Après l’annulation du Bac 2015 suite aux fraudes massives dues à son sens aigu du travail, ya Matson a eu le mérite d’importer de France, des tables-bancs en bois flambant neuves. On pouvait le voir, avec des allures héroïques, se faire allègrement photographier lors de la réception de ce lot magique, destiné à agrémenter les lycées de Brazzaville.
Il faut croire que ce grand frère a un génie créatif qui ne tarit pas d’initiatives.
Pour la petite histoire : depuis l’annonce de cette spectaculaire commande de table-bancs depuis la France, pour les écoles de Brazzaville, en plein cœur de la forêt, par un réflexe psychotique, non contente de me railler de ces autres ministres là, sclérosés, bon à rien, en manque d’inspiration, de sensations et d’idées novatrices pour faire avancer l’école, j’ai été emballée dans une de ces rêveries à clamer la décoration de notre glorieux Ministre de l’enseignement Primaire, Secondaire, chargé de l’Alphabétisation. Que moi de penser : enfin ! Hellot Matson Mampouya tente de se refaire une réputation après le cyclone du bac.
J’ai rêvé que ces tables étaient en nickel, hissées sur des galets en cristal, avec chacune une verrière mécanique à base de diamant, avant de me réveiller en sursaut, le temps de réaliser que le contingent de pièces démontables était en fait du bois acheminé de l’autre côté de la méditerranée vers un atelier d’assemblage sur le sol de Brazzaville.
Mon rêve s’est définitivement évaporé lorsque j’ai failli tomber en syncope, après avoir lu un article de Congo-site qui en faisait l’apologie dans ces termes, je cite :
« Le déficit en tables-bancs constaté dans les écoles congolaises est de 242.000 tables-bancs. Des sources proches du ministère, le ministre Mampouya avait sollicité un budget de 9 milliards de FCFA, pour réduire ce déficit. Il n’avait reçu que la somme d’1,5 milliard de FCFA en 2014. Selon un fonctionnaire, les vieux tables-bancs issus des lycées seront placés dans les collèges de Brazzaville. Puis ils seront envoyés dans les départements dès que les collèges seront à leur tour dotés en attendant que ne soit décaissée la somme restante, estimée à 7,5 milliards de FCFA pour combler tout le déficit en tables-bancs. Signalons que le lycée Sébastien Mafouta nouvellement créé en banlieue sud de Brazzaville a déjà reçu 500 tables- bancs. Ce même nombre sera bientôt doté au lycée de Nganga Lingolo, lui aussi situé en banlieue sud de Brazzaville. » Fin de citation.
Jusqu’ici je pouvais concevoir que l’on importe du saucisson à l’ail, du vin rouge, des huîtres, et même du pain, mais du bois à Brazzaville ? J’ai le tournis, rien qu’en y pensant. C’est tout comme arroser un potager sous une pluie torrentielle.
Mais Brazzaville !mes chers amis, entendez par là le cœur même de la forêt tropicale équatoriale. Le poumon des forêts du bassin du Congo, celui-là qui ne manque pas d’attirer toutes sortes de prédateurs et de vautours du monde entier du fait de ses considérables richesses en bois d’ébénisterie.Et plus encore, les chômeurs, ce n’est pas ce qu’il manque, les menuisiers non plus. D’ailleurs, depuis qu’on les compte à chaque coin de rue, la Ministre des Petites et Moyennes Entreprises avait décidé qu’on les désigne tous, ensemble avec les vanniers, avec la profession valorisante de « artisans », pour éviter la stigmatisation et surtout compte-tenu de la valeur ajoutée que confère leurs activités à l’économie du pays.
Maintenant que Ya Matson a préféré injecter tous ces milliards dans l’économie Française pour des « affiquets » que même l’apprenti ouvrier du coin pouvait fabriquer, pourvu qu’on lui en eut donné les moyens et les procédés, l’on est en droit de se demander ce qu’en pensera ya Adelaïde Mougany, elle qui hurle chaque jour l’éloge de l’entrepreneuriat.
Mais ce qui me brise le cœur par-dessus tout c’est le fait que les bancs traditionnels des écoles de Brazzaville, considérés désormais par le tenant du ministère comme inadaptés aux conditions d’étude, seront envoyés à l’intérieur du pays pour servir les écoliers de là bas. C’est la preuve que l’avenir des élèves évoluant à l’intérieur du pays n’a jamais été une préoccupation pour le Ministère de l’éducation. Cette conception abracadabrantesque de l’école peut être résumée comme la concrétisation même de la mauvaise volonté de faire croitre les disparités en matière d’accès à l’éducation de qualité entre les enfants urbains et les nombreux laissés pour compte déjà confrontés aux dures péripéties du quotidien rural.
Monsieur le Ministre, que faites-vous donc du Rapport National sur les Objectifs du Millénaire pour le développement ? Rien que pour cette divination de l’école entre Brazzaville et l’intérieur, vous êtes ouvertement attaquable !
Pouvons-nous dès lors espérer que ce monumental achat des tables-bancs par effet de mode, servira immédiatement à régler l’incompétence qui sévit au sommet du Ministère de l’éducation? De même que le problème du déficit des enseignants sera résolu ; le niveau d’application des élèves jugé très décevant ces dernières années connaîtra un effet de poussée et que les fraudes massives au cours des examens d’État prendront fin ?
Nous attendons maintenant de voir les retombées du trop plein de milliards dilapidés par notre sacré Hellot Matson Mapouya, pour, dit-on, rénover l’école Congolaise. Quand je pense que c’est sur des bancs faits maison que nous avons tous étudié, lui y compris, et que cela n’a eu d’impacts négatifs ni sur notre santé, ni sur nos résultats scolaires, de l’époque coloniale à ce jour. Que Dieu nous garde !
Par Destinée Doukaga
Blog de l’auteur: Destineedoukaga.com