Jean-Claude BERI : « SASSOU à mes yeux reste un voleur, un usurpateur, un assassin, un manipulateur, un dictateur atteint d’une pathologie corruptrice incurable qui ne devrait pas bénéficier d’une quelconque confiance »

DAC PRESSE : Pendant près de 19 ans aujourd’hui, on vous connaissait comme un fervent et farouche militant de la résistance à la dictature au Congo-Brazzaville, votre activisme n’est pas mis en cause. Seulement nous constatons un affaiblissement de votre engagement. Avez-vous perdu votre sens de combativité ?

Jean-Claude BERI : (Rire) Lorsque l’on a des convictions des buts à atteindre à savoir l’implantation de la démocratie au Congo, on ne perd jamais le sens de la combativité. On s’adapte tout en restant fidèle aux principes auxquels on adhère sans caricaturer nullement son engagement. Dans un contexte de crise morale, économique et sociale que traverse notre pays, les convictions que nous partageons trouvent un écho réel et favorable dans la société Congolaise. La perspective d’un Congo fondé sur l’individualisme et l’égocentrisme nous oblige à réinventer notre cohésion nationale sur les valeurs qui nous animent. Au contraire, à chaque confrontation, j’en sors toujours grandi, parce que j’apprends sur les hommes.

DAC PRESSE : Quelles sont aujourd’hui pour vous ces valeurs que vous défendez ?

Jean-Claude BERI : Elles n’ont jamais variées : c’est résister dans l’unité pour reconstruire la solidarité abîmée et avancer vers le progrès. Nous ne cesserons jamais de le dire et le redire que le mal congolais sera traité par la conscientisation du peuple à ne promouvoir que les idées novatrices tournées vers le développement. Si chaque région trouve son élan dans la concrétisation de son plein développement économique, le Congo sortira grandit de cette épreuve. Car un peuple transcendé par le courage, la volonté de lutter pour la reconquête de sa dignité humaine est une force inébranlable. Une belle leçon universelle et respectable, preuve que la manipulation ne peut résister durablement contre le réveil des consciences. Ça été et est toujours le credo du combat que nous menons pour débarrasser le Congo des cauris de la dictature.

DAC PRESSE : Mr le président du DAC, durant les six derniers mois, vous avez été très actif, à travers de nombreux écrits, pour soutenir la candidature de l’un des cinq candidats à la présidence, en l’occurrence Mr Guy Brice Parfait KOLELAS, pensez-vous avoir fait le bon choix ?

Jean-Claude BERI : Je pense avoir déjà répondu à cette question. Puisque vous me la posez à nouveau, je me dois de vous clarifier ma pensée politique. Devant la dégradation galopante du tissu social de notre pays, il n’est pas permis de rester dans son coin. Le peuple congolais a livré un message fort lors des derniers évènements. A savoir la mise en place d’une constitution  par le dictateur tribalo-militaro-sanguinaire Sassou Nguesso après un référendum rejeté par 95% de la population et le vol électoral qui s’en est suivi. Que nous faut-il de plus pour ne pas encourager le passage d’une nouvelle génération de cadres désobstrués de toutes casseroles politiques ? C’est l’alternative que nous soutenons qui est plein de courage et d’espérance. Au lieu de faire de l’introspection en prétendant chercher la solution dans les politiques menées par des femmes et des hommes qui ont suffisamment montré leurs limites, nous proposons de ramener le débat sur des questions prioritaires.  Ce renouveau doit forcément être incarné par un programme national de lutte contre la pauvreté sous toutes ses formes. On nous avait promis un gouvernement des hommes intègres, des femmes et hommes de valeurs, brillants par leur intelligence et leur dévouement pour la reconstruction de notre pays, le Congo ; ce qui  qui nous a été servi est tout simplement un plat indigeste, composé de multiples virus dont l’association ne peut-être que destructeur, avilissant et régressif comme d’ailleurs par le passé.

Oui, nous pensons avoir fait le bon choix car nous sommes convaincus que Guy Brice Parfait KOLELAS a un projet compatible avec nos attentes. C’est sur cette base là que s’est porté en premier lieu notre soutien à Guy Brice Parfait KOLELAS.

DAC PRESSE : Les élections sont passées et le peuple, d’après les constats appuyés par les résultats de la CTE ont donné la victoire à l’opposition en plaçant Guy Brice Parfait KOLELAS et le Général MOKOKO en tête pour un second tour, aujourd’hui hypothétique. Mr SASSOU a utilisé la force et le vol pour se maintenir au pouvoir. Pourquoi Mr KOLELAS ne revendique-t-il pas sa victoire ?

Jean-Claude BERI : Ça devient lassant de revenir sur les mêmes choses au lieu d’avancer. Déjà, je ne suis pas Guy Brice Parfait KOLELAS, il a eu l’opportunité de répondre à cette question à maintes reprises. Manifestement cela ne vous satisfait pas. Je vous conseille d’aller à Brazzaville lui reposer la question. Mais si vous voulez des réponses qui n’engagent que moi, je serais libre de vous répondre.

DAC PRESSE : Approuvez-vous cette démarche ?

Jean-Claude BERI : Je pense ce que vous voulez entendre de la bouche de Guy Brice Parfait KOLELAS, c’est qu’il vous dise sans ambiguïté que Mr SASSOU n’a jamais gagné les élections et ces dernières ont été non seulement teintées de beaucoup d’imperfection, de fraudes. Pour ma part, je ne sais pas faire la politique des petits pas. SASSOU à mes yeux reste un voleur, un usurpateur, un assassin, un manipulateur, un dictateur atteint d’une pathologie corruptrice incurable qui ne devrait pas bénéficier d’une quelconque confiance. Je le dis depuis 19 ans et je continue à le penser aujourd’hui. On ne peut le définir autrement que comme cela en constatant le massacre du Sud de Brazzaville et du POOL.

Tout homme s’exprime avec les mots qui sont les siens et la perception qui est la sienne. Je suis convaincu que Mr KOLELAS pense la même chose que moi, mais le dis avec ses mots à lui.

DAC PRESSE : Comment pouvez-être en accord avec quelqu’un qui n’utilise pas le même discours que vous ?

Jean-Claude BERI : Qui vous dit que nous n’utilisons pas le même discours ou le même logiciel politique. Les mots différent certes mais le fond, je pense est le même. Il y a eu le temps de l’indignation, des erreurs de communication, de la trahison, de la déception et surtout de la démobilisation : celui-ci n’a pas suffi, malgré son ampleur, à influer sur le processus de changement en cours dans notre pays. Le temps est donc venu d’en tirer les conclusions : nous devons changer la politique de l’intérieur, par un engagement au cœur de l’action et notre contribution au débat public doit être cohérent avec le peuple seul juge de nos actions. C’est pourquoi d’ailleurs, je souscris à l’idée d’une convention de l’opposition.

DAC PRESSE : Justement, cette convention, avant même qu’elle ait lieu, est déjà source de division et d’interprétation contradictoire, vous vous retrouvez dans cette cacophonie ?

Jean-Claude BERI : A l’heure actuelle, notre machine de combat est grippée par l’inertie et l’attentisme. On donne du poids au superflu au lieu de privilégier l’essentiel. Tant que nous continuerons à naviguer en compagnie des clichés rétrogrades, d’avoir des pensées les plus paralysantes : le positionnement égoïste, le repli clanique, etc… soyons-en sûr le suicide collectif nous attend au tournant.

A défaut de combattre la dictature, nous nourrissons, en fait, le bébé de la dictature. Car pendant que SASSOU s’essouffle petit à petit, un autre Sassou, nommé Denis Christel SASSOU NGUESSO est en train d’affûter ses armes pour prendre la relève et faire perdurer la dictature du clan d’Oyo.

Nous devons réorganiser cette opposition et se projeter vers le combat pour la restauration de la démocratie et surtout la libération du peuple. Ceci à travers la convention. Sans esprit partisan, actuellement, Parfait KOLELAS essaie de redynamiser l’opposition. Surtout de créer ce rapport de force qui fait tant défaut à notre action. Comment y arriver ? Ce n’est qu’en mutualisant nos forces !

Ramener la convention au stade de polémique entre « l’opposition des Traîtres » et « l’opposition des Saints », la dictature à encore des beaux jours devant nous. Tant que nous continuerons à tergiverser sur des questions inutiles, la dictature continuera à s’imposer à nous. L’engagement aujourd’hui n’est plus une option : il est devenu nécessaire.

Ce que nous souhaitions de cette convention c’est :

  • la soif d’engagement de ceux qui n’entendent pas baisser les bras, en défendant les idées
  • contre les ego, le débat responsable et bienveillant contre la polémique stérile, le souci du réalisme politique contre les clivages partisans.
  • De ceux qui, refusant d’abandonner la politique aux mensonges de la démagogie et de céder à la tentation du défaitisme, optent résolument pour la voie de l’engagement politique.
  • De ceux qui croient en la force de leurs convictions et en leur capacité à changer les choses.
  • De ceux qui choisissent le camp de la confiance, du réel et du possible.
  • De ceux qui sont déterminés à servir leur pays en assurant son avenir.
  • Ceux qui, enfin, savent que rien n’est irréversible.

Si vous êtes de ceux-là, alors, rejoignez-nous ! Notre engagement sera collectif, rassembleur, et l’avenir que nous avons à fonder ne se fera pas sans vous, j’entends dire le peuple congolais dans sa grande majorité.

DAC PRESSE : Comment pensez-vous réussir ce rassemblement si Parfait KOLELAS quitte l’IDC ? 

Jean-Claude BERI : Oui, ce serait dommage ! Mais a-t-il vraiment le choix ?

Pour ma part, j’ai alerté, sensibilisé les compatriotes sur les dangers de cette campagne d’affaiblissement de Guy Brice Parfait KOLELAS. Ai–je été entendu ?

J’en doute en m’appuyant sur les résultats du sondage lancé il y a un mois sur ce même site qui montre que 64.2% des votons sont pour le départ du Président KOLELAS de l’IDC, 31% sont d’avis contraire et 4.6% sont sans avis. C’est un panel certes, qui n’est pas représentatif de la population congolaise, il exprime une tendance au RAS-LE-BOL des militants et sympathisant de Guy Brice Parfait KOLELAS. Il fera avec ceux qui seront convaincus de son action.

DAC PRESSE : Quelle appréciation faites-vous de la démarche des autres leaders de l’opposition : TSATY MABIALA, MPOUELE, MOUTSARA, FILLA… Leur logique est-elle crédible ?

Jean-Claude BERI : Le choix des partis politiques, associations civiles et autres individualités qui seront fait par la CODEHA déterminera certainement mon engagement. Il me serait difficile de pactiser avec les personnalités clairement affirmées auprès de Mr SASSOU. Ce serait pour ma part une trahison que je ne pourrais m’autoriser devant ceux qui ont perdus leur vie et ceux qui continuent de subir les affres de la dictature au Congo. D’ailleurs ma démarche est claire et sans ambiguïté, en m’écartant du nouveau bureau exécutif de l’APAKO, j’ai exprimé là ma reprise en main de ma liberté de pensée et d’agir. Je continue bien évidement d’apporter mon soutien à Guy Brice Parfait KOLELAS, seulement je n’ai jamais été un homme de chapelles.

Sans doute, APAKO suivra les recommandations de la CODEHA si et seulement si cette dernière choisie l’option de former une opposition en y associant les KIGNOUMBI KIA MBOUNGOU, MPOUELE, FILLA… etc. je ne pense pas que ça sera  le choix du peuple mais celui des politiciens ayant d’autres destins pour le Congo. Comme je ne suis pas membre de la CODEHA et en plus je ne détiens pas la boule de cristal, je respecterai leur décision. Au moins, j’aurai été transparent jusqu’au bout de ma logique.

DAC PRESSE : A propos du dialogue, pensez-vous que les conditions sont  réunies pour aller au dialogue avec Mr SASSOU ?

Jean-Claude BERI : Avant toute chose il y a des principes qu’il faut savoir respectés quand il le faut . Par exemple gardez a l’esprit qu’on ne dialogue qu’avec son adversaire. Le Congo notre beau pays souffre depuis trop longtemps du déficit d’un cadre juridique juste et respecté, d’un déni de droit et de démocratie. Lorsque tous ces principes sont foulés aux pieds par un dictateur qui se croit tout permis, on saurait parler de dialogue. Il ne faut jamais perdre de vie que le dialogue a toujours été la stratégie de sassou , lorsqu’il se sent acculer. Il nous a déjà servi le dialogue de BRAZZAVILLE ( 11 –15 Avril 2009), d’EWO (15-17 décembre 2011) DOLISIE ( 23 Mars 2013) et dernièrement celui de SIBITI, tous ont été soldés par une opération d’enfarinage du peuple. On ne va pas dialogue avec un adversaire comme SASSOU NGUESSO sans avoir établi au préalable un rapport de force ou un rapport d’équilibre. C’est pourquoi je souscris à la convention pour que toutes ces questions soient revues et très bien circonscrites. Seulement force est de constater que nous en sommes encore loin de l’union des forces vives et patriotiques pour créer ce rapport de force. Par quelle magie allons-nous obtenir de SASSOU , la libération des tous les prisonniers politiques ? Par quel miracle allons-nous imposer à SASSOU la délocalisation du dialogue sous l’égide de la communauté internationale ?

On ne dialogue pas avec un assassin , un usurpateur ni encore moins on ne vas pas au dialogue désarmé ou encore seul contre un homme qui a une armada de mercenaire prête à vous imposer leur quatre volontés. Un leader qui reproduit les mêmes erreurs est un leader qui souffre de carence stratégique ou  de lucidité politique. Pour répondre à votre question , franchement, ma réponse est NON pour l’instant.

DAC PRESSE : Votre mot de la fin

Jean-Claude BERI : J’espère que nous privilégierons tous le Congo. On ne guérira le Congo que par la démocratie. La lutte politique, ce n’est pas une loterie. Si on en reste à faire à chaque fois des transhumances pour des raisons égoïstes, en ignorant la vie des congolais, il n’y a plus de démocratie. Il ne faut un seul instant oublier que Sassou et son clan, c’est le diable de service. Il est utilisé pour perdurer en semant la désolation et la perversion au Congo. Mais comment faire ? Continuer comme avant ? Mais c’est insupportable. Nous devons être combatifs en évitant la dispersion de l’opposition, mais une opposition de programme. Pour certains, le problème c’est le peuple, pour moi c’est la solution.

INTERVIEW REALISEE, PAR Chris ABELA ,  ce 19 Septembre 2016