Kosmos Moutouari : « J’ai toujours fait des chansons thématiques »

Icône de la musique congolaise, Côme Moutouari, a presque tout connu du monde musical: bonheur, déception, succès… L’artiste revient sur son parcours.

Où êtes-vous né et pouvez-vous nous parler de vos débuts dans la musique ?

Kosmos Moutouari : Je suis né dans le village Kivimba dans le district de Kinkala, département du Pool un certain 25 juillet. Et mes débuts dans la musique commencent vers les années 1965, lorsque j’ai réussi à un concours pour être cadre statisticien. Pendant mon stage, j’ai fait un songe que je suis sur un podium avec certains artistes que je n’avais jamais rencontrés auparavant. Auparavant, j’avais senti que j’avais quelques atouts artistiques parce que très jeune, je bricolais déjà des compositions. Et, à l’époque, j’aimais écouter la musique d’Africa Jazz avec Kallé Jeff avant de découvrir, plus tard, Rochereau dont je voulais à tout prix imiter le timbre vocal.

Lorsque Moujos quitte les Bantous, je saisis l’opportunité avec l’insistance de mes amis qui m’ont poussé à aller voir Célestin Nkouka, et j’y suis allé. Ce dernier m’a fait passer un test avant de me dire que je chantais bien. Il m’a prodigué quelques conseils, et m’a demandé de rentrer chez moi sans rien dire sur mon recrutement ou non au sein de l’orchestre ! Motivé, je lui ai demandé si je pouvais aller assister aux séances de répétitions. Et il a accepté. Pendant des mois après mon stage, j’allais assister aux répétitions et un jour Serges Essous demande « que fait ce jeune ? » On lui répond que je venais pour apprendre à chanter. Premier contact avec le micro Quelques jours plus tard, toujours Essous me dit : petit, il paraît que tu veux apprendre à chanter, est-ce tu ne peux venir chanter ? Je dis « oui je vais essayer ! ». Et on devait interpréter, avec Pablito (Pamel’o), sa chanson qui n’est jamais sortie intitulée « Maria ». À la fin, les gens commençaient à chuchoter quoi qu’avec une certaine indifférence, mais c’était un bel élan pour moi. Et on me fait miroiter que j’avais une chance de chanter en public au cours des prestations des Bantous. Pour moi, c’était une occasion de faire ma pub que je vais chanter… Malheureusement, on ne me faisait jamais chanter.

Le 2 mai 1965, au bar Macedo, pendant que les musiciens chantaient, j’étais toujours-là. Quelque temps, personne n’était sur la piste et je regardais l’orchestre en face de moi, au milieu, c’est la piste qui nous séparait. Et à un moment, j’ai senti une puissance en moi qui me pousse à traverser la piste pour aller voir le chef Essous et je lui demande : « Chef, chef faites-moi chanter », et un peu sidéré, il appelle Nino en ces termes « my friend, on n’a qu’à lancer le petit. Essous prend le micro et annonce au public : «nous allons vous présenter un jeune au nom de Côme Moutouari…» dès qu’il finit j’ai eu un trac grave, et je n’arrivais pas à me contenir, c’est à ce moment que le chef Essous s’est approché de moi pour m’encourager. Pour dissiper cette peur, j’ai emprunté les lunettes d’un ami. Moi et Pablito avons commencé à chanter. Dès que j’ai fini, Kouka Célestin me demande de me mettre à genou et prend une bouteille de bière et fait un cercle avec la boisson, et me la reverse sur la tête en signe de bénédiction. Depuis ce jour, j’ai intégré l’orchestre Bantou de la capitale…

Quel sont les thèmes que vous développez dans vos chansons ?

J’ai toujours fait des chansons thématiques au regard des réalités quotidiennes de la société, et je profite des erreurs globales de tous les citoyens qui vivent au sein de la même société que moi, pour extirper tout ce qui peut être bénéfique pour la société. Dénoncer les maux, et corriger les erreurs et ensuite, envoyer toujours les messages d’espoir à cette population. Chacun là où il se trouve doit se mouvoir d’une manière positive afin que la société évolue positivement. Je considère aussi que c’est ma mission d’éduquer dans les chansons. C’est cela qui m’est dévolu durant mon passage sur la terre des humains.Comment définissez-vous l’amour ?

L’amour, c’est ce qu’il y a de fondamental pour l’homme. Aimer pas seulement les femmes parce que dans ce contexte on peut tirer seulement le côté charnel, mais l’amour de l’autre tel que mentionné dans la Bible : « Il faut aimer son semblable tel que tu aimes toi-même ».
Et l’amitié ?

L’amitié est synonyme de l’amour propre. Dans l’amitié, entre amis, l’amour doit s’installer à tout point de vue, c’est-à-dire que dans les moments difficiles, de joie, cet ami doit manifester son affection envers vous ou vice-versa. Quant au meilleur ami, les amis je les ai et la meilleure amie, je pense que c’est ma femme ! Et d’ailleurs dans l’une de mes chansons, j’ai chanté « trop d’amis tue » parce que l’expérience nous prouve à suffisance que les amis se choisissent aussi comme une femme à la maison se choisit. Dans mon entendement, il y a des femmes qui sont créées pour être regardées et d’autres pour être gardées.
Le succès, vous l’avez eu ?Je le dis avec modestie, je suis quand même une notoriété publique. J’ai beaucoup voyagé à travers le monde. J’ai été dans le plus grand orchestre du pays appelé «Bantous de la capitale ». Ensuite, c’est dans cet orchestre que j’ai acquis l’expérience que je possède et le nom que j’ai aujourd’hui pour que vous pensiez à moi. C’est aussi une forme de succès.

Ce succès peut être considéré comme une chance ?

Oui, c’est une aubaine déjà que de faire partie de l’orchestre « Les Bantous de la capitale ». Et je pense qu’au-delà de ce qu’on peut appeler chance, je me dis que c’est un don que le Bon Dieu m’a donné pour qu’aujourd’hui je détienne ce que j’ai comme connaissance, et qui me permet à ce jour d’encadrer les jeunes qui viennent nouvellement dans cet univers musical. Bref, c’est un don de Dieu avec mes 47 ans de vie musicale !Et que représente la danse pour vous ?La danse a une place significative dans mes chansons. Dans la vie d’un homme, elle occupe une grande place. Et tout dépend de quel genre de danse, parce qu’il y a des danses obscènes, des danses exécutées pendant les cultes religieux que les fidèles cherchent à atteindre d’autres dimensions. Ce n’est qu’à travers le chant et la danse accompagnés que les croyants se sentent en communion avec Dieu. C’est le cas aussi avec nos musiques. Donc, le chant et la danse ne peuvent être dissociés.En 47 ans de vie musicale, quelle est votre meilleure chanson ?Toutes mes chansons se valent. Lorsque je compose mes chansons j’essaie de prendre toutes les précautions pour que ça ne soit pas médiocre. C’est ce que j’ai appris dans l’orchestre Bantous. Lorsque je composais mes chansons, je m’assurais de ne pas chanter n’importe comment et n’importe quoi ! Nous sommes les porteurs de messages, donc nous devons contrôler nos textes. Ils doivent être éducatifs.Vos beaux souvenirs ?De beaux souvenirs, j’en ai eus ! Surtout les premiers moments qui m’ont permis de voyager avec l’orchestre Les Bantous en Côte d’ivoire, au Sénégal et en France. J’ai connu tellement de moments fabuleux. C’est resté gravé dans ma mémoire.Et les mauvais souvenirs ?Les mauvais souvenirs j’en ai eu beaucoup mais le plus frappant, c’est lorsque mon père était décédé en 1973. A cette époque-là, j’étais en pleine tournée à Pointe-Noire avec l’orchestre Les Bantous. La nouvelle m’a été donnée quelques minutes avant le concert, vous comprendrez quel devait être mon état d’esprit. C’est le plus mauvais souvenir.Que détestez-vous dans la vie ?Je déteste les orgueilleux et les hypocrites. Ceux qui manquent de respect aux autres, etc.

A quand le prochain album ?Je suis en studio pour un certain nombre d’albums avec l’artiste Sam Mangwana. Un autre avec l’artiste Oxygène de l’orchestre Universal Zangul et parallèlement, je prépare un single avec mon orchestre.Propos recueillis par Wilfrid Lawilla à Brazzaville

Source AfriqueActualité