« Le gibier est dans le filet ». Sans complexe, Denis Sassou Nguesso l’avait dit à ses ouailles Mbochis réunis en conclave à Oyo, dans la Cuvette. Pour ce chasseur-né, le pouvoir est un animal qu’il est bon de capturer. Aussi, il est hors de question de le laisser filer. L’homme d’Edou-Penda s’y emploie pour assouvir son vœu le plus cher : mourir sur le trône. La partie de chasse serait presque drôle si la situation politique, économique et sociale du Congo-Brazzaville n’était pas si tragique.
Passage en force
Denis Sassou Nguesso, le PCT et les épigones du « chemin d’avenir »,pour une seconde fois en six mois, expérimentent une méthode de battue qui a largement cours dans les dictatures tropicales à l’instar du Zimbabwé, du Burundi et de l’Ouganda. Une technique mais couverte de risques éprouvée par Robert Mugabé, Pierre Nkurunziza et Yoweri Museveni : le passage en force. Le 25 octobre 2015 à l’occasion du référendum sur le changement de la Constitution du 20 janvier 2002, ce fut la première fois. Les épigones comptent rééditer le fâcheux exploit le 20 mars 2016.
Le calife d’Oyo et le PCT avaient pourtant constaté avec le changement de Constitution que le filet pouvait se déchirer et laisser filer le gibier. Cela pouvait faire des dégâts. Des militants et des sympathisants de la plate-forme IDC-FROCAD manifestant à mains nues ont été la cible de gardes/cobras. Chiens perdus sans collier, les insurgés furent tués le 20 octobre 2015 dans les quartiers Bacongo, Makélékélé et Mfilou.
D’autres ont été aspergés de bombes lacrymogènes, toujours dans les quartiers Sud de Brazzaville. Les populations du Congo-Brazzaville avaient boudé les urnes. Conscients de leur impopularité, de l’hostilité et du rejet de leur candidat par les congolais, ils sont en passe de récidiver avec la présidentielle anticipée du 20 mars 2016. En quelques mois, Denis Sassou Nguesso a réussi à constituer et à provoquer un front inédit du refus partant de Guy Brice Parfait Kolelas à Jean-Marie Michel Mokoko en passant par Pascal Tsaty Mabiala, André Okombi Salissa et Claudine Munari Mabondzo.
Campagne à deux vitesses
« Des forêts jusqu’à nos savanes », pendant que Denis Sassou Nguesso sillonnent le Congo-Brazzaville, aux frais de la princesse, les candidats de l’IDC-FROCAD sont cloués à résidence. Les cinq candidats et les leaders de l’alliance IDC-FROCAD sont assignés à résidence par la police politique de Denis Sassou Nguesso, comme dans un parc zoologique.
Recouvriront-ils leur liberté de mouvement à compter du 4 mars 2016,date officielle du début de la campagne présidentielle anticipée ?Pourront-ils battre campagne librement sur toute l’étendue du territoire du Congo-Brazzaville, de l’océan jusqu’au fleuve, du nord au sud ? Même si la chasse est ouverte aujourd’hui 4 mars 2016, Denis Sassou Nguesso est en campagne depuis belle lurette sous le prétexte de pose de première pierre. Avec les moyens financiers et une large couverture médiatique par les organes de presse de l’Etat, sa campagne est en pleine explosion comme la caserne de l’Eccramu à Mpila. Certes pierre qui roule n’amasse pas mousse. Il n’est pas dit que les électeurs le suivront. Mais, il y a deux poids, deux mesures.
Premier tour
Le sujet est hautement inflammable. Denis Sassou Nguesso et les épigones du « chemin d’avenir » doutent. D’où cette démonstration de force militaire à Madingou et à Pointe-Noire en vue de frapper les esprits des populations du Congo-Brazzaville. L’enjeu est clairement de saper le moral et toucher la psychologie de ceux qui seraient tentés par des velléités de contestation des résultats annonçant la victoire de Sassou Nguesso au premier tour. Un travail d’approche est entrepris dans ce sens par Pierre Ngolo, le secrétaire général du PCT. « Si le peuple vote de sorte qu’il y ait un vainqueur de l’opposition dès le premier tour, le PCT s’inclinera et le félicitera. Si par ailleurs de façon objective le candidat Denis Sassou N’Guesso est élu dès le premier tour, par rapport à l’appréciation que les citoyens portent sur lui, l’opposition devra l’accepter et le féliciter… » (Les dépêches de Brazzaville, 3 mars 2016). Le ton est donné. La campagne pour l’élection de Denis Sassou Nguesso dès le premier tour est lancée. L’opération de bourrage des urnes aussi. Sans oublier la séquence de distribution de cartes d’électeurs aux étrangers. Ils sont coutumiers du fait.
A chaque fois que le PCT et les épigones du « chemin d’avenir » sont menacés, ils cherchent des réponses complexes à des questions simples : des élections régulières, libres et transparentes. Redoutant un retour des flammes, Denis Sassou Nguesso est allergique à la transparence, à la liberté et à la régularité des élections. Arrivé troisième avec 17 % des suffrages exprimés derrière Pascal Lissouba et Bernard Kolelas, il garde un très mauvais souvenir des élections présidentielles de 1992. Le gibier s’échappa. Denis Sassou Nguesso ne souhaite pas revivre la même humiliation du chasseur chassé, d’où le maquillage et l’habillage de la CONEL en CENI qui lui garantit une victoire à la présidentielle anticipée du 20 mars 2016 dès le premier tour. Les conditions de liberté, de régularité et de transparence des élections n’étant pas réunis, les cinq candidats de l’alliance IDC-FROCAD accompagneront-ils Sassou Nguesso à la victoire annoncée du 20 mars 2016 ou délivreront-ils le gibier capturé par le chasseur d’Edou/Penda depuis trente-deux ans ? Car la viande, comme disait un militant du MCDDI, a depuis longtemps pourri.
Benjamin BILOMBOT BITADYS