Je plaide pour la mise en place d'une haute autorité de lutte contre le tribalisme.

tribalisme-300x183-9835220Par  Henri Blaise NZONZA

Le 20 septembre 2018, le gouvernement de la République du Congo réuni en conseil des ministres venait d’annoncer la mise en place d’une Haute autorité de lutte contre la corruption (HALC) ceci pour combattre cette maladie qui gangrène notre société toute entière. Si cette initiative est à saluer, elle reste néanmoins insuffisante si certains facteurs qui favorisent cette corruption ne sont éradiqués. Or parmi ces facteurs qui favorisent la corruption et qui empêchent le bon fonctionnement de nos institutions, de notre administration et qui freinent donc le développement de notre pays se trouve le >.

Le tribalisme en soi est l’affirmation du groupe identitaire au rang de catégorie centrale de la politique, cela au détriment d’autres valeurs universalistes. Il est une idéologie qui, partant du postulat de l’existence de races humaines considère que certaines tribus sont intrinsèquement supérieures ou inférieures à d’autres. Cette idéologie peut entraîner une attitude de jalousie, puis d’hostilité provenant des autres tribus. L’hostilité peut générer la stigmatisation et la discrimination qui à son tour va entraîner une auto-stigmatisation et une auto-discrimination proportionnelle. Cette hostilité envers une autre appartenance culturelle et ethnique se traduit par des formes d’ethnocentrisme. Le tribalisme est un fléau, un cancer qui ronge presque tous les secteurs de la vie nationale dans notre pays. Il pousse ainsi à favoriser ou à défavoriser quelqu’un au nom de son origine ethnique. Même dans les institutions publiques on s’est accoutumé à ce fléau et les affinités tribales jouent très souvent un rôle important pour être promu à des grades supérieurs. Il n’est pas rare et même plus gênant que quand vous allez quelque part on vous reçoit en fonction de vos affinités tribales. Selon que l’on soit de la même ethnie que la personne qui vous reçoit un dossier peut-être traité en quelque heure ou pendant plusieurs jours.
Ce fléau plombe la cohésion sociale et prive notre pays des ressources humaines capables de contribuer à son développement. Dans les écoles, les universités les notes sont parfois données parce qu’on est du même village avec un tel professeur. Dans les hôpitaux, ce phénomène est aussi observé et on voit que certains patients sont vite pris en charge parce qu’ils sont du même coin que la personne qui les reçoit. Dans les autres administrations publiques c’est pareil. On peut facilement avoir une promotion et même des bourses d’études parce que le directeur ou le ministre est du même village ou de la même tribu.

Il ne fait aucun doute que l’origine ethnique représente une force fondamentale dans la politique congolaise. Les politiciens congolais ont depuis longtemps fait appel à la solidarité ethnique pour obtenir le soutien de leurs électeurs. De leur côté, les congolais attendent le plus souvent que les candidats issus du même groupe ethnique leur permettent d’accéder aux ressources publiques. La mobilisation politique selon des critères ethniques se perpétue à la fois à partir de la base et du sommet, alors même que les identités ethniques évoluent. Le tribalisme est donc instrumentalisé par l’homme politique congolais qui utilise sa tribu pour ses fins politiques en faisant parfois du chantage, en prenant sa tribu en otage et en jouant à la vie de celle -ci comme on joue au Monopoly.

Les effets néfastes de cette triste réalité dans notre pays se sont matérialisés lors de la guerre civile de 1993 qui avait opposé les ressortissants du grand Niari à ceux du pool, tout ceci parce que les leaders politiques à l’instar de Pascal LISSOUBA et Bernard KOLELAS étaient rentrés en conflit ouvert. Il fut de même en 1997 lorsque tous les ressortissants du grand Niari étaient assimilés à des soutiens du président Pascal LISSOUBA et risquaient leurs vies quand ils se trouvaient dans la zone nord de Brazzaville et de la même façon tous les nordistes étaient assimilés aux soutiens du président Denis SASSOU NGUESSO et risquaient leurs vies quand ils étaient dans certains quartiers de la zone sud de Brazzaville. D’ailleurs beaucoup des congolais ont perdu la vie à cause de ces dramatiques situations. Le peuple congolais qui autrefois vivait en harmonie s’est donc déchiré alors qu’avant on avait du mal à distinguer qui était de tel ou tel département du pays. Cette situation a fait des nombreux morts, des familles déchirées, des vies brisées, des couples séparés et des amis devenus des ennemis. Certains portent encore les stigmates de ces guerres atroces qualifiées de > et qui n’ont servi que les intérêts des hommes politiques.

La lutte contre le tribalisme n’a jamais été véritablement portée par un gouvernement depuis que notre pays existe. Il faut donc une véritable volonté des gouvernements de notre pays d’inscrire dans la durée la lutte contre ce fléau qui est un véritable poison dans notre pays.
L’anti tribalisme doit trouver plus de place dans les projets de politique générale de nos gouvernements, en posant indissociablement l’exigence d’égalité de traitement, de dignité et de reconnaissance partagée. Une telle entreprise n’est envisageable qu’à travers la mise en place d’une stratégie politique spécifique et concertée à l’échelle nationale en matière d’éducation, de prévention et de répression, ce qui nécessite une forte implication de l’ensemble des acteurs publics et privés qui sont touchés par ce phénomène.

Il est urgent de sortir de cette infection tribale qui retarde le développement de notre pays. Pour cela, l’exemple doit venir de l’homme politique, d’en haut c’est à dire au sein des institutions de la République telles que la présidence de la République, la présidence de l’Assemblée Nationale, la présidence du Sénat, le gouvernement de la République, les administrations publiques ainsi que les autres corps constitués.

C’est ainsi à l’instar de la volonté clairement affichée de combattre la corruption et la concussion validée par la mise sur pied d’une haute autorité de lutte contre la corruption , je pense qu’il est plus qu’indispensable de mettre sur pied une haute autorité de lutte contre le tribalisme(HALT). Cette institution dont le cadre juridique et le fonctionnement seront clairement définis aura pour principale tâche de veiller à l’application des instructions du gouvernement en matière de lutte contre le tribalisme et de définir les actions de prévention et de sensibilisation contre le tribalisme.

Il faudra par exemple voter une loi qui interdira à tout membre du gouvernement de nommer plus de 20% des ressortissants de son département d’origine dans son cabinet ainsi que dans les hautes directions sous sa tutelle. Il n’est un secret pour personne que dans notre pays le Congo les cabinets ministériels ressemblent parfois à des cours familiales avec des neveux, cousins, oncle, tante, enfants et parents du même village ou du même département. Des directeurs centraux dont la majorité sont du même département que le ministre de tutelle et ainsi de suite.
En luttant contre le tribalisme au sein de l’administration publique par le principe de discrimination positive, c’est une sorte d’équité dans la répartition des postes entre les fils des différents départements du pays qui sera favorisée.

Ce n’est donc qu’après avoir mis sur pied cette haute autorité chargée de lutter contre le tribalisme que notre pays pourra commencer à lutter efficacement contre ce phénomène très fort répondu dans notre pays et espérer donc aller lentement et surement sur le chemin de l’émergence.

Fait à Paris le 16 octobre 2018
henri-blaise-3647059Henri Blaise NZONZA