LA LEÇON SUD-AFRICAINE: L'INTÉRÊT NARGUE OU PRIME SUR LE SENTIMENT RACIAL ET DONC TRIBAL

Ceux qui observent avec attention la vie politique en Afrique du Sud, et par comparaison avec les pratiques politiques en Afrique au sud du Sahara, se sont forcément demandés, à un certain moment, quelle serait l’évolution politique de l’Afrique du sud sans Mandela, et surtout face à la question raciale.

Au nom de la race noire, et de l’apartheid dont ils ont longtemps et violemment été victimes, les noirs maintiendront-ils indéfiniment l’hégémonie politique de l’ANC quels que soient les comportements, les frasques de ses dirigeants ou, au contraire, et objectivement, ils en tireraient les leçons! Plus clairement, et trivialement, au nom de la race, du lien subjectif endurci par l’histoire, les noirs sacrifieraient-ils leurs intérêts objectifs, leurs intérêts de tous les jours, au nom exclusif d’un pouvoir noir, face aux inévitables dégénérescences de tout pouvoir, quels que soient les lieux, temps et contexte!

L’on sait, et Monseigneur Desmond Toutou l’a longtemps dénoncé, du vivant même de Mandela, que les héritiers politiques de Mandela, et principalement l’actuel président, s’étaient, à grands pas, convertis dans la corruption, le pillage des ressources publiques et d’autres actes immoraux. La condamnation récente du président Zuma, le 31 mars 2016, par la juridiction constitutionnelle,  dans l’affaire dite Nkandla à rembourser une large partie des 15 millions de dollars d’argent public consacrés à la rénovation de sa résidence privée est, à cet égard, symptomatique. En même temps, la situation socio-économique de la majorité des noirs sud-africains, elle, ne s’est pas fondamentalement améliorée, bien au contraire et, par des mouvements sociaux réguliers, ceux-ci n’ont cessé de lancer des avertissements au pouvoir noir.

Les dernières élections en Afrique du Sud, les municipales du 3 août dernier, et que tout le monde s’accorde à reconnaître comme un recul, « un revers historique de l’ANC », nous en donnent ici la réponse, et ce n’est qu’un début.  Ce recul « est arrivé plus vite et dans des proportions plus fortes que ce qu’on imaginait. C’est un choc pour tout le monde », estime un analyste politique indépendant Ralph Mathekga: l’hégémonie de l’ANC est fortement entamée ; dans certaines villes très symboliques l’ANC a même été devancée par l’Alliance Démocratique (DA); ainsi, par exemple, « Dans la capitale Pretoria, où il disposait jusqu’alors d’une solide majorité absolue, c’est l’Alliance démocratique (DA) qui est arrivée en tête avec 43,1% des voix contre 41,2% pour le parti au pouvoir. À Nelson Mandela Bay, sixième métropole du pays qui englobe Port Elizabeth, un bastion de la lutte contre l’apartheid, le camouflet est encore plus grand » ; ouvertement, de nombreux noirs défient l’historique parti de Mandéla et promettent pire pour l’avenir. Bref, que l’intérêt objectif et-ou personnel ne peut pas éternellement être sacrifié au nom de l’intérêt racial ou communautaire. Que, contrairement aux manipulations politico-racistes et autres, l’intérêt de Jacob Zuma et d’une certaine élite noire d’Afrique du Sud n’est pas forcément celui de la majorité des Noirs de ce pays.

C’est là, et par prémonition, une réalité, une vérité et l’avenir de l’ensemble de l’Afrique des tribus qui viennent d’être publiquement dévoilés, et que nos potentats africains se sont toujours arrangés de cacher, de retarder auprès de leurs concitoyens, en ramenant toujours, et cyniquement, la vie politique nationale à la vieille, imbécile et machiavélique équation tribale, régionale ou nord-sud. A cela, rien de nouveau que les gens avertis ou simplement honnêtes n’aient compris depuis longtemps. Une situation que, de toutes façons, les Africains au sud du Sahara auraient eux-mêmes éclairci depuis longtemps si, comme on le sait, les processus électoraux n’étaient pas manipulés ou détournés, et que les mandats ou exercices électoraux avaient été reproduits de façon régulière.

Puisse cette séquence sud-africaine accélérer la prise de conscience de la vraie et principale donne politique dans nos pays! Et, ce n’est pas parce que l’Alliance Démocratique est dirigée par un Noir que les Sud-africains se sont orientés vers ce dernier parti. La séquence assène une véritable leçon aux dirigeants sud-africains et, partant, à certaines élites africaines, aux africains tout court, que LES CITOYENS, QUELS QUE SOIENT LES DÉFAUTS DONT ON LES AFFUBLENT, ET QUI NE SONT EN VÉRITÉ QUE FAUSSES PRÉSOMPTIONS, SONT CAPABLES, AU BOUT DE QUELQUES EXERCICES,  DE PRÉFÉRER UN CANDIDAT D’UNE AUTRE TRIBU, D’UNE AUTRE RACE, ET PEUT-ÊTRE MÊME UN ÉTRANGER N’EUT-ÉTÉ LES LIMITES JURIDIQUES, QUAND LEURS DROITS ET INTÉRÊTS INTRINSÈQUES SONT SOUVENT BAFOUÉS, OU QUE LES DIRIGEANTS QU’ILS ONT ÉLU SE COMPORTENT, COMME AU CONGO, EN VILS TRUANDS DÉCOMPLEXÉS…

Et, sous le couvert de l’insolite appel à l’unité nationale du gaffeur-sulfureux-président Zuma à la suite des résultats, on peut légitimement penser que celui-ci, qui partage largement les (anti) valeurs de ses homologues africains, cachait par ce biais, en réalité, un appel du pied au vote traditionnellement racial des noirs dont il n’est pas sûr qu’il soit, dans l’avenir, parfaitement suivi par les noirs sud-africains.

Félix BANKOUNDA MPELE