Sassou et la guerre
Par : Eldoblog (La griffeinfos Jouranal)
« L’histoire est le récit des événements passés » lisait-on à l’école. Et « un peuple sans histoire ressemble à un pantalon sans poche » dit un adage ivoirien.
Pour renseigner les générations futures de cette guerre, le site Eldoblog a fait intervenir un acteur de cette guerre dans un texte intitulé « Pourquoi faire la guerre selon Tassoua ( Général GIAP). »
Le texte dit « Le 4 juin 1997 au soir, la résidence du président Denis Sassou- Nguesso est encerclée par des éléments de l’armée régulière et de la cavalerie, (chars BP 60, etc.) ; nous sommes au courant et nous déployons nos éléments tout autour de la résidence pour attendre la suite. D’ailleurs, le président Sassou n’hésitera pas d’aller voir le président de l’Assemblée nationale, André Milongo à son domicile de Mafouta pour l’en informer. Quand, au petit matin, les assaillants passent à l’acte d’agression, ils sont surpris par le piège et prennent la fuite en abandonnant leurs engins. Nos éléments, les cobras, récupèrent cet armement lourd qui vient corriger notre propre déficit, et c’est le début de la guerre, car Pascal Lissouba ne renoncera pas, malgré ce premier échec. Avec cet avantage psychologique important, nous aurions pu, le 8 juin 1997, arrêter cette guerre, car il ne nous restait qu’à prendre le Palais présidentiel, la ZAB». Nous prévoyions de déployer deux colonnes, une première qui serait allée du Centre ville à la présidence de la république en passant par le camp 15 août, et une deuxième qui serait parti de Maya-Maya au GAP, les deux colonnes faisant jonction. Cette opération devait s’effectuer le 8 juin pour mettre fin à la guerre. Mais le 7 juin au soir, pendant que nous étions en réunion d’Etat-Major pour peaufiner notre stratégie, le téléphone sonna. Le président Sassou était demandé. Il parla longuement avec son interlocuteur. Quand il nous rejoignit, il nous donna l’information en ces termes : « C’est le président Chirac qui vient d’appeler ; je lui ai donné ma parole d’aller négocier demain à Libreville. » Puis, s’étant retourné vers moi, il dit : « GIAP, ce qui te reste à faire c’est de tenir la ligne de front jusqu’à l’aboutissement des négociations. » Des mauvaises langues se sont déliées pour m’accuser de m’être autoproclamé «GIAP». La vérité historique est pourtant tout autre. C’est en effet, le Président Denis Sassou lui même qui, lors d’une réunion de l’Etat –Major tenue le 7 juin 1997, me surnomma GIAP, du nom du général vietnamien, pour me récompenser de la première prise de la Cité des 17. «Le camarade Tassoua vient de conquérir ses galons de Général, il est désormais le Général GIAP qui devra nous mener à la victoire» dit-il. A cet instant précis, je sentis une très forte charge émotionnelle qui provoqua en moi une profonde mutation. Je pris conscience de la lourde responsabilité que le Président Sassou venait de me confier. Cet acte spontané traduisait ainsi, chez l’homme une parfaite connaissance de l’histoire des guerres de libération et de ses héros. Dans notre esprit, les négociations n’étaient qu’une affaire de quelques jours ou d’une semaine tout au plus. Nous étions en effet convaincus que le 8 juin, Pascal Lissouba aurait été présent au rendez-vous de Libreville en vue de négocier. Mais nous n’avions pas, malgré tout, baissé la garde le long de la ligne de front qui partait du centre ville (GPOM) à la cité des 17, en passant par le rond-point de la Coupole» et par la voie du chemin de fer, l’Avenue Loutassi et l’Avenue de la Paix. Cette avenue de la Paix, la ligne de front principal était subdivisée en 9 secteurs. Il faut ajouter que le colonel Datsé Norbert était responsable des renseignements, tandis que le colonel Mondjo s’occupait de l’artillerie, secondé par les colonels Bokolo Ndossa et Oyouba. Le président Sassou qui ne pouvait plus tenir de réunions pour des raisons de sécurité, me pria de le remplacer. Tous ces secteurs étaient sous la direction de l’Etat-Major qui avait sous son contrôle un haut commandement. L’Etat-Major était dirigé par le président Denis Sassou-Nguesso dont j’étais l’un des collaborateurs immédiats en tant que ministre de la guerre ; il était composé des sept membres suivants : Denis Sassou-Nguesso, Jean-Marie Tassoua, Yves Motando, Noël Léonard Essongo, Pierre Ngombé, Philippe Longonda, Jacques Morlende
Le Haut commandement était dirigé par le chef d’Etat-Major Général, Yves Motando. Les secteurs ou fronts quant à eux, étaient placés sous la responsabilité d’un commandant de secteur. Soulignons au passage que le président Sassou-Nguesso était entouré de nombreux conseillers militaires que, volontairement, nous ne citons pas de peur d’en oublier quelques uns.
Le Front Nord
Dirigé par le colonel Hilaire Moko, le front nord constituait une sorte de base arrière du front principal de Brazzaville, il était situé à Oyo et avait comme membres : le colonel Hilaire Moko, le colonel Florent Ntsiba, le colonel Ombeli, le colonel Yelessa, le colonel Bonaventure Engobo, le commandant Jean-Marie Lwanza, le commandant Ignace Ngakala, le capitaine Akoli Ce front servait de relais avec le reste du monde, d’où son importance capitale. Chaque fois que nous avions à régler un problème dans la partie septentrionale du pays, c’est le front nord qui s’en chargeait. Ce front était également un pourvoyeur d’éléments (cobras) chaque fois que le besoin s’en faisait sentir. Il était très actif. Pendant que la délégation des FDP se rend à Libreville pour négocier, Pascal Lissouba tergiverse pour gagner du temps afin de se procurer des armes. C’est ainsi qu’à la mi-juillet, les Congolais se réveillent sous une pluie de bombes : des armes non conventionnelles, les BM21 sont utilisés ; au courant du mois d’août, Pascal Lissouba se sert des hélicoptères de combat. Les bombardements redoublent d’intensité. Le déplacement aussi massif des populations n’a jamais été observé de mémoire de Congolais. Une vision apocalyptique. Nous subissons l’attaque jusqu’à l’issue des négociations… Le 9 août précisément, Bernard Kolélas dépêche auprès du président Denis Sassou-Nguesso, une forte délégation du MCDDI composée de ministres, de députés, de sénateurs conduite par Michel Mampouya ; le but de la mission est de demander à Denis Sassou-Nguesso de l’armement, car Bernard Kolélas tient, selon ses dires, à ouvrir un front au Sud de Brazzaville afin d’en découdre une bonne fois pour toute avec Lissouba avant le 15 août 1997, date de la fête nationale. Nous mettons à la disposition de Bernard Kolélas, l’équivalent d’une compagnie, avec les armes de tout calibre. Mais quelque temps après, Bernard Kolélas envoie Herbert Massamba nous attaquer à l’aide de notre propre armement. Quelle ingratitude ! Nous ripostons comme d’habitude instantanément et récupérons tout notre matériel ; le commando expéditionnaire est totalement écrasé. Ainsi, après sa trahison politique de 1995 avec l’entrée de ses lieutenants au gouvernement de la mouvance présidentielle, Bernard Kolélas vient de gravir une étape en nous trahissant militairement. Dans son dernier ouvrage « Une histoire de Rat » Joseph Mampouya a soigneusement démonté Bernard Kolélas qui risque désormais, d’éprouver d’énormes difficultés à reconstruire son aura d’hier à partir d’une escroquerie messianique complètement mise à nue. Mampouya écrit, en effet : « Bernard Kolélas n’a jamais construit ni conçu le moindre discours de référence susceptible d’aider le peuple à s’orienter vers le développement sa singulière vision magico-religieuse, foncièrement anachronique, lui interdit toute projection réaliste s’intégrant dans la marche positive du temps. Car, chez lui, tout est affabulations sur sa propre personne et sur la force des esprits, fantasmes, utopie, rêves, allusions et proverbes obscurs afin de justifier sa trame destinale vers les sommités du pouvoir politique, pour tout dire, loin de contribuer à l’émergence d’un esprit véritablement démocratique dans son pays, Bernard Kolélas, prisonnier de sa caverne ethnique, englué dans la doxa, aura criminellement gâché le temps de la nation en cultivant sans relâche l’instinct grégaire dans sa région natale, pour préparer le lit de ses propres petites ambitions de rat, c’est-à-dire de piètre Nkumbi ». Notre messie ne pouvait pas mieux être pourfendu. Quand le 15 septembre 1997, lesdites négociations de Libreville échouent, nous sommes contraints à passer à l’offensive. Les combats sont très rudes. L’ennemi piégé prend la fuite en abandonnant leurs engins. Nos éléments, les cobras, récupèrent cet armement lourd qui vient corriger notre propre déficit, et c’est le début de la guerre, car Pascal Lissouba ne renoncera pas, malgré ce premier échec. Du 25 au 29 septembre, se sentant au bord de l’échec, les Cocoyes se retirent de Brazzaville et sont remplacés par les ninjas qui attaquent nos « cobras », leurs alliés d’hier. Les ninjas réussissent à nous repousser jusqu’au dépôt d’Hydro-Congo à Mpila. Le 29 septembre 1997, à vrai-dire, la guerre est perdue pour nous. Le colonel Mokoki vient me voir vers 11h pour m’informer que le front de Mpila est percé. J’appelle le président Sassou pour le mettre au courant de la situation. Il me rassure et me demande de tenir bon ; car, pour lui, il est hors de question que Mpila tombe ; il me demande 48 heures pour préparer la contre-offensive. Pendant ce temps, il me faut racoler tous les chars et les mortiers. Le colonel Mokoki s’occupe de toutes ces opérations tandis que moi, je me dirige vers le front percé de Mpila pour tenter de soutenir le colonel Adoua qui se trouve très affecté. Arrivé aux environs de la brasserie Primus, je l’appelle au motorola , il essaye de me dissuader de rebrousser chemin, car, les obus pleuvent de partout. J’insiste en lui disant que j’ai pour lui, un message personnel du président Sassou. Il envoie alors malgré lui, un élément me chercher et m’indique comment accéder à sa cachette. J’y parviens et lui transmets le message d’encouragement du président. C’est ainsi que vers 11h30, ragaillardis, nous ripostons en progressant vers Hydro-Congo. Aux environs de 19h, nous arrivons à l’Hôtel du 5 février. Quand les 2 et 3 octobre je vois débarquer nos amis angolais pendant que nous sommes en train de préparer l’offensive, je suis persuadé que la victoire est à la portée de la main. Nous cachons quelques engins chez moi et d’autres au PK.45. Le 6 octobre, je rends compte au président Sassou au téléphone et lui dis notre intention d’en finir définitivement en utilisant l’artillerie, c’est notre première stratégie. Le président nous le déconseille formellement, de peur que les bâtiments des représentations diplomatiques ne soient soufflés, ce qui risquerait de provoquer une protestation internationale. La deuxième stratégie consistait à surprendre l’ennemi de revers en s’infiltrant par le Sud de Brazzaville. Ici encore, le président oppose un refus, car il n’est pas sûr qu’en envahissant Bacongo, les cobras puissent laisser Pascal Lissouba et Bernard Kolélas en vie. Après ce débat téléphonique, nous optons pour les D 30 (canon de 120 mm à cause de leur précision.
Entre le 8 et 9 octobre, nous sommes obligés d’utiliser les BM21 non sans avoir demandé aux populations le 7 octobre, de s’éloigner de la zone des combats. Mais constatant que nous n’avançons pas, nous décidons avec nos amis Angolais de faire intervenir l’aviation pour créer l’émoi et déstabiliser l’ennemi, dans le camp ennemi, c’est la débandade. Le 13 octobre, le Palais présidentiel tombe, le 14 nous arrivons à Makélékélé et le 15 octobre c’est la fin de la guerre. Le général d’armée Denis Sassou-Nguesso nous met en garde afin que la guerre n’aille pas au-delà du Djoué. Nous respectons la consigne. Au lendemain du 15 octobre, une génération spontanée a envahi le terrain avec une certaine arrogance. Tous les mollusques qui, hier, s’étaient terré, ont brusquement surgis de leur cachette pour se métamorphoser en intrépides seigneurs de guerre victorieux. Comme ont dit : « la défaite est orpheline mais la victoire a cent pères »
Le Front Extérieur
Le front extérieur s’était surtout développé en France, plus précisément à Paris où il s’installa d’abord au 45, Boulevard de Magenta dans le 10e arrondissement, puis au 33, Avenue Montaigne dans le 16e. Ce fut un front permanent à caractère politico-diplomatique, créé bien avant la guerre déclenchée le 5 juin 1997 par Denis Sassou Nguesso pour attirer l’attention de l’opinion internationale sur la dérive démocratique dans son pays. Il ya eu également des jeunes démocrates qui s’organisèrent plus efficacement à travers leurs structures politiques à savoir : Le Groupe d’Initiatives pour la Défense de la Démocratie et des Libertés au Congo dirigé par Etienne Mokondjimobé, les association telle que Horizon 97, le Club Liberté et Egalité pour le Développement (CLED), le Centre Congolais de Recherche et d’Etudes Politiques, Diagnostic et Challenge, Congo-Sport, etc., Le regroupement de toutes ces structures donna naissance au « Collectif des Associations Démocrates (CAD) » qui impulsa une nouvelle dynamique à la prise de conscience de la communauté internationale sur la question congolaise, en contribuant à dévoiler la duplicité du discours politique de 1992. L’activité fut intense et surtout désintéressée. Tous les actes anti-démocratiques du pouvoir de Lissouba furent dénoncés et condamnés avec les armes du droit à travers des communiqués, des déclarations, l’organisations des colloques, des débats, des marches de protestation, etc. Quant au 33, Avenue Montaigne, le président Sassou y installa un cabinet politique dont les principaux animateurs étaient Ambroise Noumazalaye, Rodolphe Adada, Mathias Dzon, Dekamo Mamadou Kamara, Anatole Kondo etc. Cette cellule présidentielle joua un rôle crucial en matière de diplomatie et de marketing politique. En définitive, ces deux structures (Magenta et Montaigne) étaient au départ animées par un seul objectif : la restauration de la démocratie au Congo à travers le soutien de la candidature de Denis Sassou-Nguesso à l4élection présidentielle. Voilà pourquoi Magenta et Montaigne travaillèrent dans une parfaite symbiose jusqu4au jour où, avec le retour du président Sassou à la tête du pays à l4issue de la guerre de 1997, les masques tombèrent, dévoilant par-là même la « petitesse d’âme » des uns et des autres. Voilà pourquoi, précipitamment, les animateurs de Montaigne sautèrent, haletant, dans le premier avion à destination de Brazzaville, abandonnant sur le tarmac leurs cadets de Magenta. Sans état d’âme. Nommés presque tous ministres, ils rayèrent d’un trait la belle aventure militante vécue pendant la traversée du désert…
Dans son allocution d’ouverture, le président de la République donna le ton en ces termes : « Le drame humain que vient de vivre notre pays prouve à suffisance que le culte de l’ethnicité et de la parenté biologique, les velléités d’hégémonie ethno-régionales et le rejet de la différence constituent le pire des choix politiques. On ne l’aura jamais assez dit : ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise. »
Source: Eldoblog, Preparatifs de la guerre du 5 juin
Publié le 23 Mai 2007