Ce qui se passe en Égypte à de quoi faire réfléchir plus d’entre les africains et même les citoyens d’ailleurs, malades des systèmes rétrogrades qui les gouvernent. Repenser la démocratie, la façon de voir la politique, semble être le leitmotiv des peuples, mis en branle par les Égyptiens qui, depuis l’acte 1 de la révolution qui a fait chuter Moubarak, est en passe de rééditer l’exploit en posant, le 30 juin dernier, l’acte II qui fait tanguer présentement, un an après, jour pour jour, le navire de celui qui l’a succédé, Mohamed Morsi.
Les Égyptiens, comme tous les peuples du monde, veulent vivre ce que c’est que la démocratie, la vie d’une nation. Et ils le font savoir sans ambigüité. Sacrée Égypte. Comme d’autres peuples spoliés aimeraient être vus, vibrer ainsi à l’unisson. Le peuple Égyptien a du cran. Il nous rappelle celui du Sénégal à l’heure ou il « dégageait » Abdoulaye Wade. Comme l’a dit Roger Martin du Gard: « ceux qui ont le cran de dire « non » sont peu nombreux ». Les Égyptiens à n’en point douter font partie de ce peu-là. Comme des bêtes en furie, ils ne reculent devant rien qui pourrait venir du haut sommet – comme les baltaguia du pouvoir.
Ce que ne semblent pas comprendre les hommes politiques en général, soucieux tout simplement d’ être aux affaires, sans chercher à se préoccuper, une fois, s’ils y sont, du peuple qui les a choisis. Mohamed l’apprends à ses dépens. Comme ils l’ont fait à Moubarak, les Égyptiens récidivent en sommant le nouveau raïs, Morsi, de plier bagage, … de dégager pour inconséquence et non-respect du pacte qui les lie, depuis l’élection qui l’avait porté, le 30 juin 2012 au pouvoir. C’est le peuple, propriétaire exclusif du pouvoir, qui le dit. Et sa décision est irrévocable
Mais d’où vient que les dirigeants oublient très rapidement, une fois au pouvoir, qu’il en est ainsi. C’est vrai et c’est malheureux, le peuple a ses raisons que les dirigeants connaissent pourtant – puisqu’ ils sont élus pour ses raisons – mais que les délices du pouvoir leur font ignorer. Morsi ne doit pas avoir la mémoire courte, lui qui a été élu, et il le sait, par défaut. Les Égyptiens pris entre le piège que constituait, pour eux, le Général Ahmed Chafiq, le candidat de l’armée et l’énigme Morsi, inconnu du grand public, après l’élimination, au 1er , des démocrates de moindre calibre, se sont rabattus sur Mohamed Morsi, le frère musulman, en veillant sur lui, ils se sont dits, à l’ œuvre.
Morsi, comme ils pouvaient s’y attendre, s’est très vite fait l’otage de sa confrérie, le vrai chef du pays, ce n’est plus lui, mais le chef spirituel de la confrérie, l’inspirateur, a vite vu le peuple, de toute la politique menée par Morsi a vite vu le peuple. Alors qu’il est pluriel. Les frères musulmans veulent mettre le pays sous la botte de la loi coranique ou, en tout cas, à défaut, à la mode confrérie. Les plus extrémistes aussi des musulmans, les salafistes, s’en mêlent. Et la dérive n’est pas loin.
Ainsi, aussitôt, après avoir pris les leviers de commande, Morsi a sorti ses griffes contre ses opposants et mobilisé ses troupes et ses alliés salafistes pour imposer un fait accompli à ses adversaires qui pointent son autoritarisme. En voulant donc dicter sa volonté aux Égyptiens, le président et ses frères auront fait le passage en force via leur parti qui à mis sous son aile toutes les institutions élues. A coup de gongs enchaînés, Morsi à moins d’un an de pouvoir, réussi à régenter le pays, rappelant, malheureusement, l’ancien raïs Hosni Moubarak, sans s’inquiéter, nullement, de rien.
Le peuple ne pouvant supporter la dictature qui s’annonce, réagit sans attendre. Chaque fois qu’il veut le faire savoir, il occupe la rue et bien entendu la fameuse place Tahrir. Et cette dernière fois, il a choisi de mettre les petits plats dans les grands. Le 30 juin 2013, date symbolique à plus d’un titre qui marque le 1er anniversaire du pouvir Morsi, sera celui qui servira de détonateur aux actions qu’il entend mener.
Le jour venu, il s’ébranle comme à son habitue sur la place Tahrir et occupe tous les points stratégiques du pays. La mobilisation est immense. Du jamais vu aux pays des Pharaons. Le peuple demande à Morsi, plutôt que de savourer ses inepties, de dégager et permettre ainsi au pays d’organiser une élection anticipée et sortir l’impasse qu’il a créé. Morsi a eu donc droit à un dégage massif, à la mesure de ses bévues, en guise de cadeau d’anniversaire.
Un cinglant camouflet pour un homme censé nettoyer l’héritage de Moubarak. C’est fort de cette frustration que les égyptiens sont redescendus dans la rue pour retirer leur confiance à Morsi. Le fer de lance de cet acte II de la révolution est le mouvement Tamard (rébellion ), porté par une jeunesse expérimentée de la révolution du 25 janvier ayant dans sa besace une série de revendications claires pour une transition démocratique.
L’armée, vu l’immensité de la révolte qui s’étend sur tout le pays, ne s’est pas fait prier pour entrer dans la danse -la valse du peuple est splendide- et de lancer dans la foulée un ultimatum de 48h au président Morsi et l’opposition politique. Il expire ce Mercredi 3 juillet, le soir. Après la démission de nombreux ministres, Morsi est plus que jamais isolé. Un ultime conclave a réuni, hier soir, le président et le général Abdel Fatah al Sisi pour un éventuel compromis.
L’opposition ne veut plus, comme le peuple révolutionnaire, entendre parler de Morsi. Avec qui alors trouver ce compromis. That is the question.
Morsi, carrément isolé; le peuple a donné sa sentence. Elle est lourde mais pleine de signification et de valeur éducative pour les peuples en lutte pour leurs droits foulés aux pieds par les indécrottables autocrates disséminés à travers les continents.
Qu’ils se le disent, d’ores et déjà. Les peuples rêvent de plusieurs places Tahrir. La première, du Caire, le leur fait savoir. Après Morsi, à qui le tour?
Par marguerite Alphonse ( Article conseillé par YVES NKODIA )