Rien, objectivement, ne peut étonner tout observateur sérieux, et surtout les Congolais engagés dans la restauration de la démocratie au Congo. Tout le monde sait, depuis longtemps, que si Sassou, en 1997, a usé d’autant de moyens, et notamment des armées étrangères les plus féroces de la sous-région pour conquérir le pouvoir, c’est parce qu’il est convaincu lui-même qu’il ne peut avoir le pouvoir par voie démocratique !
Tout le monde sait également qu’un individu, de surcroît, un ancien chef d’Etat honnêtement viré du pouvoir par les urnes (1992), ne pouvait, à la suite de ce grave forfait de 1997, rester cinq ans (donc plus que le mandat américain) à la tête de l’Etat sans mandat! Il l’a quand même fait. En 2002, et 2009, après s’être octroyé une Constitution hyper personnalisée, au vu de tout le monde, il n’a cessé de fabriquer ses propres élections et résultats, reconnus par tous comme truqués, y compris par lui-même, son élite et ses courtisans (cf. notre réflexion « La deuxième mi-temps référendo-présidentielle au Congo »).
En octobre dernier, tout le monde le sait également, alors qu’il arrivait constitutionnellement à la fin de ses deux mandats, il a usé d’un autre coup de force pour déverrouiller les limites constitutionnelles à sa candidature et continuer sa dictature !
Très honnêtement et sérieusement, il ne peut pas avoir opéré tout cela, pour se faire virer par des urnes aujourd’hui! Tout le monde, de surcroît les Congolais engagés pour la restauration démocratique, connaissaient d’avance l’issue de cette dernière séquence par laquelle, aujourd’hui, et contrairement aux P.V. des bureaux de vote, sa Commission électorale le déclare vainqueur dès le premier tour! D’autant plus qu’il l’avait annoncé auparavant!
La question était essentiellement de savoir s’il fallait que l’opposition accompagne Sassou dans ce qu’il a toujours fait sans vergogne ou pas, mais que, dans les deux cas, il ne s’agissait pas de rester les bras croisés évidemment. Contrairement à ses déclarations de départ, l’opposition, qui ne maîtrisait rien, autant de l’assiette électorale que de son déroulement, a choisi, délibérément en définitive, et en connaissance de cause des pratiques éternelles du pouvoir, de se présenter!
On n’imagine pas, parce que ce serait franchement imbécile, que des acteurs si importants de la vie politique congolaise, qui connaissent bien le profil du dirigeant congolais et du système qu’il a mis en place, qui savaient clairement ce qui se tramait et qui vient de se réaliser, n’aient pas prévu un plan B! Sinon, alors, leur responsabilité, pour ne pas dire leur complicité, serait très très lourde!
C’est à cette phase que nous sommes et donc attendons: que faire devant le énième coup d’Etat de Sassou, ouvertement annoncé, et que l’opposition a choisi de défier sur le chemin choisi par le dictateur!
C’est là, et bien là que nous sommes! C’est là que nous attendons le génie et la stratégie de l’opposition selon le choix fait! C’est là que nous attendons le plan B de l’opposition! C’est là que l’opposition doit convaincre les Congolais, les patriotes et la diaspora notamment qu’elle est sérieuse et digne de son statut! C’est là qu’elle doit convaincre qu’on doit continuer à lui accorder l’attention! C’est là, puisqu’elle a été avertie, y compris en son sein propre, qu’elle doit démontrer qu’elle n’a pas fait le jeu de Sassou et qu’elle ne s’est pas fait rouler dans la farine! C’est là qu’elle doit convaincre de son pouvoir de mobiliser autant la communauté internationale que les diverses communautés congolaises dont on connaît la complexité. Ces dernières, contrairement aux échéances précédentes, ont montré qu’ellles étaient capables de se mobiliser quand les enjeux leur étaient clairement expliqués. Car le tribut, si ce dernier forfait de Sassou se confirme encore, serait hyper lourd et désastreux, autant pour les initiatives futures que pour leur propre survie. Puisque, aux divers traumatismes presque classiques connus générés par les coup d’Etat frénétiques de Sassou-Nguesso et ses sbires, y compris les grands crimes de sang, viendrait s’ajouter aujourd’hui, pour les Congolais, l’aveu d’incapacité voire de trahison innocente des autres forces politiques. Surtout, requinqué par l’épreuve, le pouvoir dont on connaît clairement les intentions maccabres, n’hésitera pas, sur la lancée, d’embrayer sur ses ambitions conservatrices.
Analysant, il y a une semaine (cf. ‘La deuxième mi-temps référendo-présidentielle au Congo : une nouvelle arnaque politique ? ‘, en ligne), cette séquence de la présidentielle congolaise, nous disions précisément que « si la deuxième mi-temps, sur laquelle a porté cette réflexion, se focalise et a pour prétexte l’élection présidentielle formelle, stricte et datée, elle a en fait une réalité plus large, plus étalée et élastique et peut réserver, en amont ou en aval, en raison des obscurités de la consultation, des rebondissements dramatiques, que ne démentent, notamment et récemment, pas le Niger de 2009-2010, la Cote d’Ivoire de 2010-2011…et le Burundi conjoncturellement ! »
Ainsi, par ces temps de doute pour les non-avertis, pour nombreux congolais dont l’enthousiasme pour le changement a été manifeste et est encore quasi intact , la balle est dans le camp de l’opposition…
Félix BANKOUNDA MPELE