« Ne négocier pas avec vos peurs, mais n’ayez pas peur de négocier » John F. KENNEDY
Les aficionados de la politique congolaise rivalisent des mâles propos sur le contenu à donner à un éventuel dialogue sur l’avenir de notre pays. Le sonneur de tocsin que je suis, reste dans l’expectative, au mieux je m’applique à prospecter d’autres alternatives. De fait, englué dans une crise dont il est le principal responsable, sinon le seul, Sassou Nguesso fourbit ses armes; au sens propre comme au figuré. Désormais, c’est le mot « dialogue » qui est devenu le fil d’Ariane. Sur fond d’une procrastination dont il a le secret, il souffle le chaud et le froid.
Un dialogue n’est pas une fin en soi
Disons-le d’emblée sans circonlocutions : même s’il peut être paré de toutes les vertus, un dialogue ne peut pas être, en toutes circonstances, une fin en soi. En politique, et pour le cas du Congo tout au moins, sa portée est déterminée par quelques éléments essentiels: le contenu, les acteurs, le moment etc…
Comme à l’accoutumée, flanqué de son clan sans foi ni loi, le tyran d’Oyo va une fois de plus emprunter au diable, sa longue cuillère pour nous concocter, un mélange indigeste composé des ingrédients aux tentations crapuleuses. Nous aurons droit, à notre corps défendant, à des retrouvailles lugubres, aux allures d’un complot contre le peuple ; où se touilleront allégrement dans le chaudron du diable, intrigues, collusions, achats de conscience et prostitution politique.. Le potentiel de feinte et de mal qui habite le cœur de ce clan « mafieux » qui tire doctement les ficelles dans le clair-obscur, est, de trop loin, supérieur aux valeurs du bien et du progrès nécessaires pour la restauration démocratique. En définitive, sans pression quelconque, Sassou et son PCT phagocyteraient, par leur impudence, tout dialogue, tant qu’il ne sera pas au service de la pérennisation de « leur » pouvoir.
La question du dialogue telle qu’elle est formulée par le clan Sassou est une pure diversion, pour occulter les plus importantes concernant les vrais résultats de l’élection du 20 mars 2016, les prisonniers politiques, mais surtout l’usurpation du pouvoir par une personne qui a ostensiblement perdu les élections en ne recueillant que 8% des suffrages exprimés. Par conséquent, un dialogue sans avoir posé des préalables clairs, s’apparenterait à cautionner ce coup d’Etat constitutionnel qui compromet la marche de notre pays vers le concert des nations démocratiques.
Ceux qui réclament à tue-tête un dialogue, sans en définir les contours, font fausse route. Nous n’avons pas affaire à des enfants de chœur, ni à des férus de la démocratie ; mais à un clan qui a fait preuve par le passé de sa cruauté, prêt à tout pour enfoncer le pays dans les abysses de la barbarie, y compris en marchant sur des milliers de cadavres de nos compatriotes pour assouvir leurs fantasmes. Il convient de s’en rappeler.
Il sied de signaler, à toutes fins utiles que, dans le monde des hommes, les arguments de droit n’ont de poids que dans la mesure où les adversaires en présence disposent des moyens de contrainte équivalente, et que, si tel n’est pas le cas, les plus forts tirent tout le parti possible de leur puissance tandis que les plus faibles n’ont qu’à s’incliner.
On ne le dira jamais assez : toute négociation, tout dialogue, aujourd’hui et plus encore demain, se gagnera d’abord par l’appropriation du champ cognitif, c’est-à-dire par la compréhension de l’environnement dans toutes ses dimensions.
Churchill nous a prévenus : « Oublier son histoire, c’est être condamné à la revivre ». Ne pas tenir compte des marchés de dupes qu’avaient été les concertations d’Ewo, de Dolisie, mais surtout la supercherie de Sibiti, c’est faire preuve d’une déconcertante naïveté, en oubliant qu’un dialogue initié par ce pouvoir n’ira jamais dans le sens de la restauration des acquis démocratiques mis à mal depuis presque deux décennies.
Créer d’abord un rapport de force avant tout dialogue
Deux phrases expliquent l’état d’esprit et la démarche périlleuse de Sassou : « Denis Sassou Nguesso peut consulter son peuple, ça fait partie de son droit et le peuple doit répondre. Ensuite il faut toujours veiller à rassembler, respecter et apaiser » F.Hollande le 21 octobre 2015. « Faut pas oublier qu’il y eu une guerre dans ce pays, et je l’avais gagnée » Sassou -années 2000. On comprend aisément, pourquoi il a-t-il voulu à tout prix imposer un référendum sanglant pour changer la constitution, réaliser un braquage des urnes, et en fin de compte aller vers les opposants malléables pour chercher à apaiser; sous ses conditions à lui.
Nul n’est dupe, l’importation de quantités impressionnantes d’armes de destruction massive et la mise en place des milices du pouvoir, ne rentrent pas dans une logique de promotion de la paix, mais dans celle de l’encensement de son allié de toujours: la terreur. Quoi qu’il fasse, il doit savoir qu’il n’existe pas de force absolue, de supériorité qui s’exercerait dans tous les domaines et sous tous les rapports. Si imposante qu’elle soit, toute force est une médaille qui possède nécessairement un revers. Si l’on part du postulat d’une opposition affaiblie à dessein par la corruption, l’achat de conscience, la collusion ; la chance ou la force de cette faiblesse ne serait donc pas de rivaliser avec le fort sur le terrain de celui-ci; elle consisterait à utiliser pleinement les ressources de la dissymétrie. Agir sur le talon d’Achille du pouvoir, car tout pouvoir en a un. Le combat d’une opposition crédible, imaginative et efficace doit se mener de ce côté-là. Faire autrement s’apparenterait simplement à tirer l’attelage à hue et à dia.
Dans pareilles circonstances, proposer un dialogue à fleurets mouchetés à un clan « mafieux » absorbé par la versatilité, la mondanité, l’excès de confiance mais surtout enivré des abondantes recettes pétrolières qui renforcent sa capacité corruptive ; relève de la pure fiction. Le peuple ne peut espérer un dialogue productif et/ou constructif que lorsque les défenseurs de la veuve et de l’orphelin s’y prennent avec efficacité.
En réalité, le préalable à toute démarche relative à un quelconque dialogue doit s’orienter vers la conception d’un levier contraignant Sassou et son clan à s’asseoir autour d’une même table avec toutes les forces vives de la nation, y compris celles de la diaspora. Au besoin, engager un vrai bras de fer en relayant avec efficacité, les revendications du peuple. Ceci établirait de façon claire, le rapport de forces en faveur du peuple ; cet éternel laissé-pour-compte.
Depuis un moment, la chape de plomb qui maintenait la jeunesse congolaise dans la résignation et l’obscurantisme, donne des signes de frémissement ; plantés comme le nez au milieu de la figure, et mis en exergue notamment lors de la grande campagne contre le référendum illégal. Plus d’une cinquantaine de nos jeunes compatriotes ont péri sous les balles du barbare d’Oyo. Leur mort ne sera pas vaine et doit être le moteur qui subjuguera notre lutte pour la libération de notre pays.
La désobéissance civile. Parlons-en. Elle pourrait s’arrimer à cet ensemble d’actions de défiance susceptibles de faire sortir Sassou de sa tanière. Ne nous leurrons pas. Comme en 1991, Sassou n’acceptera tout dialogue constructif pour le Congo qu’une fois un genou à terre. Par la contrainte.
Petit bémol. Beaucoup d’observateurs l’assènent à l’envi. Une désobéissance civile ne serrait efficace que si toutes les couches de la population, toutes les régions, toutes les villes, tous les quartiers et tous les leaders de l’opposition s’y impliquaient sans réserve. Pour cela, il serait impératif que les quartiers nord de Brazzaville et toutes les régions nord du pays comprennent que le combat qui vise à envoyer Sassou aux mille diables, est un devoir de salubrité nationale. Il nous incombe tous.
Tout compte fait, le peuple congolais ne pourra jamais faire l’économie d’un dialogue. Mais après Sassou, une fois dans le collimateur de la CPI, à moins que la légendaire indulgence du peuple congolais l’autorisait à aller élever ses vaches et ses autruches à Oyo. Toutefois, le Congo survivra bel et bien à lui. Un vrai dialogue pourrait alors s’ouvrir dans le pays. Ce dialogue prendrait la forme que l’on voudra : états généraux, Conférence nationale, Concertation, etc… Le Congo aura besoin d’un moment de convivialité, où les fils et filles de ce pays, examineraient en toute quiétude, les problèmes hérités de la gestion tribale et égoïste du pouvoir par Sassou. Chacun pourra exprimer ses ressentiments, partager sa colère ou son bonheur, dire ce que l’on pense, bref, concevoir un projet qui regarde tous les congolais sans exclusive.
Au-delà des vraies tractations susceptibles de préparer un projet idoine pour notre pays, il faut se projeter dans la gestion des conditions de l’éviction de toute l’équipe dirigeante qui se cramponne au pouvoir. Le Congo trouverait ainsi l’occasion de pansement des blessures d’un peuple broyé par la mauvaise foi d’un régime cupide, tyrannique, dénaturé et infecté par des transfuges éhontés. L’ampleur du désappointement de ce peuple en quête d’équité, de justice et de liberté n’avait jamais autant atteint son paroxysme. En refusant tout dialogue inclusif et en jouant le pourrissement, Sassou et son clan sont désavoués et seront tout bonnement défenestrés par le réveil brusque d’un peuple prétendu fataliste, longtemps grugé, humilié et opprimé.
Par : Djess dia Moungouansi
« La plume du Congo Libre »