L’émancipation des femmes congolaises témoigne d’un patent progrès, qui se manifeste dans de nombreux domaines, où quelques-unes d’entre elles parviennent à se singulariser. Afin de donner une impulsion, par un effet d’entraînement, à toutes les autres femmes, aux filles, et aux générations futures, une réflexion peut être menée en vue d’élaborer une symbolique devant élever ces singularités.
Partant, la journée internationale de la femme serait la mieux indiquée, pour porter ces méritantes aux nues, dans le dessein de faire des émules et de susciter des vocations. Aussi, semble-t-il, hormis le côté coercitif du pagne, qui caractérise la journée du 8 mars au Congo-Brazzaville, serait-il judicieux d’adjoindre ce symbole d’apparence à un symbole de mérite. D’où l’intérêt de cette réflexion à étayer sur les trophées des femmes congolaises, qu’il sied d’emblée de dénommer les trophées Bantu, en référence aux civilisations Bantu que l’on doit remémorer.
Le pagne et les Bantu : deux symboles pour la journée de la femme.
Par son caractère socialement obligatoire, pour célébrer la journée internationale de la femme, le pagne est arboré, à cette occasion, dans tous les milieux socioprofessionnels, à la ville comme à la campagne, à telle enseigne qu’on ne peut plus le dissocier de cet évènement mondial. Depuis plusieurs années, à l’initiative du ministère de la promotion de la femme, le pagne – du 8 mars – est mis sur le marché, avec des motifs qui varient selon l’année. Y figure toujours, le sceau officiel de la République, marqué de l’effigie d’une femme Bantu, accroupie, vêtue de pagne, exhibant la devise nationale. Comme motifs, il y a été mis en évidence entre autres des femmes au travail, attestant de la variété des métiers qu’elles exercent. Bien que des messages de sensibilisation soient véhiculés par le canal du pagne, son port s’apparente plutôt à une enveloppe qui sert de parure aux femmes. Ce faisant, le paraître s’impose, l’apparence vient alors supplanter la conscientisation, occultant du coup le thème annuel arrêté par l’ONU.
En effet, comme symbole d’apparence, le pagne africain qui se différencie clairement des autres pagnes, à l’instar du pagne polynésien, confère, selon la culture Bantu, une valeur prodigieuse à la femme, lorsqu’elle l’enfile en un ensemble assorti de deux pièces, un corsage et un turban. Il n’empêche que celui-ci apparaît quelque peu dénaturé, pour être adapté aux appétences vestimentaires dans le vent. Des robes, tailleurs, jupes, chemisettes et pantalons sont confectionnés à partir du pagne. De ce fait, l’art africain est revalorisé, d’abord par des couturiers africains, puis par des grandes marques pour la haute couture. Voir les femmes en pagne se pavaner partout, en cette journée commémorative, donne l’impression qu’elles vont participer à un défilé de mode ou à un concours de beauté. Ainsi pomponnées, ces dernières deviennent plus attrayantes, au point que certaines d’entre elles reçoivent des cadeaux de leurs prétendants, et d’autres, des propositions qui frisent l’indécence. L’ambiance qui règne lors de cette journée du 8 mars, pousse fâcheusement des femmes à se délecter dans des milieux de jouissance, desquels elles sortent généralement en état d’ébriété. La divagation s’opérant, ces femmes drapées dans de superbes pagnes ne deviennent plus que l’ombre d’elles-mêmes. Malheureusement, cette image écornée reflète bien une réalité, qui se perpétue, dans certains cas, tout au long du mois de mars, pire encore pendant toute l’année, le manque de travail voire le désœuvrement ayant contribué à dépraver les mœurs.
Ces débordements festifs, qui détournent les femmes de l’objet de cette commémoration, sont à réfréner autant que possible. La journée du 8 mars devrait être célébrée sous d’heureux auspices, en s’appropriant le thème à l’honneur, pour faire un bilan sur le noble combat des femmes et un rappel sur la défense de leurs droits, puis entrevoir de nouvelles perspectives sur la condition féminine, au travers des conférences-débats. On pourrait y ajouter des activités culturelles et sportives. Enfin, par la sensibilisation et la conscientisation, devrait être entretenu l’esprit des mouvements féministes, dont la genèse remonte sensiblement au xixème siècle, quoique dès la fin du Moyen Âge, des voix se soient élevées en occident pour dénoncer la manière dont les femmes étaient traitées. On peut distinguer trois sortes de féministes, à savoir les révolutionnaires, les catholiques et les indépendantes. Grosso modo, il se dégage plutôt deux tendances. Les féministes radicales, qui décrivent les femmes avec des muscles, comme des garçonnes ou des hommasses, prêtes à en découdre avec les hommes, pour arracher leurs droits. D’après elles, parler de la journée – de la femme – est réducteur, la journée – des femmes – serait le terme approprié pour les ennoblir. En revanche, les modérées considèrent que le féminisme, qui n’est pas incompatible avec la féminité, se veut plus une attitude, individuelle ou sociale, des femmes et des hommes qui défendent l’égalité entre eux, et non pas l’identité, car l’homme et la femme ne sont pas semblables, l’un et l’autre doivent être à leur place. Cela étant, la journée internationale de la femme, décrétée comme telle par l’Organisation des Nations Unies, le 8 mars 1977, a été inspirée par les mouvements féministes dans le monde, notamment en occident, amorcés en 1910. En ce qui concerne le Congo-Brazzaville, tout en faisant étalage du pagne, comme un symbole d’apparence, visant à mettre en valeur les femmes congolaises, au cours de la journée du 8 mars, on devrait les exhorter à s’épanouir par l’effort dans le travail, en plébiscitant les meilleures d’entre elles. Ce qui aura l’avantage de motiver les autres femmes à se surpasser, et encourager les jeunes filles, qui ont besoin de modèles, comme les sommités féminines nationales, pour avoir plus d’ambitions. Aussi, les trophées Bantu, plus simplement les Bantu, s’identifieront-elles en tant qu’un symbole de mérite, susceptible de stimuler les femmes et les filles, pour se hisser au niveau le plus haut possible.
La Bantu sera fabriquée localement en cuivre, selon des techniques alliant divinement beauté et durabilité. Elle représentera une femme Bantu, en station debout, portant des sandales artisanales, habillée en pagne de deux pièces, un corsage et un turban, tous assortis, tenant dans ses mains un globe terrestre sur lequel l’Afrique sera mise en relief. En collaboration avec des associations féministes et le ministère de la promotion de la femme, le comité Bantu, en sa qualité d’institution chargée d’organiser ces trophées, constituera chaque année un jury composé d’experts, femmes et hommes, missionnés pour désigner les lauréates, et deux lauréats. Les Bantu, au nombre de trente-cinq, seront réparties en trois catégories, à savoir les Bantu du mérite professionnel, les Bantu du mérite spécial et les Bantu du mérite départemental. Dans ce contexte, il semble utile d’expliciter les spécificités de quelques Bantu. Deux Bantu seront décernées à des hommes. Il s’agit de la Bantu de l’international récompensant un non Congolais, dont les actions en faveur des femmes auront été les plus remarquables ; et de la Bantu du philogyne, attribuée à un Congolais ayant œuvré de façon significative pour les femmes congolaises. Trois Bantu seront destinées à des non Congolais. Ce sont donc la Bantu de l’international, la Bantu de l’internationale pour une femme, et la Bantu de la xénophile, primant une femme pour ses actions au profit du Congo, et notamment des femmes congolaises. Il y aura une Bantu du mérite national, opinée par le public, pour élire la femme qu’il aura préférée sur les douze lauréates départementales. Enfin, la Bantu de la reconnaissance spéciale jury, honorera une Congolaise d’exception, pour l’ensemble de ses œuvres et actions.
Les femmes congolaises à l’honneur : un avant-gout des Bantu.
Lorsque des femmes tiennent le haut du pavé, il est légitime de les mettre sur un piédestal, en leur faisant honneur. Il n’en demeure pas moins qu’une telle auréole est l’aboutissement de tant d’efforts, qui font la différence dans toutes compétitions auxquelles seraient liées ces femmes. S’agissant de l’élection présidentielle qui pointe à l’horizon, avec sa pléthore de candidatures, il importe de souligner un fait inédit pour les femmes congolaises. D’une bravoure sans conteste éloquente, deux d’entre elles se sont déclarées candidates, en vue de briguer la magistrature suprême, quand bien même une seule candidature a été confirmée. En outre, derrière chaque homme candidat, il y a l’empreinte d’une femme, dont le devoir est aussi et surtout de conduire son favori sur la voie de la raison et du bon sens, car ce que femme veut, Dieu le veut. Ainsi, cette élection présidentielle anticipée devrait être – véritablement – libre, transparente, équitable et apaisée, dans l’intérêt général. Par ailleurs, les femmes congolaises ont été mises en compétition, sur la base de leurs différentes prouesses en 2015, par un jury atypique, étant donné les circonstances, pour mettre en exergue ce qui aurait pu être la célébration des Bantu 2016, ainsi qu’il suit :
11 Bantu du mérite professionnel.
- Bantu du cinéma : Liesbeth MABIALA, (Cinéaste, film « Dilemme » sur le harcèlement sexuel en milieu professionnel, pour son œuvre cinématographique).
- Bantu de la musique : Judith NSOSSANI, (Chanteuse, album « NSEMISA », un opus de chansons religieuses, pour son coup d’essai accompli).
- Bantu de la peinture : Rhode Bath-scheba MAKOUMBOU, (Peintre, pour ses œuvres picturales).
- Bantu du sport : Lucienne Virginie MOKOKO (Présidente de la Commission nationale de football féminin, pour son professionnalisme manifeste).
- Bantu du théâtre : Meiji U TUM’SI, (Actrice de théâtre et de cinéma, Scénariste et Réalisatrice, pour ses prestations artistiques).
- Bantu de la littérature : Marie-Louise ABIA, (Écrivaine, pour son roman « Ils naquirent libre et égaux »).
- Bantu de l’entreprenariat : Marguerite HOMB née MOUNZENZE, (Présidente du Bureau pour le renforcement des capacités des femmes entrepreneures, initiatrice du Centre de formalités des entreprises, pour ses actions en faveur de l’entreprenariat).
- Bantu des médias : Bienvenue Gertrude HOBAIN-MONGO, (Secrétaire comptable du Conseil supérieur de la liberté de communication, pour ses dotations personnelles accordées aux médias, en vue de contribuer à leur essor).
- Bantu de la politique : Claudine MUNARI, (Présidente du parti le MUST, pour ses prises de positions courageuses et progressistes dans l’échiquier politique).
- Bantu des sciences : Francine NTOUMI, (Présidente de la Fondation congolaise pour la recherche médicale, Professeure et biologiste, pour ses recherches notamment sur le paludisme).
- Bantu de la technologie : Adine OSSEBI, (Pilote et Commandant de bord à ASKY Airlines, pour ses compétences technologiques).
11 Bantu du mérite spécial.
- Bantu de l’innovation : Mili Mildren MOUKENGA, (Présidente de l’association Femme modèle, pour la mise en place du pain de manioc Miiz, qui est une innovation à saluer).
- Bantu de l’écologie : Emilienne Kimono, (Directrice exécutive de l’association Action environnement et protection de la biodiversité (AAEPB), présidente des Femmes-leaders REDD du RDHD, pour ses activités en faveur de l’écologie).
- Bantu de l’international : Denis MUKWENGE, (Médecin, l’homme qui répare les femmes, originaire de la RDC, pour ses actions au bénéfice des femmes).
- Bantu de l’internationale : Chimamanda NGOZI ADICHIE (Écrivaine et militante féministe, originaire du Nigéria, pour ses œuvres en faveur des femmes, et notamment son livre : « nous sommes tous des féministes »).
- Bantu de l’audace : Lauréate MBERI, (Présidente de l’AS Cheminot football, une première au Congo, de surcroît à la suite d’une crise interne qui a nécessité une restructuration d’envergure, dont elle a été l’artisane).
- Bantu du cœur : Marie-Josée NIAMBI née ITOUA HOMET, (Sociétaire et Couturière, pour sa mansuétude et son altruisme).
- Bantu du philogyne : Véronne MANKOU, (Président de la fondation BantuHub, qui vise à impulser les technologies de l’information et de la communication, et, l’entreprenariat juvénile, pour sa prise en charge de la formation de plusieurs centaines de femmes sur les TIC).
- Bantu de l’hospitalière : Victorine EWOUYA, (Infirmière, pour son dévouement dans les services de la pédiatrie et de l’obstétrique).
- Bantu de la xénophile : Herveline RIOU, (Écrivaine, d’origine française, pour sa sympathie à l’endroit des femmes congolaises, au travers de son ouvrage : « Je suis blanche, et j’aime le manioc).
- Bantu du leadership : Fatima BEYINA-MOUSSA, (Directrice générale d’Ecair, pour avoir conduit, avec succès, les travaux de la 47ème assemblée annuelle de l’Association des compagnies aériennes africaines, AFRAA, en sa qualité de Présidente sortante).
- Bantu de la reconnaissance spéciale jury : Marie-Thérèse ONGAYOLO (Femme d’exception par sa générosité, son amour, son labeur et son courage, mis au service des enfants de l’orphelinat Notre-Dame-de-Nazareth à Brazzaville).
13 Bantu du mérite départemental.
- 12 Bantu du mérite départemental : Dans chaque département, un jury ad hoc élira une femme, qui se sera distinguée par son travail, son patriotisme, sa sociabilité et ses actions en faveur de ses concitoyens.
- 1 Bantu du mérite national : Par un vote du public, l’une des 12 femmes lauréates sera plébiscitée comme la meilleure d’entre elles.
Au regard des suggestions, qui ont nourri une telle réflexion sur les Bantu, comme décrites ci-dessus, en tant qu’un symbole magnifiant le mérite des femmes congolaises, force est de constater qu’un cap a été franchi, dans le processus de sa matérialisation. Il appartient désormais au génie congolais d’y apporter des retouches nécessaires et suffisantes. Dans cette optique, on pourra assister à la célébration des premières Bantu l’année prochaine. Cela présuppose une compétition sous-jacente, qui est indubitablement porteuse de progrès. Subséquemment, on peut espérer qu’à terme, cette célébration soit adoptée dans les pays liés à la culture Bantu, tout au moins ceux qui sont membres du Centre International des Civilisations Bantu, en sigle CICIBA.
Gisèle Patricia GOULOU,
Vice-présidente du CIDESAC (Club d’Initiatives pour la Dynamique Économique et Sociale en Afrique Centrale), chargée des questions sociales et de la femme.