La ''Sassousose'' obsessionnelle

Au Congo Brazzaville, la page des élections législatives étant tournée, que va-t-il se passer maintenant sur le plan politique. Confirmer le chemin d’avenir de la famille Sassou vers la « Sassoumonarchisation » du Congo ?

Hier, Sassou avait fait nommer son fils Chrystel au bureau politique du PCT. C’était le 1ier acte. De loin, le plus important. Faisant de son fils, le futur candidat de ce parti aux élections présidentielles le cas échéant : décès prématuré du père – impossibilité de modifier la constitution si le peuple venait à se soulever etc. Qui pourra oser, s’opposer au fils Sassou au PCT ? Personne. Aujourd’hui, il vient de nommer le même fils et sa sœur Claudia Sassou députés à l’assemblée. 2ième acte : mise en orbite de ses derniers sur la scène politique nationale etc.

To solola bien. (Parlons bien et sérieusement) !

1) Le Congo s’achemine inévitablement et inexorablement vers la formation d’un gouvernement dit d’union nationale (que de nom) afin de faire rentrer à la mangeoire tous les lièvres électoraux ayant rempli leur mission d’accompagner le PCT aux élections législatives en guise de remerciements pour service rendu. Entrée dans ce futur gouvernement du fils de Sassou (Chrystel) probablement au ministère de la défense. Poste clé pour tenir le pays au cas où le père venait à disparaître brutalement. (Un schéma à la gabonaise pour la succession d’un Sassou par un Sassou). 3ième acte : mise en orbite nationale et internationale. Il faut que le rejeton puisse acquérir de la notoriété et de l’expérience quand même !

2) Ce n’est pas une grave erreur que de commencer à spéculer sur ce qui se passera dans les mois à venir à l’Assemblée nationale. Réalisme de la politique « Con-golaise » oblige. Le PCT et son RMP (Rassemblement des Moutons de Panurge) majoritaire au sein de la caisse de résonnance du pouvoir de Brazzaville appelée à tort Assemblée nationale, la nation étant représentée par Sassou, son PCT et ses affidés. Sous un prétexte fallacieux vieux comme le monde : le parlement est la représentation de la volonté du peuple Congolais (or c’est la volonté de Sassou) et à sa demande, car le peuple se sera rendu compte que sans Sassou à sa tête, le Congo n’existe pas…Il n’y aura plus de chemin d’avenir etc… (Mampia ma Sassou ) des mensonges… Conformément donc à cette minauderie, ce burlingue de «  politichiens » et des « politifaims » à la solde de Sassou, va s’atteler à préparer une loi pour modifier la propre constitution de Mr Sassou lui-même et pourtant, taillée à sa mesure, afin de lui permettre de briguer un 3ième mandat en 2016. Qui va l’en empêcher ?

Qui s’en plaindra ? Des Congolais patriotes et acteurs de la vraie démocratie assurément.

«Sassou ! C’est devenu une véritable obsession, je lis tout ce qui le concerne, j’achète tous les ouvrages qui parlent de lui, et même ceux qui parlent de la prétendue piété de mère Antou, des frasques de sa fille Claudia et des biens mal acquis de son fils Chrystel à Paris… », me révèle une compatriote. Et un autre de me confier : «Cet homme envahit mes pensées, dès qu’on parle d’autre chose entre Congolais ou avec les amis du Congo, je ramène toujours la conversation sur lui, j’essaie désespérément de comprendre ce qu’il a dans la tête.» Sans parler des rêves innombrables où notre président, triomphant ou démoniaque pénètre les recoins les plus profonds de l’âme de mes compatriotes voilà plus d’une trentaine d’années.

Face à ce déferlement fantasmatique, je m’étonne que le DSM, classification internationale des troubles mentaux, n’ait pas encore ajouté à ses innombrables taxinomies, ces nouvelles maladies de l’âme Congolaise que sont la sassoumanie, la sassouphobie, la sassouphrénie, ou la sassounoïa. Surtout, après son dernier holdup électoral aux législatives au cours duquel, il a nommé Yoka Emmanuel originaire du Nord Congo député de Mvindza dans le Sud Congo. On me rétorquera que c’est la preuve vivante de la démocratie congolaise. J’objecterai : Qu’elle est cette démocratie apaisée et transparente qui ne s’applique qu’au Sud Congo mais pas au Nord Congo dans le fief de Sassou ? Pourquoi, aucun Congolais originaire du Sud Congo même membre du PCT fusse t-il n’a été autorisé à se présenter comme candidat à la députation au Nord du Congo et évidemment, aucun Sudiste n’a été élu (nommé député) dans le Nord Congo) ? Isidore Mvouba, Kolelas Parfait, Tsaty Mabiala…originaires du Sud ongo députés d’Oyo en lieu et place du fils Sassou ( Chrystel, de Tchikapika en lieu et place de Bouya Jean Jacques ou de Ayessa Firmin à Makoua cela pouvait avoir de l’allure non ! Hélas ! Edwzé, Edwzé… (Passons). Quelle démocratie à sens unique !

Comment opère ce diable d’homme pour encombrer ainsi l’imaginaire, pour obstruer les fantasmes d’un Congo réellement démocratique au point de générer chez la plupart de nos concitoyens une « sassousose obsessionnelle » aux effets délétères ?

Certes, il est omniprésent voilà bientôt 32 ans au pouvoir. Certes, il fait tout pour capter notre attention et saturer nos sens. Il fait surgir un lapin démocratique pour dissimuler une colombe dictatoriale, subtilise au pouvoir syndical et à la funeste opposition de bouche, une politique d’achat de conscience et de divertissement accéléré appelée à tort « municipalisation accélérée ». Escamote le chemin d’avenir du peuple Congolais pour en faire un chemin personnel ainsi que celui de sa famille. A telle enseigne que le chemin d’avenir dont on parle tous les jours et toutes les secondes au Congo, est devenu le chemin de l’avenir de Chrystel Sassou Nguesso.

Certes tous les jours, sur la télé ‘’Kim Il Sassoung’’ à Nkombo, il exhibe son bon plaisir et nous rappelle que nous ne sommes que des rats et des souris, si nous en doutions, que le pouvoir, ça fait jouir, sur tous les plans et dans toutes les positions. Qu’un mâle exultant sur le trône de ses conquêtes fasse fantasmer les foules n’a rien de surprenant. Mais qu’un homme utilise à ce point son mandat éternel à la tête du Congo acquis frauduleusement par les armes et consolider par des élections tronquées pour le convertir en jubilé ininterrompu, en ivresse de lui-même, (comme ce 15 août 2012 à Kinkala avec des lunettes à la Oliver Stallone) en stimulant le peuple Congolais sur un prétendu chemin d’avenir pour mieux désirer et être désiré commence à susciter un réel malaise parmi les vrais Congolais (Authentiques patriote et démocrate).

Car ce narcissisme qu’il exhibe à son paroxysme nous est très familier. C’est un narcissisme dictatorial. En définitive, négatif car destructeur pour lui et pour le Congo. Dans cette immense inversion des valeurs depuis son coup d’Etat en juin 1997 que représente le passage du Congo à une société individualiste, notre référent ultime (tata bo moko) est la figure de l’Individu tout-puissant, contenant en lui-même tout le Congo sinon l’humanité entière, incarnation de l’autonomie absolue. Vanité des vanités tout est vanité.

Bien sûr, les hommes ont toujours été égocentriques, et il ne sert à rien d’affubler cela du masque de la psychiatrie. Disons que la logique individualiste fait le lit d’une propension narcissique propre à chacun, mais elle ne bouleverse pas inévitablement nos personnalités au point de nous affecter d’une pathologie narcissique semblable à celle des « politichiens » Con-golais. .

Freud nous a depuis longtemps appris à distinguer les aspects positifs du narcissisme (que nous nommons aujourd’hui volontiers « estime de soi »), de l’obsession de soi qui porte en elle les germes de sa propre destruction.

Dans la légende, Narcisse pleure quand il prend conscience qu’il est lui-même l’objet de son amour. Il veut alors se séparer de sa propre personne et se frappe jusqu’au sang avant de dire adieu au miroir fatal et de rendre l’âme.

Que Claudia succède à Edith, qu’elle soit elle-même une bête de spectacle, une croqueuse de stars kinois, qu’ils se redorent réciproquement avec Kiki leurs blasons de fils de Saint Denis n’y change rien : c’est l’homme Sassou qui occupe la scène, c’est l’individu président qui nous envahit sur un tempo obsédant. Au nom d’une démocratie frelatée, d’une efficacité et d’une authenticité affranchie des codes et des rituels désuets, c’est la fonction de représentation du pays qui se réduit à l’incarnation d’un destin personnel et, celui d’une seule famille : celle des Sassou. C’est cela le chemin d’avenir (des Sassou) vers lequel le Congo doit tendre comme une vertu sous peine d’une guerre civile. C’est le bien commun et collectif de tous les Congolais qui se dissout dans un individualisme démonstratif et conquérant.

Mais il est avant tout une dimension du narcissisme qui fascine car elle est tapie au plus profond de nous, un narcissisme de mort qui tend à notre propre anéantissement. Toutes ces conduites autodestructrices du pouvoir de Brazzaville qui nous sont aujourd’hui si familières, s’appuient sur cette dualité. Eros et Thanatos.

La psychanalyse nous a appris que les narcissiques sont des sujets blessés, précisément carencés du point de vue de l’estime d’eux-mêmes du fait de déceptions précoces. Qui leur reste-t-il à aimer sinon eux-mêmes ? Ils ont alors le souci d’être non seulement un, mais unique, sans plus d’ancêtre que de successeur. Le narcissisme pathologique de notre Tsar, est celui d’un individu soucieux de contrôler les impressions qu’il donne à autrui, avide d’admiration mais méprisant ceux qu’il parvient à manipuler, insatiable d’aventures affectives pouvant combler son vide intérieur, obsédé par son propre vieillissement.

Chacun semble aujourd’hui prendre conscience qu’au Congo, au vu de son âge, des prochaines élections présidentielles en 2016. Sassou sera-t-il candidat ou pas ? Va-t-il céder sa place à son fils ? Etc. La machine des pros et anti Sassou s’emballe ; chacun guette l’accélération des tics de «Cheval fougueux» avant l’échéance présidentielle de 2016, soupèse l’éventualité d’une explosion en plein vol courant 2016 et les Congolais, qui souffrent d’une « Sassousose obsessionnelle » commencent à se déchaîner.

L’activisme forcené de notre président à nommer ses enfants députés à la futur assemblée nationale, à obtenir à tous les prix un rendez-vous avec François Hollande, qui vire à une gesticulation de lobbying forcené de plus en plus vidée de sa substance et de sa vérité, semble à présent mettre en scène, sous nos yeux ébahis, le spectacle de son autodestruction.

Wallys KIMBATSA