la-nouvelle-forme-de-drague-britannique-en-afrique-theresa-may-et-lafrique-300x146-7311358 La-nouvelle-forme-de-drague-britannique-en-afrique-THERESA-MAY-et-LAFRIQUE

Par : Felix BANKOUNDA MPELE 

Certains analystes le prévoyaient depuis, la réalité le confirme : ça bouge en Afrique, malgré une conjoncture économique qui dans l’immédiat n’est pas tout à fait au beau fixe. Une ambiance et une effervescence diplomatiques qui n’est pas sans rappeler celle immédiatement postcoloniale, ou celle de la période dite de la Guerre Froide. Et où en est l’Afrique dans cette ‘nouvelle’ manche?

C’est le maître-mot, le leitmotiv de la tournée de Theresa MAY en Afrique anglophone ! Les USA avaient assuré le bouclier militaire à la Corée du sud notamment, contre sa bouillante voisine et cousine, la Corée du nord, voilà que les Britanniques proposent à peu-près la même philosophie pour certaines ex-colonies en Afrique.

Précisons tout de suite qu’il ne s’agit que d’un ‘bouclier’ militaire et non autre, même s’il va de soi que celui-ci implique aussi des moyens financiers. Précisons également que celui-ci s’inscrit officiellement dans la logique de la lutte anti-terroriste de l’Occident, de l’Europe en Afrique. C’est, en quelque sorte, un genre du G5 pour les pays anglophones d’Afrique.

Et, cela s’est fait dans une sorte de rythme, de danse endiablée ; en novembre 1961, la Reine Elisabeth II, en visite au Ghana indépendant, scella les nouvelles relations avec son ancienne colonie par une danse avec le père de l’indépendance, Kwame NKRUMAH. Ce qui prêta, pour certains, à plusieurs interprétations sur les convictions ‘révolutionnaires’ du Président. Par réminiscence peut-être, MAY également n’a pu s’empêcher d’esquisser des pas de danse avec les autorités Sud africaines, première étape de son périple africain.

Comme avait pu en son temps l’expliciter François HOLLANDE auprès de ses concitoyens, pour faire avaler la pilule, lors de l’opération Barkhane — intervention française au Mali en janvier 2013 –, avec incroyablement et exceptionnellement le soutien du FN aussi, EN AGISSANT AINSI, le pays interventionniste agit aussi et principalement pour lui-même. Parce que la bonne protection commence de loin, et non quand le risque est devant sa porte.

Le secrétaire à la Défense britannique, Gavin WILLIAMSON, ne dit pas autre chose : « Du soutien des opérations antiterroristes à la formation, à la neutralisation des engins explosifs improvisés au Kenya, nos forces armées aident à construire une Afrique plus sûre. En s’attaquant à la menace terroriste à l’étranger, nous contribuons à assurer la sécurité de nos rues dans notre pays ».

La question essentielle, pour une Grande Bretagne en plein Brexit, c’est-à-dire avec énormément de problèmes financiers immédiats et en perspective, c’est de savoir si cette démarche présentement n’est pas L’ACCESSOIRE de LA PRINCIPALE qui n’est pas explicitement mise en évidence : la réactivation des enjeux d’autrefois dans une Afrique de plus en plus convoitée.

Car, ces annonces de la Première ministre Britannique Theresa MAY, au cours de son périple africain, le sont presque au même moment où Angela MERKEL effectue aussi sa tournée africaine. Les deux opèrent également au moment où il est régulièrement fait état d’une agitation nouvelle de la Russie en Afrique, et principalement en Centrafrique[1]. C’est, également, au moment où la Chine a choisi d’ouvrir sa première base militaire étrangère en Afrique, à Djibouti, et s’apprête dans deux jours à ouvrir son prochain sommet Chino-africain, pour les 3-4 septembre. C’est, enfin, au moment où l’Amérique de Donald TRUMP est plus que jamais déterminée à reconquérir la RDC, qu’elle avait presque abandonné au début des années 90 pour les raisons que l’on connaît, pour y jeter à nouveau ses amarres. Rarement, depuis la fin officielle de la Guerre froide, l’effervescence n’avait été aussi vive en Afrique, et au même moment.

Si, assez aisément, on peut comprendre ce nouvel engouement de l’Occident pour l’Afrique, vue par nombreux, non sans controverses (cf. principalement: François GIOVALUCCHI, « Et si l’Afrique émergente était une fable ? », in Le Monde, 29 août 2018; Thierry VIRCOULOU, « L’émergence africaine existe t-elle vraiment? », in Le Monde, 4 juillet 2018) comme « la favorite » du siècle qui vient de démarrer, il reste à savoir si les dirigeants africains ont bien compris et intériorisé ces enjeux, s’ils ne se concentrent et n’exploitent pas ceux-ci uniquement pour leurs réflexes habituels de cupidité et de conservation du pouvoir, et que cette fois-ci ils ne feront pas louper, une fois de plus, le coche à tout un continent…

C’est aussi, sans doute, l’occasion de faire remarquer que si, dans les relations Occident-Afrique, ce qu’il est convenu d’appeler Françafrique s’est révélée plus gloutonne, plus brutale et criminelle, le Commonwealth est souvent crédité d’un peu plus de souplesse, qui se vérifie aujourd’hui, dans la gouvernance tant politique qu’économique, d’une plus grande avancée des pays anglophones d’Afrique sur les pays francophones. Cela ne manquera sans doute pas aussi de répercussion dans la nouvelle donne, sous le couvert du bouclier militaire, principalement  anglophone ou francophone, auquel il faudra, désormais et à l’avenir, adjoindre le bouclier chinois, embryonnaire certes, mais appelé à s’élargir.

Mais, au-delà des différentes thèses, pessimistes ou optimistes, au-delà des méthodes dans les relations internationales, violentes ou souples, rien n’est jamais gagné d’avance dans le domaine des relations entre États…

[1]Entre autres, et pour les plus récents, lire le rappel suivant et édifiant de Laurent Ribadeau Dumas, « Le grand retour de la Russie sur le continent africain», in Geopolis afrique, 1er septembre 2018

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