La liberté de la presse au Congo Brazzaville sous coupe réglée du dictateur

Le rapport est tombé. Selon la dernière évaluation de Reporters Sans Frontières – le baromètre mondial de la presse -, « le Congo a perdu 25 places au terme d’une année difficile pour les médias indépendants. Le gouvernement a intensifié sa chasse aux journalistes critiques, usant parfois de méthodes extrêmement violentes. Les journalistes, s’ils refusent de se taire, sont poussés à l’exil ou expulsés ».

Le Congo occupe désormais la 107ème place sur les 180 pays concernés par ce classement, alors que l’année dernière il occupait la 82ème place. Les interdictions des journaux: Talassa, Le Nouveau Regard, La Vérité, La Griffe, les suspensions du Trottoir, de La Voix du peuple, du Glaive, de Sel-Piment, alourdies par les incarcérations des promoteurs de journaux au Commissariat Central ainsi que l’expulsion de deux journalistes de renom, Élie Smith et Sadio Kanté Morel, sont les causes évidentes de cette chute brutale.

« Denis Sassou-N’guesso est lui-même un persécuteur de la presse indépendante congolaise »

Grande a été la surprise lorsque, le Chef de l’État, Denis Sassou-N’guesso, s’est rendu à l’ambassade de France pour témoigner son soutien à la presse française sur l’attentat qui a occasionné la mort de plusieurs journalistes de Charlie Hebdo, perpétré par des terroristes. Il sied de faire remarquer que Denis Sassou-N’guesso n’a jamais pris la peine de se déplacer quand ses compatriotes ont perdu leurs vies dans des inondations dues aux pluies diluviennes qui se sont abattues dans les quartiers nord et sud de Brazzaville. Étrangement, ce dernier ne s’est pas gêné de verser quelques larmes de crocodile à la mémoire du peuple français. Avec la position qui est devenue la sienne auprès de la France, l’on a aisément compris, par ce geste, qu’il essayait de regagner la confiance de l’ancienne métropole. Heureusement, comme a su le dire un journaliste français : « Denis Sassou-N’guesso est lui-même un persécuteur de la presse indépendante congolaise ». Fin de citation.

Denis Sassou-N’guesso : véritable Président du Conseil Supérieur de la Liberté de Communication

Deuxième remarque, la presse écrite indépendante congolaise, réunie, est beaucoup moins insolente que Charlie Hebdo. Mais, elle n’a jamais reçu ni l’encouragement du Chef de l’État, ni son soutien et encore moins celui de l’État. Bien au contraire, elle est très souvent interdite ou suspendue. Au demeurant, dans un régime de type présidentiel comme celui du Congo-Brazzaville (où le Chef de l’État pilote lui-même toutes les institutions ainsi que leurs politiques) à qui voudrait-on faire avaler que les journaux congolais sont interdits et suspendus sans que le Président de la République n’ait été mis au parfum ? Vous conviendrez avec nous que cela est impossible. D’autant plus impossible que le Chef de l’État congolais est lui-même le plus grand lecteur de journaux, autrement dit il n’a besoin de personne pour constater la disparition d’un organe de presse sur le marché. Authentique. Pensez-vous vraiment que de nos jours où le musèlement de la presse est attentatoire à la Démocratie et à la conscience universelle, époque où cela constitue une grave atteinte aux libertés fondamentales des peuples, le Conseil Supérieur de la Liberté de Communication, mieux, son Président, peuvent enfreindre cette règle sans l’aval du Président de la République ? Non, nous ne le pensons pas! Les membres dudit Conseil ne peuvent, unilatéralement, prendre de telles décisions susceptibles d’entamer la réputation et la crédibilité d’un pays, donc de le faire passer pour une dictature. Qu’à cela ne tienne, nous ne l’avons jamais dit, mais il est temps de fixer l’opinion nationale à ce sujet; le véritable Président du Conseil Supérieur de la Liberté de Communication au Congo-Brazzaville n’est autre que le Président Sassou lui-même. C’est lui qui interdit et suspend les médias.

Toutes les décisions partent du haut sommet

A qui voudrait-on faire croire (pour ne citer que son cas) qu’Élie Smith, qui fut « le petit personnel » du Président de la République, de son grand frère, Maurice Nguesso, et de son ministre de l’intérieur, Zéphirin Raymond Mboulou, a été expulsé du Congo à l’insu de Denis Sassou-N’guesso ? Et si c’est le cas, pourquoi le Président ne lui a-t-il jamais demandé de regagner sa deuxième patrie, le Congo-Brazzaville ? Il s’agit quand même d’une autorité qui exerce le droit de grâce. Voilà pourquoi nous recommandions, à l’époque, à Élie Smith, de ne pas faire confiance à ces gens-là. Par ailleurs, arrêtons cet enfantillage qui consiste à croire que le Chef de l’État n’a rien à voir avec les interdictions, suspensions et autres expulsions dont sont victimes les médias ou plutôt la presse écrite congolaise ainsi que cette mauvaise note infligée par Reporters Sans Frontières. En considérant ce qui précède, il apparaît clairement, comme de l’eau de roche, que toutes les décisions partent du haut sommet, c’est-à-dire du Président Sassou lui-même. Et pour cause, selon des sources concordantes, ce dernier n’aime pas entendre un autre son de cloche dans cette République ; il ne supporte pas le débat contradictoire. Il est resté attaché à la pensée unique ainsi qu’à la presse propagandiste des pays communistes. Pour dire les choses telles qu’elles sont, le Président Sassou veut qu’on fasse sa presse ou qu’on se taise.

En somme, selon Reporters Sans Frontières, le Congo-Brazzaville a connu une chute vertigineuse cette année. Tandis que : « En tête de l’édition 2015 du Classement mondial de la liberté de la presse figurent, comme souvent, trois pays nordiques, la Finlande, première depuis cinq ans, la Norvège et le Danemark. A l’autre bout du spectre, les situations les pires sont relevées au Turkménistan, en Corée du Nord et en Érythrée, 180ème sur 180. La France figure à la 38ème place (+ 1), les États-Unis à la 49ème (- 3), le Japon à la 61ème (- 2), le Brésil à la 99ème (+12), la Russie à la 152ème (- 4), l’Iran à la 173ème (stable) et la Chine à la 176ème ».

Guy Milex M’BONDZI