20 janvier 2002 qui est d’ailleurs le fruit d’un consensus politique négocié après les événements de 1997 et une autre constitution octroyée au peuple, pour ne pas dire imposée au peuple, celle 6 novembre 2015.
Par rapport à la constitution du 20 janvier 2002, son mandat venait à échéance le 14 août 2016 à 14 heures 30. Autrement dit, il entrait dans la journée du 14 août président, il la terminait non président, donc à partir du 15 août 2016, il est totalement non président, donc il a perdu sa légitimité d’où il tirait son élection de 2009.
D’où notre appel avec assistance à faire que, l’ensemble des forces politiques et sociales tirent dans notre propre génie et dans la sagesse de nation, la capacité de rebondir en allant vers un dialogue politique inclusif pour solder ce contentieux qui existe même si on fait semblant pour les uns, de dire que tout va bien. Mais, en réalité, le contentieux est là, même si pour créer les conditions qui nous permettent d’anticiper la grande crise financière et économique dont nous voyons déjà les prémisses avec les difficultés de paiement de salaires, de pensions et de bourses sans oublier les ralentissements des grands projets bénéficiant des investissements publics, liés à la municipalisation accélérée.
Déjà, concernant la municipalisation accélérée d’un département à un autre, on peut en faire le bilan. Je prends un département comme celui de la Likouala, tous les projets inscrits dans la municipalisation ne sont pas encore arrivés à leur terme jusqu’à ce jour et idem dans d’autres départements. À Pointe-Noire, par exemple, les entreprises sont en train de fermer, c’est dû à la fois à la mauvaise gouvernance et à la chute du prix du baril de pétrole. Les Congolais ont parfois la mémoire courte, lorsque, j’étais au gouvernement, le ministre des finances devant le parlement avait annoncé publiquement que : «nous avons pris de dispositions pour que, quelque soit la situation de chute du prix de baril de pétrole, le Congo sera à l’abri des difficultés». Aujourd’hui, où est-ce que, nous en sommes?
Il faut que, nous nous asseyons ensemble pour solder ce contentieux électoral pour que nous mettions en place une gouvernance électorale qui demain, nous épargne de ce genre de crise.
Donc un partage de gâteau ?
Oui ! Un partage normal de rôle dans la gestion des affaires publiques, par exemple, en ce qui concerne la gouvernance électorale, nous sommes aujourd’hui d’accord y compris ceux qui étaient à Sibiti pour dire que, la loi électorale actuelle ne reflète même pas les conclusions de Sibiti. Il nous faut une Commission électorale indépendante qui prépare, organise et publie les résultats à charge pour le juge de contentieux électoral de faire son travail par la suite. Nous sommes dans une atmosphère d’insalubrité publique.
Qu’est-ce que vous vous êtes dit avec le représentant de l’Onu lors de votre rencontre ?
Le secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires politiques, nous a rencontré, je pense, le 22 juillet 2016, au cours d’une séance de travail où nous avons évoqué justement la crise congolaise. Nous lui avons donné un mémorandum dans lequel nous expliquons, ce que nous entendons par crise congolaise et quelles sont les éventuelles solutions. Nous avons retenus deux choses à cette rencontre : premièrement, les Nations Unies suivaient attentivement la crise congolaise et deuxièmement, les Nations Unies sont d’accord avec nous sur la nécessité d’aller vers un dialogue inclusif pour remettre les choses au niveau de sortir dans cette crise. Après nous, il avait aussi reçu certains ministres du gouvernement. A partir du message du président Denis Sassou-Nguesso, du 15 août 2016, nous espérions avoir un certains nombres de signaux forts dans le sens de la décrispation. Il l’a bien dit lui-même : «le Congo traverse une mauvaise passe». Il faut sortir de cette mauvaise passe, il n’y a rien d’autre qu’un dialogue avec le soutien de la communauté internationale afin qu’on se regarde en face, pour dire, ça, ce n’est pas bon, parce qu’on avait dit : «PLUS JAMAIS ÇA».
Monsieur le ministre, on vous accuse de toujours refuser les invitations du gouvernement comme l’autre fois à l’hôtel Radisson, pourquoi ?
Pourquoi je refuserais. C’est une mauvaise lecture pour qu’on pense que, nous sommes des radicaux, les radicaux sont ceux qui ont changé brutalement la constitution. Les radicaux sont ceux qui pensent qu’il y’a des questions qu’on ne peut pas discuter. Un radical ne cherche pas de compromis, il utilise la violence. Or, la violence est utilisée par le pouvoir en place.
Nous sommes dans un état de siège qui ne dit pas pratiquement son nom, mais il faut savoir vivre ensemble. Savoir vivre ensemble, c’est être d’accord sur un certain nombre de règles de vie commune, mais c’est aussi être d’accord sur la manière de les assumer. La seule invitation que j’ai reçu, c’est celle de monsieur le Maire, Hugues Ngouélondélé, qui a rencontré quelques membres de l’opposition : Claudine Munari, Guy Brice Parfait Kolélas, Charles Zacharie Bowao, nous lui avons dit ensemble, que c’est une bonne initiative de faire ce que lui-même a appelé, un premier pas, qui pourrait être décisif pour aller vers un deuxième pas, qui serait le dialogue. Mais nous ne pouvions aller à ce dialogue que si les prisonniers politiques étaient libérés pour dire, oui, nous avons pris acte et nous saluons cette mesure pour qu’enfin, nous allions dans l’unité à ce dialogue.
On sait que le président est un homme d’expérience, même si nous lui reprochons aujourd’hui d’avoir trahi sa qualité d’homme d’Etat pour faire prévaloir plutôt celle d’homme fort. On croyait qu’à la fête symbolique du 15 août dernier, un mot sera dit, il n’en a pas dit et mot plus fait état. Le pouvoir de Brazzaville rate les belles occasions comme le 10 juin et le 15 août pour renouer la confiance entre les congolais sur le plan politique.
Quel est l’état de santé du Frocad-Idc ?
Les deux plates formes, le Frocad et l’Idc que je coordonne, à laquelle il faut ajouter la composante Jean Marie Michel Mokoko travaillent la main dans la main et dans la compréhension mutuelle. Nous faisons régulièrement le point des situations qui se posent et définissons la ligne stratégique ensemble. La base de notre travail aujourd’hui, c’est la charte de la victoire que 5 candidats de l’opposition avaient signée. Il y a eu des malentendus de la part de certains candidats. Oui, il y a eu certaines mésintelligences dans l’appréciation de la situation par certains candidats. Ce que nous souhaitions de tous les candidats, c’était dès lors qu’on appartient à une famille politique, qu’on s’asseye ensemble, qu’on redéfinisse les choses avant de prendre position de manière isolée sur la place publique.
C’est cela que j’ai reproché à mon frère Pascal Tsaty Mabiala (Upads). Mais, il s’en est défendu en disant que, ce qu’il avait fait engageait son parti et lui-même. Et je lui avait fait comprendre que, ce que vous dites, peut dans l’opinion avoir directement ou indirectement porter préjudice au Frocad, parce que jusque-là, vous êtes membre à part entière du Frocad. Aujourd’hui, le Frocad s’est restructuré, je pense que de ce point de vue, les choses ont avancé. Du côté de l’Idc, son président est dans une situation de privatisation de liberté, sa résidence est toujours encerclée, je crois savoir qu’il n’y est pas. Il a réussi à s’exfiltrer, est-il à l’extérieur où à l’intérieur du pays ? Je ne peux aviser. Mais, quoi qu’il en soit, il n’est pas disponible. Pour pallier à cette situation, nous avons au niveau de la conférence des présidents de l’Idc, confier la direction dudit mouvement jusqu’à nouvel ordre, à monsieur Blanchard Oba.
Je sais que la question que vous voulez me poser : qu’en est-il de la posture de Guy Brice Parfait Kolélas ? Il est toujours un des présidents de la conférence des présidents de l’Idc. Il est en ce moment en train de restructurer son parti politique pour affronter les enjeux à venir. Mais, n’oubliez jamais une chose, aujourd’hui, Guy Brice Parfait Kolélas est dans une position politique qui le met au-dessus de toute l’opposition. Cette posture fait que, il ne peut pas se confiner dans une fonction particulière au niveau de l’Idc. Il garde cette position de hauteur qui nous permettra de négocier un certain nombre de choses avec le pouvoir en place, certainement par rapport à ce dialogue que nous sommes en train d’exiger et aussi avec la perspective que nous avons à organiser la deuxième convention de l’opposition congolaise. Donc, il n’a pas été sanctionné comme j’entends dire à gauche ou à droite. La position de leadership de Parfait Kolélas est un atout qu’il faut savoir conserver.
On parle aujourd’hui d’un statut de l’opposition, il n’y a pas au Congo un statut consacré pour l’opposition congolaise. Depuis les années qu’on en parle, on ne l’a jamais mis en place. C’est maintenant qu’on est en train de négocier un certain nombre de chose. Dans les faits aujourd’hui, si on devrait parler d’un chef de l’opposition congolaise, au regard de la légitimité populaire, ils sont deux : Jean Marie Michel Mokoko et Guy Brice Parfait Kolélas. J’entends qu’il y a un projet qui consisterait à donner l’opposition au parti qui a le plus grand nombre de députés. Mais, il faut replacer les choses de la recherche d’une vraie légitimité politique aujourd’hui. La vraie légitimité politique, c’est celle qui sort des urnes. Le statut de l’opposition doit combiner de manière harmonieuse : l’opposition parlementaire et l’opposition politique. C’est-à-dire, l’opposition extraparlementaire, et dans les deux cas, on fait émerger ce que l’on appelle : l’opposition républicaine. Et, cette opposition républicaine ne peut qu’avoir comme chef de fil, celui qui a prouvé, qu’il est à partir des urnes, donc du suffrage universel au-dessus des autres. Si quelqu’un a le plus grand nombre des députés au parlement, surtout que ces derniers n’ont qu’une légitimité parcellaire, donc ils ne peuvent en aucun cas pesés plus que celui qui est venu à la tête d’une élection présidentielle.
Propos recueillis par Franck Mboungou et Sébastien Nzeba